Supergrass, troisième album des popeurs-punks d’Oxford, surprendra par sa douceur apparente… Mais sur scène, affirme Gaz Coombes (guitare-chant-sourire ravageur), le groupe distille toujours du turbo-rock. Mieux que jamais, disent les chanceux qui se sont pressés au Café de la Danse pour un show d’anthologie.
Chronic’art : Nouvel album, nouvelle direction.
Gaz Coombes : Oui. Même si l’on ne prétend pas se réinventer totalement à chaque fois, on essaie de ne pas toujours sortir le même disque. Et puis désormais nous sommes quatre.
Donc ton frère est membre à part entière.
Oui, même s’il ne participe pas à la promo.
Récemment, lors d’un live pour MTV, la caméra évitait de le filmer.
Non ? Je ne sais pas pourquoi ils ont fait ça. C’est leur problème. En tout cas, nous essayons toujours de lui donner des rôles sympas dans nos vidéos. C’est important de l’avoir avec nous. Il n’aime pas trop répondre à des interviews et sa vision du groupe n’est pas la même que la nôtre. Il joue sa musique, participe à nos concerts et nous trois devons planifier l’avenir de Supergrass, savoir ce qu’on fera ensuite. C’est de cela qu’on parle avec la presse, ou de ce que nous avons voulu mettre dans l’album. Rob ne s’en mêle pas. Ce n’est pas qu’il intervienne au dernier moment. Il est toujours avec nous, mais il ne s’occupe pas de la post-production.
I should coco était d’inspiration 60’s, In it for the money louchait vers les 70’s et celui-là l’est franchement. Le prochain ne sera pas 80’s ?
Je l’espère. I should coco avait un côté punk aussi. Ça venait du fait que nous étions trois mecs excités à l’idée de jouer notre musique. Notre instinct premier était de délirer ensemble.
D’où la vidéo d’Alright.
Oui, c’est nous et on prétend avoir treize ans à nouveau. Je ne sais pas si les gens ont réalisé qu’on jouait. Je crois que la plupart ont pris cela pour argent comptant. En réalité, c’était un jeu. Mick avait 25 ans, j’en avais 18, j’étais jeune, mais j’avais cessé de faire du vélo vers 13 ans. Et les gens n’ont pas tous pigé.
La génèse de Supergrass, l’album ?
Nous avons commencé à l’écrire pendant trois mois, enfermés dans un local de répétition. On a écrit des chansons et enregistré des démos. Nous les avons embarquées ensuite en studio, au calme dans le Surrey. On a enregistré une partie des backing tracks là-bas. On a produit tout nous-mêmes avec l’aide de John Cornfield, ingénieur du son glorifié. Il est nos mains et nous avons les idées.
La vidéo de Pumping on your stereo ?
Je ne sais pas trop comment c’est venu, mais nous avions reçu tous ces scripts et le meilleur contenait des photos rigolotes de nous. Et lorsqu’a été mentionné l’atelier de Jim Henson, difficile de résister… J’ai grandi devant Sesame street et les Muppets, j’ai même vécu un peu aux USA et je restais scotché à la télé devant ces émissions. Maintenant, à l’âge adulte, pouvoir tourner Pumping me ramenait à l’enfance. C’était fantastique de travailler avec les gens du Jim Henson Creature Workshop. On s’est éclatés. C’est le principal d’ailleurs : on fait ça pour s’amuser, pas pour se prendre la tête, avoir l’air triste et pleurnicher sur l’horreur du monde du rock. On veut amuser et intéresser notre public à la fois. On a envie que les gens voient tous nos aspects. Pas qu’ils regardent Pumping en se disant « Tiens, Supergrass est un groupe de dessin animé. Vous êtes des marionnettes ? ».
Changement d’ambiance avec Moving. On ressent une impression de solitude, bien qu’on voit le groupe en train de déconner dans des hôtels. Du vécu ?
