A 62 ans, Robert Wyatt reste un modèle d’intégrité et de créativité pour de nombreux musiciens. Des 60’s psychédéliques et libertaires aux 00’s des grands conflits internationaux, Wyatt est un témoin amusé et profond de son époque, doublé d’un formidable mélodiste et chanteur. Interview d’un vrai petit père du peuple.
– version intégrale de notre entretien publié dans Chronic’art #39 (octobre 2007)-
Chronic’art : Ce nouvel album parle spécialement de religion et de foi, sous leurs diverses manifestations (dogmatisme, mysticisme, fanatisme). Et le premier titre de l’album, Stay tuned, cette reprise d’Anja Garbareck, me fait penser au panthéisme de Spinoza (« Dieu, c’est la nature »). Quelle est votre position par rapport à la croyance religieuse ?
Robert Wyatt : Je n’ai pas lu Spinoza, mais pour moi, le mot « métaphysique » n’a aucun sens, c’est un oxymoron. Si la physique parle de tout « ce qui est ici », la « méta-physique » n’a aucun sens : c’est ici ou ça ne l’est pas, mais ça ne peut pas être les deux en même temps (rires). Dans notre imagination, nous créons et anticipons les mots, par exemple même si je trouve qu’un Dieu ne nous est pas nécessaire, il est nécessaire pour les hommes d’inventer une figure paternelle ou maternelle de ce genre. Ils le font de toute façon. Mais si je me souviens bien de l’origine étymologique du mot « spirituel », cela vient du mot latin pour « souffle », quelque chose qui souffle, qui respire. Tout ce que je sais alors, c’est que nous sommes des animaux et que nous respirons. Mais ni les scientifiques, ni les religieux ne savent pourquoi nous sommes ici. Nous venons tous de la même poussière cosmique. Alors, je ne suis pas un individualiste, je nous vois comme des petites parties de matière qui interagissent. Mais le problème est que nous nous sentons séparés, nous sommes des personnes isolées, et la religion essaie de faire le lien, la connexion entre ces parties séparées. En tant qu’humains, nous sommes des animaux sociaux, et nous vivons en communauté, mais nous nous sentons quand même toujours uniques et solitaires. Si je dis « le ciel est bleu », je n’ai aucun moyen de savoir que le bleu que je vois est le même bleu que toi tu vois, je n’ai aucune idée de ce que ça signifie pour toi. Cette incertitude dans la relation à autrui est le thème de la deuxième partie de Comicopera. Même avec quelqu’un de très proche, que vous aimez, vous pouvez parfois vous sentir perdu, ou trahi. Et la première partie de l’album exprime que, par exemple, quand quelqu’un que vous aimez meurt, l’immortalité consiste en la mémoire de cette personne chez les autres gens, pas en un au-delà, une autre planète, ou le ciel. Le sens originel de « heaven » était juste « ciel » et n’avait pas de signification spirituelle, avant que le christianisme ne s’empare de ce mot. En un sens, je pense que nous sommes des animaux intelligents et aussi des animaux ridicules, parce que nous nous inventons des dieux, nous nous prenons pour des dieux. Je comprends la religion mais je ressens aussi de la peur, de l’anxiété devant les gens qui veulent parler au nom d’un Dieu. Aux rabbins, aux papes, aux mollahs, j’ai envie de dire « Ecoute, tu es juste un type avec un chapeau marrant, tu me fais marcher (rires). Tu pisses, tu manges, tu dors, tu vas mourir… ». Robert Graves a dit à propos des mythes et des religions que la question n’est pas de savoir s’ils sont vrais ou pas mais ce qu’ils racontent sur la psychologie de ceux qui les ont créés. Le mythe d’une déesse maternelle dit autre chose sur la société qui l’a créé que les trois religions monothéistes, le judaïsme, le christianisme ou l’islam, avec leur unique dieu masculin, qui suggèrent une vision complètement différente de qui nous sommes. Cependant, mes disques ne sont pas polémiques, ne sont pas des discours, mais reflètent ce à quoi je pense à un moment donné.
Ils ont quand même vocation à produire des « messages » ?
