Infini comme un univers que l’on ne cesse d’explorer, l’espace musico-temporel de la formation Sinner DC continue d’essaimer des aventures electro qui percent le mur du rock, sans pour autant être classifiable ou tamponné. Fort d’une discographie solide, le groupe genevois n’arrête pas de fournir des rivières de pop brisée, des grands écarts entre electronica et rock qui sautent les obstacles comme on compte les nuages, touchent le fond de nos terres et le haut des cieux dans un même élan de musicologie extrêmement varié. Rencontre avec un groupe qui vient de fournir un des plus beaux disques de l’année 2009 : Crystallized.
Chronic’art : Définiriez-vous Sinner Dc comme un groupe protéiforme, un groupe transgenre ?
Sinner DC : Plutôt transgenre. On essaye d’évoluer sans se sentir prisonnier d’un genre en particulier…
Est-ce que vous vous sentez orphelins dans votre démarche en Suisse ou y’a-t-il des artistes à travers lesquels vous vous reconnaissez ?
C’est vrai que même si la scène suisse électronique est très active, il n’y a pas beaucoup de groupe avec cette approche « transgenre ». Et souvent le artistes issus de la scène électronique sont des individualités plutôt que des groupes. Il y avait bien Velma, mais ils semblent s’investir maintenant davantage dans le milieu du théâtre contemporain et de la performance. Et Opak est pour le moment en stand-by… On était soit trop rock pour le public techno ou trop techno pour le public rock. Mais c’est en train de changer : le public nous semble de plus en plus ouvert et transgenre, justement. Et la relève est déjà là avec Water lilly , Ghostape ou encore Larytta.
Vous avez changé de nom pour quel raison ? Vos anciens albums portent le nom Sinner DC ?
Au début on s’appelait donc Sinner, mais un groupe de métal allemand nous a menacé d’un procès … On a donc rajouté le « DC » – d’ici, pas de là-bas quoi. Pas de chance : le chanteur de ce groupe a continué en solo sous le nom de DC Cooper.
Il y a souvent sur vos pochettes de disques un cercle de lumières. D’où provient cette envie de cercle entourée de laser, de lumière artificielle ?
Peut-être que les longs hivers suisse nous donnent inconsciemment envie de soleil synthétique.
Qu’est-ce qui détermine l’envie de faire un nouveau disque ?
L’envie de s’échapper, de se sentir encore plus vivant, de construire notre univers parallèle, de cracher ce truc étrange qui est en nous.
Diriez-vous que chaque disque s’inscrit dans une démarche conceptuelle ou purement instinctive ? Et pourquoi ?
Purement instinctive ! on fonctionne comme ça. On teste des trucs et, soudain, un son nous ordonne : « fais une chanson avec moi ! ». On n’a alors plus qu’à suivre ses indications. C’est magique !
Vous sortez un album qui prend en quelque sorte le contre-pied de vos disques précédents. Beaucoup de morceaux sont planants, plus calmes ou mid-tempos… Est-ce le début de l’accalmie chez Sinner ?
En fait, les BPM sont très similaires à notre album précédent, mais le son est peut-être plus doux , plus sensuel. Mais ce n’est qu’une facette du groupe…
Comment s’est fait cette signature sur Ai Records ?
Tout simplement. Une démo envoyée par la poste, puis une réponse positive du label dans les 48 heures.
Crystallized a été envoyé en promo presse sans les crédits des producteurs. S’agit-il de la même team que pour votre tout premier album ? Qui fait quoi ?
Depuis notre album Arkle Parkle Avenue, nous travaillons dans notre propre studio : le « Red Palace Deluxe ». Sa construction coïncide avec la venue de Steve notre batteur (et bien plus…). On fait nous-mêmes les prises de sons là-bas et la pré-production. Ensuite on mixe de nouveau le tout avec Thierry Van Osselt au Smelly Room Studio (Arkle Parkle Avenue, Crytallized) ou Sacha Ruffieux à La Fonderie (Mount Age). Puis on masterise toujours avec Julien Grandjean au Jet Lag Studio.
Quand on écoute votre premier album, il y a quelques interludes planantes, faites sur synthés, apparemment analogique et / ou sur machines. On ressent ce son, en plus plissé, sur Crystallized. Comment a donc évolué votre façon de programmer les machines et de composer sur synthétiseurs ?
On a un matériel assez minimal : un Microkorg, un vieux Yamaha SHS-10 pour les synthétiseurs, et deux samplers BOSS SP-303 Dr. Sample pour les machine… et c’est presque tout. Mais à force de bosser dessus depuis des années on commence à bien les connaître. Mieux vaut être la tête de la souris que la queue du lion. Alors on prend un son et nous le travaillons jusqu’à ce qu’on ne se souvienne plus quelle était la source. Steve aime bien faire ses beats avec des sons « naturels » (canette écrasée, papier déchiré, scratch de velcro). Après on utilise l’ordi pour agencer et produire le tout.
Il y a un éloignement des guitares, qui sont plus planantes, sous-jacentes dans Crystallized, tandis que dans vos premiers albums les guitares sont mises en avant avec des lancées punk rock. Comment avez-vous travaillé le son de vos guitares et synthés par rapport à vos premières productions ?
Je joue beaucoup avec le volume de la guitare pour obtenir des « waves » que je superpose avec un looper. Cela crée parfois des textures proche de violons ou même de cors anglais. Parfois, on les double avec une ligne de synthé ou encore une voix mixée dans le fond. Bref, on aime les guitares qui ne sonnent pas vraiment comme des guitares.
Avez-vous travaillez avec l’ingé son pour cet album et de quelle manière ? La prod est énorme et subtile à la fois
Thierry Van Osselt (TVO) va être content ! On lui a amené nos bandes et demandé de faire mieux. Ensuite, on est tous dans le studio, TVO bosse et nous on glande…
Comment percevez-vous la mutation du disque et de son industrie ? Et en êtes-vous affectés ?
Nous avons la chance d’avoir un label qui s’est adapté à cette multiplicité de supports. Donc selon nos projets on a la chance de pouvoir les sortir en digital, vinyle ou CD… bref, un luxe. Par ailleurs, Ai Records a réussi en créant des « objets » , et non pas seulement des « produits » , à se préserver de cette « crise » du disque… et nous avec !
Propos recueillis par
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