Non, pas vraiment. Mais la vidéo était bien pire au départ. La première version collait la déprime… Nous ne voulions pas montrer ça : on ne passe pas notre vie à déprimer dans des chambres d’hôtels. On voulait surtout décrire la monotonie d’une tournée. Et montrer qu’on pouvait quand même trouver des moyens de se distraire. On n’est pas très satisfaits de ce clip au final.
Des retours pour l’album ? Ça compte ou pas, d’ailleurs ?
Ça dépend d’où vient l’opinion. Nous avons déjà eu des commentaires enthousiastes de nos familles, de nos amis, de notre manager, de notre équipe, de tous ces gens qui comptent vraiment. La plupart des chroniques à ce jour ont été plutôt bonnes, exceptées quelques très mauvaises. Et alors ? C’est l’opinion d’un individu. Je ne peux pas m’attendre à ce que le monde entier nous aime. Il y aura même des gens pour nous détester. Parfois, il arrive que ceux-là soient des journalistes, mais tant pis. Il faut ignorer les chroniques et les commentaires, bons ou mauvais. Et suivre son inspiration.
Meilleure, pire et plus surprenante scène à ce jour ?
Le pire était probablement hier soir. Mon ampli a explosé en pleine Black Session, créant un petit incendie. Franchement pas terrible. Le meilleur moment reste le festival T in the park en Ecosse, en 1995. Nous avons posé le pied sur scène et entendu ces hurlements assourdissants. Totalement dingue. Et presque paralysant. Comment reculer dans ces conditions ? Le moment le plus surprenant, je crois, c’était lors d’un show à Londres. Dans le public se baladait une sorte de poulet géant, en hommage à Man size rooster.
C’est si étonnant que ça ?
C’est vrai qu’on croise des poulets géants partout dans la rue. Celui-là dansait dans la foule, quand même.
Ras-le-bol des commentaires sur la pilosité faciale ?
Ils émanent de journalistes sans imagination. A part ça… C’est mes cheveux, mes poils. J’oublie que j’ai tout ces poils. Je ne m’en souviens que lorsqu’on le mentionne en interview. Mes rouflaquettes sont un prolongement de ma tignasse, c’est tout. J’ai commencé à les laisser pousser à 14 ou 15 ans à l’école. En version miniature.
Quelle idée préconçue au sujet du groupe t’agace ?
Je crois que tout le monde nous perçoit comme des joyeux lurons déconneurs. C’est certainement dû à nos vidéos où on a l’air de s’éclater. Mais on est comme ça dans la vie, on s’amuse, on déconne. Et on traverse aussi des moments difficiles. La presse semble ne se concentrer que sur un aspect unique de Supergrass : les mecs échappés d’un cartoon qui font les cons. Si tu écoutes tous nos disques et visionnes nos vidéos, tu réalises qu’il y a d’autres facettes. Les vrais fans, ceux qui nous apprécient réellement, ont compris ça et savent qui nous sommes. Ils ont cette vision globale du groupe.
Qui manque à la presse. A quelques exceptions.
Dont tu fais partie. Mais tu es exceptionnelle.
Merci. Comment te débrouilles-tu avec les groupies et les fans givrés ?
Je ne me débrouille pas. Si toutefois nous en attirons, je les ignore. Je les aperçois de la fenêtre du bus. Je leur dit « bonjour »… et « au revoir ». Je n’ai pas envie de prendre ça au sérieux.
Vous pensiez aller aussi loin à vos débuts ?
On pense souvent qu’on a encore beaucoup de choses à accomplir, beaucoup de musique à enregistrer. Aussi longtemps que la maison de disques sera d’accord, on sortira des disques. Tant pis pour les mauvaises critiques. Ou si personne ne les achète. Je ne sais franchement pas ce que je pourrais faire d’autre. Je suis obsédé par la musique. C’est ma vie. J’ai toujours de la musique en tête. Nous essayons de conserver la même attitude depuis le début : faire ce qu’on veut faire, être sincères musicalement.