Oui, mais c’est toujours ce qu’on fait quand on parle. Je veux dire que je ne suis pas un activiste. Je suis vraiment un pacifiste, mais je n’aime pas l’idée de l’artiste comme prêtre. J’ai une vision idéale de la démocratie, où chacun a le droit de dire ce qu’il pense, et où l’artiste ou le prêtre n’ont pas à avoir plus de voix que les autres. Mais c’est juste mon boulot de faire la musique, de faire des chansons, comme le chef cuisinier fait des plats et le charpentier fait des chaises. Je ne pense pas pouvoir changer quoi que ce soit au monde. Si quelqu’un chante « Baby come back or I’m gonna die », je ne crois pas qu’il pense vraiment qu’il va mourir si la personne qu’il aime ne lui revient pas. Je ne crois pas non plus qu’il pense que la personne qu’il aime va lui revenir grâce à la chanson. C’est un message mais c’est juste l’expression d’un sentiment, un témoignage. Je n’ai jamais eu aucune preuve qu’une chanson d’amour marchait vraiment (rires). Je pense que l’artiste peut participer à la société. Tout le monde change son environnement. Un charpentier ou un maçon impriment leurs marques dans leur environnement. Mais je ne fais pas confiance aux artistes pour nous guider, pas plus qu’aux prêtres, ni à personne d’autre.
Est-ce qu’on peut comprendre l’album comme une tentative de répondre à la question « comment vivre avec les autres ? » d’un point de vue personnel, individuel, jusqu’à un point de vue plus général, politique ou mystique ?
L’album ne parle pas directement des relations, ou de quelque chose de » cosmique « , mais ce sont des observations simples de mon quotidien, parfois juste des blagues. Dans la chanson A Beautiful peace, je marche dans la rue et je me sens fatigué, mais il n’y aucun endroit amical ou m’arrêter, pas de petit café, juste cette église, mais je ne peux pas y fumer, je ne peux pas m’y reposer, ce n’est pas très accueillant et il y a ce grand panneau sur le mur qui dit « Il accueille tout le monde » (rires) et je me dis « Je ne vais pas m’arrêter ici ». Et puis je pense aux implications de ça, aux gens qui construisent des églises en se disant « Cet endroit est pour tout le monde », et je me dis « Vraiment ? Quelle arrogance de dire ça ». Je n’aime pas être intimidé par ces symboles des croyances religieuses, je ne ressens pas de colère, mais une certaine irritation, comme un vieil homme grognon. (rires) J’écris de manière très instinctive, pas du tout intellectuelle. Je pense en termes musicaux d’abord, parce que mon premier instrument est ma voix. Mais ensuite, je passe constamment des menus détails à de grandes images, qui prennent une ampleur… cosmique. Mais ce n’est pas inhabituel selon moi : on peut simplement marcher dans la rue, remarquer sur une plaque que le nom de la rue est celui d’un général et se demander : qui était ce général ? A quelle guerre a-t-il participé ? Pourquoi a-t-on donné son nom à cette rue ? Et cette rue devient alors quelque chose de plus grand, suggéré par un simple détail. Les connexions peuvent être vraiment folles, parfois…
Pour Comicopera, vous avez choisi la forme d’un opéra. Quelle est la part de spontanéité et de construction dans le choix de cette forme ?
C’est seulement à la fin que j’ai trouvé la forme générale et je pense que ça vient du jazz. La différence entre un compositeur de musique classique et un soliste de jazz, c’est que le premier part de l’architecture générale de son oeuvre et va ensuite vers les détails, tandis que le jazzman accumule les détails puis cherche les connexions entre ces détails pour en faire un tout, ce que j’ai fait. Avec un peu de chance, si je trouve une cohérence naturelle entre ces parties diverses, j’ai mon disque. Sinon, je suis obligé de recommencer. Parce que je ne fais pas de disques tous les jours (rires).
L’album se finit sur un hymne à Che Guevara. Vous avez déjà fait des morceaux sur lui. Quelles sont les différences entre Song for Che écrite en 1975 et cette chanson aujourd’hui ?
