Orateur de bonnes aventures rapologiques, Teki Latex a accepté de se prêter au jeu de l’interview, pour parler de mots et autres déviances sémantiques exploités dans ses projets et groupes, de L’Atelier à TTC, en passant par L’Armée des 12 et son label Institubes… Record.
– Version intégrale de l’interview publiée en novembre 2003 dans Chronic’art # 12 –
Chronic’art : On est là pour parler de jeu. Alors commençons par le « rap game », ce que certains considèrent comme la partie textuel du rap, le jeu des mots, la sphère conflictuelle du hip-hop censée être ludique…
Teki Latex : Le rap game ? (rire) Je te réponds rap gay ! Je pense que tous les rappeurs sont gays, sauf moi. Tous les rappeurs en activité sont homosexuels, mis à part moi. Voilà ce que m’évoque le rap game… Ja Rule est gay, DMX est gay, etc. On ne va pas tous les citer, hein ?
Ok. Et les jeux de mots, qu’en penses-tu ?
J’ai un dictionnaire de rimes que mon grand-père m’a offert il y a une quinzaine d’années. J’ai du m’en servir une dizaine de fois. Je m’en sers rarement donc, quelquefois comme point de départ pour poursuivre sur autre chose… Les paradoxes que peuvent engendrer certaines associations de mots peuvent être intéressantes pour l’élaboration de mes textes. La terminologie des mots m’intriguent un peu. Sans plus.
Private Joke et néologismes ?
« Etre en patate », « enfoiré mental », « abouloupatate », « géant vert », « ca sent le maïs »… Ces néologismes ou expressions inédites ont des origines diverses, beaucoup trop « abouloupatate » pour que je puisse en parler… Je n’ai pas envie de parler de private joke. C’est privé, tu sais ?
Tu as déjà dis que la « tristesse était le vecteur des meilleures émotions »… Ecrire n’est donc pas forcément une forme d’amusement pour toi ?
C’est le fait d’écrire qui est un jeu. Ce n’est pas le fait de jouer qui te fait écrire de meilleurs textes. Je parle plus au niveau du style que du le fond ici. Le fond peut-être totalement triste, mais dit de façon ludique, justement pour exorciser un petit peu le côté spleen un peu chiant. Je suis fortement intéressé par le style, pour parler de la musique en générale. Lorsque j’écris, je tente de compliquer les choses, de jouer avec les mots, de me contredire, pour ne pas rester dans un carcan. Mais avec le temps, c’est quelque chose qui me vient naturellement, je ne me prends pas tout le temps la tête. Il m’arrive de vraiment faire attention à certaines phases, mais aussi de me lâcher. Mais tu sais que cette interview n’est pas un jeu du tout ? Ca me saoule en fait… Non, je plaisante, c’est très amusant, t’inquiète pas.
Allez, je te parle de jeux de l’oie, de maïs grillé vendu par ton visage et tu me laisses ? Ok ?
Par le passé, tu étais plutôt passionné par les freestyles et les battles. Quelle vision en as-tu aujourd’hui ?
Aujourd’hui, je ne suis plus autant passionné par ces univers. Quand tu commences à être plus ou moins connu, tu peux devenir une proie facile et cela peut totalement fausser le jeu de la battle par exemple. Quelqu’un viendra t’affronter sur des mots, mais il aura une connaissance de toi parce que tu as déjà sorti des textes et que tu es connu pour tel ou tel trait de caractère. Autrefois j’étais vachement dedans, j’étais un des premiers à faire la promotion des freestyles et autres battles. Puis, quand j’ai commencé à vraiment m’investir sérieusement dans la musique, je me suis éloigné de ce type de « distractions », même si j’ai pris énormément de plaisir à faire des textes improvisés. Car cela devenait beaucoup moins essentiel pour moi. Faire des battles ne fera pas de toi un meilleur Mc. Ce n’est pas en balançant des textes comme « Je te coupe comme un couteau » que tu avances… Même si c’est drôle. Enfin bof, selon les humeurs… En France, il n’y a personne de vraiment intéressant dans le domaine des battles. Ce n’est pas quelque chose qui a marqué le rap français.
Tu es à l’origine de La Superfamilleconne, un crew qui regroupe plusieurs de tes collaborateurs. De quoi s’agit-il ?
La Superfamilleconne est vraiment quelque chose qu’on a fait pour s’amuser, sans se prendre la tête à vouloir faire « un crew ». C’est une équipée composée de Tacteel, Para One, Siskid, TTC, Orgasmic le Toxicologue, en formation de Djs. Cette petite famille ne s’interdit pas de changer ou d’évoluer, la Superfamilleconne a été crée pour nous permettre de passer les disques qu’on aime, entre potes, à huit derrière les platines, pour faire bouger et danser les gens…
C’est une référence évidente à « Superfamicom » de Nintendo (ou SNES ou encore Super Nintendo, une console qui a marqué l’ère des consoles 16 bits). Tu t’intéresses aussi aux sons 8 bits…
Les sons 8 bits me remuent. C’est un bon exemple de sonorités musicales qui peuvent engendrer des morceaux très ludiques mais en même temps assez expérimentaux. Je pense par exemple à un groupe comme Teamtendo, avec qui TTC bosse en ce moment. Ils travaillent sur des Game Boy, entre autres, et arrivent à créer des morceaux qui fourmillent d’idées pop et de fractions noisy recherchées. Teamtendo devrait sortir des trucs sur Institubes et sur Deco très bientôt.
Propos recueillis par
A écouter :
L’Atelier : Buffet des anciens élèves (Institubes / Pias)
Para One : Beat down (Institubes / Pias)
Tacteel & Screwy Truant : Blame it on the music (Institubes)
TTC : Trop singe Ep (Clapping Music / Chronowax)
TTC : Game over (Big Dada / Pias)
Lire l’interview de Travaux Publics
Lire l’interview d’Arnaud Labelle-Rojoux