En voyant des gens comme Iggy Pop ou Bowie sortir de bons disques à 50 balais, vous imaginez évoluer comme eux ?
Pourquoi pas ? Même si je n’y pense pas vraiment, car c’est bien trop loin. On admire beaucoup Neil Young. Sa carrière. Sa vie étrange. Le fait qu’il ait dû élever des enfants tout seul. Et il a survécu à tout, continué à faire sa musique comme il le voulait sans jamais s’éloigner de ses racines. Et il a plus de 50 ans. Il a conservé sa sincérité. Il ne fait pas de la musique pour gagner de l’argent, mais parce qu’il le souhaite.
Qu’est-ce qui vaut le coup d’être écouté en Angleterre ces jours-ci ?
Hum. Un groupe appelé Supergrass. Des débutants doués. Ils pourraient bien devenir énormes… En fait, il ne se passe pas grand chose. La scène est saturée par cette pop de mauvaise qualité ou par des cochonneries latinos. La semaine dernière, nous étions le seul groupe du Top 10. Ces groupes comme Travis, Gomez, Ultrasound ou les Super Furry Animals font tous des trucs différents, ils ont une attitude que je respecte, même si leur musique est inégale. J’aime leur façon d’être. C’est bien qu’ils soient là, qu’ils jouent des instruments. Nous utilisons des samples et des ordinateurs en studio, le même matériel dont se servent ceux qui font de la dance. Mais à la base, notre musique est créée de façon organique.
La musique électronique n’est pas ton truc ?
J’aime les Chemical Brothers et FatBoy Slim.
Qui ont un côté rock.
C’est sans doute ce qui me plaît en eux. Je ne pige pas les trucs de techno pure. Il n’y a pas assez de groove ou de vrai rythme à mon goût. Sly And The Family Stone, en voilà qui ont un vrai groove, qui savent ce que beat signifie. Les mélodies manquent cruellement à la techno. Et j’aime les mélodies. Toutes. Celles qu’on trouve chez Mozart ou dans le classique.
Tu aimes le classique ?
Oui, je ne suis pas à fond dans le classique, mais j’aime certaines choses. J’ai quelques disques, que j’écoute de temps à autre.
Les influences de Supergrass.
Je ne sais pas si nous avons tant d’influences communes. On aime tous des tonnes de trucs. Qui vont de Elvis à Nirvana. La soul, le blues, le jazz, le rock, punk, pop… Nous aimons tous Bowie. Déjà gamin, je l’admirais. Je crois qu’il nous réunit tous, mais à part lui, ça part dans toutes les directions.
L’attitude Supergrass.
(il réfléchit) Je ne sais pas… On ne se prend pas au sérieux. On écrit beaucoup, mais on garde une attitude relaxe.
Pas de remix en vue ?
Ça dépend de qui se charge du remix. Peut-être, si c’est un type comme FatBoy Slim. Mais dans le fond, je crois qu’on pourrait faire ça nous-mêmes.
Obsessions, fétiches et drogues de choix ?
Hummm. Mon obsession, c’est les films. Je dirais passion car obsession est un mot trop fort. J’aime les vieux films, les films récents, tous les films. Quant aux fétiches, c’est trop personnel. Invente-en un. Oh, si, j’aime le cuir.
Comme tout le monde.
Oh, et les strings que portent les strip-teaseurs, avec cette petite poche dans laquelle on glisse un billet de banque.
Je préfère les strip-teaseuses.
Entièrement de ton avis.
Déjà été à Cheetah’s à Los Angeles ?
Oui, bien sûr ! Quant à la drogue… l’herbe, naturellement. Et la téquila. Pure ou avec un peu de champagne. Ça monte vite à la tête, comme doit le faire une bonne drogue, non ?
Lire notre critique du troisième album de Supergrass