Où se situe aujourd’hui, et peut-être depuis toujours, la véritable avancée des images filmées par les homos ? Sur le terrain de l’aventure sexuelle, voire de la pornographie. Ce qu’a confirmé un festival par ailleurs un peu trop complaisant dans sa recherche d’une identité bien-pensante et finalement assez consensuelle.
La preuve avec la sélection de courts métrages, tous plus calamiteux les uns que les autres. Hormis le superbe Sourire d’Alice de Laurence Rebouillon (déjà vu au Festival de Belfort) et une petite comédie espagnole bien ficelée sur les excursions d’un ado dans les toilettes d’un centre commercial (En mauvaises compagnies de Antonio Hens), rien à retenir d’une cuvée exempte de cinéma. Entre coming-out détournés (Dream kitchen de Barry Dignam), farce cannibale et hénaurme mettant en vedette la grosse bite de Jeff Stryker (Can I be your Bratwurst, please ? de Rosa von Praunheim) ou fascination glauque d’un jeune beur pour son demi-frère (L’Embellie de Jean-Baptiste R&K), impossible de sortir de la provocation bon teint et du particularisme déprimant. Ceci sans idées, sans plaisir, sans désir surtout.
Télé queer et doc lesbien
Une WebTV conçue par un groupe de jeunes gays et lesbiennes ? C’est ce que l’on pouvait découvrir dans une petite salle du Forum des Images avec la présentation du site XVerti, sympathique initiative grâce à laquelle est diffusé tout un tas de programmes et de parodies sauce queer, avec un soupçon d’esprit café-théâtre. Au menu fréquemment renouvelé : courts métrages en costume, sitcom homo, télé-achat trash ou JT vantant le goudou-power régional… Tout ça est encore très balbutiant et inégal, mais l’amateurisme joyeux de cette bande de potes « pas là pour se prendre la tête » mérite le détour.
Du côté du documentaire, l’honnête et émouvant Paragraphe 175 de Rob Epstein et Jeffrey Friedman. Enquête sur les homosexuels déportés pendant la Seconde Guerre mondiale, le film recueille avant tout les témoignages de quelques survivants, encore traumatisés par leur détention en camps de concentration. Si ces octo- ou nonagénaires demeurent assez évasifs sur les humiliations subies (ce qu’on ne peut leur reprocher malgré les mille questions que l’on se pose et auxquelles le film répond finalement très peu), on en apprend davantage sur le Berlin de l’entre-deux-guerres, véritable âge d’or pour une communauté gay plongée dans la fête et les ambiances de cabaret.
Réalisé pour la chaîne câblée Planète, Amazones 2000 souffre un peu de cette commande qui condamne la réalisatrice Florence Fradelizi à survoler son sujet, en l’occurrence « à quoi ressemblent les lesbiennes d’aujourd’hui ? » (Ok, ça veut pas dire grand-chose, mais on va faire comme si.) Militantes italiennes de la World Pride 2000, jeune femme homosexuelle élevant seule son enfant, ou gérante d’un bar tendance : Amazones 2000 se veut un patchwork de portraits, malheureusement trop courts pour que l’on s’attache vraiment à ces femmes par ailleurs assez charismatiques. On regrette que Fradelizi ne se soit pas concentrée sur une seule de ces créatures ou sur un thème plus précis, comme la sexualité lesbienne, commentée avec beaucoup d’humour par l’une des intervenantes se baladant à la fin du reportage au détour de quelques étalages de godemichets.
Théorie et pratique du porno
Constat étrange, mais plutôt révélateur : les meilleurs longs métrages présentés cette année comportaient tous au moins une scène de cul non simulée, à l’image d’O Fantasma, le chef-d’œuvre de Joao Pedro Rodrigues projeté en clôture (voir compte rendu de Belfort).
Réalisé en 1980, Taxi zum Klo de Franck Ripploh était proposé dans le cadre d’une rétrospective consacrée à la transgression des codes figuratifs via le cinéma homo underground avec quelques grands films signés Jack Smith (le classique Flaming creatures et le plus rare mais tout aussi beau The Yellow sequence) ou Maria Klonaris et Katerina Thomadaki (les étranges performances-rituels de Double labyrinthe). Fortement déconseillé aux âmes sensibles et aux romantiques purs et durs, Taxi zum Klo est une sorte d’autofiction explorant sans pudeur ni tabous l’intimité chargée et peu ragoûtante du cinéaste. Quadragénaire barbu et boutonneux au regard un brin vicieux, Franck Ripploh défèque devant la caméra (gros pets juteux à l’appui), suce les queues de mecs rencontrés aux chiottes et pisse dans la bouche de ses amis les plus entreprenants. Pas franchement bandant mais décapant, le film touche par la dualité de son héros, tiraillé entre un amant fidèle, voire casanier, et son insatiable appétit sexuel. Filmée aussi frontalement que chez Ripploh, la sexualité de Pierre Tridivic et Patrick Mario Bernard passe également par le filtre de l’analyse plastique et théorique. Alors qu’un producteur demande au couple de réaliser un film sur leur quotidien, Patrick Mario Bernard est fasciné par un album de photographies érotiques où les sexes des modèles ont été soigneusement découpés. Ceci est une pipe sera donc une suite d’allers retours et de dialogues brillants entre la pornographie et sa représentation, l’image et son sens, la geste artistique et son ironique désacralisation. Bouleversant d’intelligence, ce moyen métrage est un objet complexe et profondément mystérieux sur lequel nous ne manquerons pas de revenir lors de son éventuelle diffusion en salles…