La dernière partie de l’album pointe les aspirations de ma génération. Je ne fais pas un jugement sur ces aspirations, ce n’est pas évangélique non plus, mais je ne veux pas renier mon passé. Ces choses ont été très importantes pour moi et je finis sur ce qui a été le plus important : la pure romance qu’ont représenté les révolutions latino-américaines. Je ne voulais pas terminer sur une note pessimiste, vu que l’album peut être ressenti comme très triste, avec toutes ces histoires de bombardements, alors j’ai pensé aux pays d’Amérique latine, le Chili, le Brésil, la Bolivie, le Venezuela, qui essaient tous difficilement de trouver une nouvelle forme d’autonomie, à partir de quelques idées socialistes.
Quelqu’un comme Guevara est toujours utile, comme un petit Saint, dans cette sorte de religion idéale (rires). Pour certains, c’est juste une image sur un sac à dos, mais pour moi, il signifie quelque chose d’important. Je ne dis pas avec cette chanson que la révolution va arriver, je n’y crois pas, mais je veux dire que ces gens et ces moments ont allumé un feu dans mon coeur, qui brûle toujours. La chanson Del Mondo, également à la fin de l’album, évoque un mélange intéressant entre une sorte de féminisme radical et une très désuète sensibilité catholique autour de la Vierge Marie. Il s’agit de la déification de figures féminines, qu’une féministe pourrait apprécier, ou qu’elle pourrait gêner. Je ne crois pas que les féministes soient très à l’aise avec l’image de la Vierge Marie : elle n’a jamais rien dit ! (rires) De la même manière, en Angleterre, les féministes sont gênées par la figure de la Reine. C’est juste la Reine, elle ne représente personne, il se trouve juste que c’est une femme. Ce que je veux dire avec cette chanson, c’est que, même au sein d’une société dominée par des religions masculines fortes, l’idée d’une déification de la femme n’a pas disparue et pourrait être ravivée par les féministes même, à une époque où les hommes se conduisent très, très mal.
On a l’impression que l’album, sous sa forme d’opéra en trois parties, évoque la relation à l’autre sous la forme d’un trajet entre l’individuel et le collectif, mais aussi entre le sol natal et les pays étrangers, et entre le passé, le présent et le futur.
C’est très juste. En tant qu’individu, c’est la seule vie que nous ayons, alors on peut fantasmer sur des mondes possibles qui puissent nous inspirer, mais on doit toujours faire du mieux que l’on peut avec la réalité qui est à notre disposition, avec notre vie et les gens qui nous entourent. Quelqu’un me disait hier « Si vous en avez à ce point marre de l’Angleterre, comment pouvez-vous continuer à vivre dans une petite ville anglaise ? », et je lui ai répondu « Mais c’est bien ! Je fais en sorte que ce soit bien ». Je ne vais pas rester là assis à me morfondre, toujours en colère contre le gouvernement anglais, mais je vais faire de mon mieux, à ma petite échelle, pour vivre la meilleure vie possible, avoir le plus de joie possible, et essayer de ne blesser personne. J’ai de la joie. Je ne veux pas vivre comme un moine, je suis un hédoniste.
Cependant, à la fin de l’album, vous choisissez de ne plus du tout chanter en anglais, et de chanter les chansons d’autres personnes. Ce qui est assez curieux pour un opéra, finalement ?
