Voilà bientôt trois ans que Sony est venu foutre son bins. C’est ni plus ni moins le temps qu’il fallait à cette giga-compagnie pour faire sienne le marché des jeux vidéo sur console.
Tout s’initie en décembre 95. Comme promis, Sony lance son pain de plastic sur le marché vidéo-ludique. Deux semaines auparavant, Sega l’avait précédé en plaçant en orbite sa propre 32 bits. Saturn et PlayStation se retrouvent dès lors en concurrence directe. Et à ce petit jeu immédiat, Sega l’emporte d’une courte tête. Les ventes parlent en sa faveur. Sony néanmoins réussit glorieusement son introduction à sec du milieu. Et le temps ne fera que confirmer cette première impression. Sega, en fait, a déjà perdu la guerre. Inférieure sur le plan technologique et du design, moins bien ciblée et plus ardue à programmer, sa console perd progressivement tout son crédit. Résultat : une logithèque qui à défaut de s’appauvrir, s’enrichit de moins en moins, et qui ne bénéficie quasiment plus que de conversions de jeux Sega ou PlayStation, voire de remix/compil au rabais. Un parc installé de machines qui atteint la moitié de celui revendiqué par Sony. Et l’écart ne cesse de s’accroître…
Entre-temps, Nintendo ne s’est pas rongé les pouces. La firme au plouc-émissaire dodu a eu l’intelligence patiente de se désaxer pour se repositionner. Pour mieux encaisser l’offensive « sonyque ». Par le temps déjà. En attendant que le marché se décante, et que l’un des deux belligérants accuse le coup. Par le marketing ensuite. En visant résolument un public plus candide, que ses deux concurrents. Par la technologie enfin, car Nintendo résiste à l’évolution CD-rom, s’accroche à la cartouche et propose une 64 bits. Que tout ceci fut entièrement planifié ou advint naturellement, le résultat demeure. Grâce à cette fausse garde, Nintendo se taille le beau rôle. Une plate-forme puissante et moderne, d’entre-deux générations, qui anticipe l’obsolescence des 32 bits et profite de leur essouflement. Le lièvre Sega s’est ainsi fait bouffer par la tortue Nintendo. Laquelle a déjà refourgué autant de bécanes que sa consœur, en presque trois fois moins de temps.
Sega plafonne à 7 millions. Nintendo, jovial, le rattrape en un an à peine. Sony, impérial, plane au-dessus des 14 millions. Le hérisson pathétique peut d’ores et déjà faire le deuil de sa Saturn qui fait figure d’antiquité ou de produit discount. L’annonce de sa prochaine console sent d’ailleurs l’affolement. Ce projet Black Belt pourrait même éclore vers Noël 98, s’architecturerait autour du chip graphique 3Dfx et respecterait la norme Direct3D et DirectX. C’est dire si le rapprochement de Sega du macrocosme Windows/PC se précise clairement. Sega se cherche. Pour preuve, cette fusion avortée avec Bandaï, le shogun du jouet japonais. Ou ces tractations avec Microsoft. Nintendo n’est pas pour autant tiré d’affaire. Son support cartouche soulève des emmerd’ de logistique et de coût de fabrication. Sans compter le retard accumulé par l’entreprise dans ses relations avec les concepteurs de jeux. Alors, si les américains ont eu le coup de foudre pour la N 64 et l’ont accueilli les doigts moîtes, le portefeuille soumis, le Japon boude. Pas assez de jeux. Et tout compte fait, seule la PlayStation est peinardement implantée.
Ne jamais omettre que Sony inclut le jeu vidéo dans un plan global de conquête commerciale. C’est la transnationale la mieux placée pour lancer les premiers produits réellement multimédias. Mais Sony a encore tout à prouver en informatique. D’où cette alliance avec Intel et Microsoft pour commercialiser aujourd’hui sa première gamme de PC aux États-Unis. Ses ingénieurs bossent actuellement sur un nouveau concept d’ordinateur plus convivial et obéissant que le PC (et donc un système d’exploitation « maison »). Une fois ce dernier saut accompli, la firme n’aura plus qu’à nous balancer son appareil tout numérique intégré. Un sacré vent en poupe.