« Opéra » veut dire « travail », et j’ai voulu l’intituler « Comic » parce que le mot opéra à tellement de connotations tragiques et de grandeur historique : je ne suis pas tragique et je ne suis pas grand, alors je l’ai appelé « Comic ». Et également, je voulais faire un opéra avec de l’humour, comme les français parlent de « la comédie humaine », parce que nous sommes des animaux amusants, qui essaient tellement, et ont tellement de mal à vivre ensemble. Je crois que le problème général est une sorte de racisme, au sens où les gens n’arrivent pas à comprendre que les autres sont juste comme vous, qu’ils ont les mêmes besoins que vous : ils ont besoin d’amour, de nourriture, d’écoles, d’hôpitaux, partout dans le monde. Ce qui se passe, c’est qu’en temps de guerre, les « Autres », avec un A capital, sont diabolisés, et nous sommes divinisés. Bush et Blair se présentent comme des hommes de Dieu, qui combattent les démons et les mauvais dieux, les faux dieux. C’est très primitif et ce n’est même pas juste immoral, c’est complètement faux. J’ai lu un très bon livre, Bagdad burning, qui compile des textes issus de blogs, et un des auteurs très brillant, dont le pseudo est Riverbend, raconte comment elle est exaspérée par les caricatures des musulmans et des irakiens qu’elle reçoit des Etats-Unis et d’autres pays, la banalisation de ce qu’ils sont, de leur histoire, de leur vie. Elle n’arrive pas à y croire. C’est une femme libre et moderne, qui a fait des études, qui sait des choses, et elle est traitée comme une sauvage primitive, qui a besoin d’être détruite ou civilisée. De bien des manières, elle est beaucoup plus civilisée que des soldats américains qui détruisent les habitations de sa ville, qui frappent aux portes des gens pour les réveiller en pleine nuit. Elle est très gentille, elle dit qu’elle se sent désolée pour ces soldats, à qui on a présenté la guerre comme une sorte de grand jeu vidéo et qui se retrouvent très embarrassés quand ils font face à de vrais gens. Ils rentrent de force chez les gens, ils les obligent à sortir de chez eux, et quand ils se retrouvent sur le trottoir face à des enfants qui pleurent, des vieilles femmes, ils se sentent stupides. On ne leur a pas dit que ces gens étaient juste comme eux. C’est le seul message à mon avis qui doit être répété encore et encore. S’il y a une solution à nos problèmes, c’est celle-là.
C’est le propos de ces deux chansons qui se répondent sur l’album, A Beautiful War, qui raconte la journée d’un soldat qui va bombarder une ville, sans se rendre compte vraiment de ce qu’il fait, et Out of the blue, qui montre la réalité de gens bombardés, l’émotion qu’il ressentent après l’explosion ?
Oui, exactement. J’ai écrit les paroles de ce joyeux bombardier, qui part joyeusement bombarder une ville en un beau jour ensoleillé. « Une belle journée est une bonne journée pour bombarder, on voit mieux les cibles », etc. Et Alfie, qui regardait à la télévision des images de Beyrouth bombardée – mais ça aurait pu être n’importe quelle autre ville dans la même situation -, a vu une image d’une femme courant dans la rue, dans la plus totale confusion cherchant on ne savait quoi, son sac, son bébé, son mari, son chien ? On ne savait pas. Mais le bombardement avait pris cinq minutes pour le pilote dans l’avion, et pour elle, ce seront des mois, des années, pour repartir. Et cela est arrivé des milliers de fois, à des milliers d’individus, juste comme vous et moi… Et Alfie a donc écrit les paroles de Out of the blue. Voilà ce qu’on essaie de faire avec un disque : encapsuler de choses comme ça, en quelques mots. Si je faisais des discours, ce ne serait plus de la musique. Il faut que ce soit des moments musicaux.
Il y a d’autres dialogues entre les morceaux dans Comicopera : le Fragment à la fin fait écho à Just as you are, du début de l’album, il y a des effets de symétrie. C’est en rapport avec la forme d’opéra que vous souhaitiez donner au disque ?
Oui, car si vous avez le disque d’un chanteur, Nick Cave par exemple, vous allez vous attendre à la permanence d’une voix, d’une personnalité, d’un unique point de vue, même si il peut y avoir des humeurs différentes. J’ai réalisé en faisant l’album qu’il y avait plusieurs genres de caractères dans Comicopera, qui passent par moi ou Alfie, Anja Garbareck, Carlos Puebla ou Garcia Lorca. Comme c’est moi qui chante à chaque fois, et que ma voix est toujours la même, ça sonne encore comme un putain d’album de Robert Wyatt (rires). Mais, j’ai fait de mon mieux pour qu’on ait l’impression d’entendre différents personnages, comme dans un roman. Mais ce n’est pas un roman, c’est de la musique. Donc c’est un opéra. J’ai emprunté le mot, j’espère qu’ils ne m’en voudront pas (rires).
Récemment, vous avez chanté dans deux Opéras : Welcome to the voice de Steve Nieve et le Stabat mater de Bruno Coulais. Cela vous a-t-il influencé pour l’écriture de votre Comic Opera ?
Je n’y avais pas pensé, c’est une heureuse coïncidence… Mais d’une certaine façon cela a dû m’influencer, même si je n’en avais pas conscience. Manifestement, l’idée de l’opéra était dans l’air… J’ai aussi été marqué par Mithridate, un opéra de Mozart que je suis allé voir à Covent Garden au début de l’année. C’est un opéra d’une forme encore archaïque, que Mozart a écrit alors qu’il était adolescent, bien avant que l’opéra moderne n’apparaisse. A cette époque, les Autrichiens s’intéressaient beaucoup à ce qui se passait en Italie. Et l’on trouve dans cette œuvre de jeunesse cette qualité essentielle : ce n’est pas juste une accumulation de chansons mises bout à bout ! En tant que mélomane, j’ai pris l’habitude d’écouter de la musique ayant différents niveaux d’écoute. En ce sens, l’opéra est extraordinaire : vous avez le travail d’orchestre et aussi la possibilité de passer d’un personnage à l’autre, de créer une variété sur la durée, d’avoir des événements nouveaux qui arrivent… Ça m’a toujours préoccupé, dans le domaine de l’opéra bien sûr mais aussi chez Billie Holiday et Lester Young par exemple. Et en ce qui concerne le travail avec Bruno Coulais, tout a commencé avec la bande originale du film Le Peuple migrateur, pour laquelle il a utilisé ma voix. Puis il y a eu d’autres projets, comme son oratorio. C’était très intéressant parce qu’il intégrait les voix à l’écriture instrumentale. Pour mes disques, j’essaie de travailler avec de bons solistes, de bons musiciens et de considérer ma voix comme un simple élément dans cet ensemble. Non pas par humilité, mais parce que je pense que cela donne de meilleurs résultats. Quant à l’opéra de Steve Nieve, je sais qu’il a travaillé longtemps à son écriture avec Muriel Teodori, sa femme. Le travail de Muriel sur les textes est absolument génial, totalement au profit de la musique. Et bien sûr ce disque était comme une rencontre fortuite de choses que l’on n’imaginerait pas ensemble… Travailler avec le quatuor Brodsky sur l’opéra de Steve Nieve était comme un rêve ! C’est un quatuor à cordes exceptionnel.
Pouvez vous me parler de votre voix ? C’est une voix de » Robert Wyatt « …
En effet ! (rires)
Elle est à la fois identifiable et ambiguë (entre celle d’un enfant, d’un homme et d’une femme) et en ce sens peut convenir à différents personnages.
Je suis ravi de vous l’entendre dire car c’est vraiment ça l’idée ! Mais parfois je trouve ma voix tellement limitée techniquement que ça me frustre. Et comme je n’arrive plus à atteindre certaines notes aiguës, j’aime bien faire appel à des invitées pour les chanter. Les femmes ont bien de la chance de pouvoir chanter aigu toute leur vie…
Justement, est-ce que vous travaillez votre voix ?
Je chante beaucoup chez moi, mais pas de manière disciplinée… J’essaie constamment d’apprendre à jouer des instrumentaux pour chanter dessus. Ces dix dernières années, je me suis davantage focalisé sur la pratique de la trompette. C’est très utile pour le chant car vous devez visualiser mentalement la note que vous allez jouer… sinon le son ne sort pas correctement. Vous devez connaître la différence entre un si et un si bémol.
J’entends votre utilisation de la trompette comme une extension de votre voix.
C’est exactement ça !
Elle est apparue sur les trois derniers disques et devient de plus en plus présente…
C’est justement lié au fait que je perds de la tessiture dans les aigus. En gros, mon organe vocal ne me permet d’atteindre que la moitié grave des notes d’un piano. Je ne peux plus chanter que jusqu’à six notes au dessus du do central. Et comme je veux toujours entendre ces notes aiguës dans ma musique, j’utilise d’autres moyens et la trompette m’est d’une grande utilité pour cela.
Et il me semble que vous enregistrez de plus en plus chez vous…
Je travaille à la maison parce que parfois lorsque vous écrivez une chanson, le moment précis où l’idée est encore fraîche est le moment idéal absolu ! C’est comme pour un solo de jazz, on ne peut pas dire « tu peux me rejouer ce solo ? ». Parfois je garde l’idée telle qu’elle est apparue. J’aime attraper ces instants privilégiés et les utiliser dans l’enregistrement final, même s’il y a des imperfections, même si on entend une voiture passer au loin, même si je laisse tomber ma tasse par terre pendant la prise de son, ou même si je suis un peu ivre… En revanche, si je prépare des démos à la maison pour les réenregistrer en studio, il est probable que cela sonne plus professionnel, mais je risque de perdre cette notion de découverte… voilà pourquoi j’enregistre à la maison. Mais techniquement, je ne suis pas très doué avec les machines. Régulièrement quand je me recule du piano, un câble de micro s’accroche à ma chaise roulante et se défait… je passe ensuite un temps fou à retrouver l’endroit où le reconnecter. Je n’y arrive pas ! Bref, quand je pense avoir assez de morceaux pour aller en studio, je les transfère sur bande avec l’aide de Jamie Johnson, mon ingénieur du son. Et j’ai remarqué que sur les trois derniers disques, j’ai trouvé des musiciens qui ont vraiment compris ce que je fais. Ils amènent leur sonorité, leur personnalité très affirmée, mais en même temps ils éclairent ma propre musique. Et ce dernier disque sonne vraiment comme celui d’un groupe parce que depuis dix ans je travaille avec les mêmes musiciens en qui j’ai confiance. Annie Whitehead et Gilad Atzmon peuvent tenter toutes sortes de choses maintenant. Et Yaron Stavi peut jouer de la basse avec beaucoup d’aisance sur mes chansons. Je pense que ça s’entend ! Je suis particulièrement content à l’idée que l’on puisse identifier facilement chaque musicien : personne d’autre ne pourrait jouer à leur place. Paul Weller est également venu jouer sur les derniers disques. C’est génial d’écouter ses parties de guitare, car ça ne ressemble pas vraiment à ce qu’il aurait pu jouer sur ses propres disques… et je n’aurais jamais pu le jouer moi même. Il a inventé une nouvelle façon d’être Paul Weller juste pour mes chansons. C’est magique ! Ca me rend vraiment euphorique. Et croyez moi, il m’a fallu du temps pour trouver ça.
Certaines chansons de cet album, comme A.W.O.L, sont assez pop, et me rappellent les Beatles, She’s leaving home …
Vous avez raison. En tant qu’auditeur, j’ai toujours écouté toutes sortes de musiques, mais en tant que musicien, c’est vraiment de là que je viens, de cette tradition anglaise allant de John Lennon aux Kinks… Voilà comment j’ai commencé à jouer de la musique. Je suis très reconnaissant aux premiers groupes Beat d’avoir ouvert une brèche pour tous les anglais. Vous savez, c’est la première fois dans l’histoire de la musique qu’un mouvement venant d’Angleterre a suscité l’intérêt du monde entier. On ne trouve pas beaucoup de musique anglaise par ailleurs dans l’histoires de la musique… Peut être Purcell, ou Benjamin Britten, mais pas grand monde…. Et en plus, ce mouvement était pop. C’était comme de la musique folk de l’ère industrielle, folk dans le sens où n’importe qui pouvait en jouer, techniquement parlant. Ce n’est pas compliqué de jouer de la pop : c’est juste une question de personnalité de l’interprète. Il n’y a rien de très difficile techniquement dans une chanson de Bob Dylan, mais c’est génial parce que c’est une personnalité. Quand j’ai débuté, j’avais une technique très rudimentaire. Ma tête était pleine de Paul Hindemith et de John Coltrane… C’est quelque chose d’avoir ça dans sa tête, mais c’en est une autre d’arriver à en jouer ! En revanche, je savais immédiatement jouer la musique pop. Ce sont mes racines. J’aime les chansons pop.
Vous citez souvent des musiciens de jazz, mais vous êtes considéré comme un artiste pop-rock…
Oui. Il existe de la musique vocale et de la musique instrumentale. Pourquoi devrait-on les opposer ? Depuis mes débuts, j’ai toujours aimé l’idée que l’on puisse jouer des deux. On ne voyait aucune raison d’exclure telle ou telle musique. Peut-être était-ce dans l’esprit de l’époque, de la fin des années soixante… nous écoutions Karlheinz Stockhausen et Luigi Nono et James Brown et Otis Redding. Non pas pour reproduire ce qu’ils faisaient, mais pour s’inspirer de leur travail. Et pourquoi pas ? La seule raison pour laquelle certains musiciens ne le font pas c’est quand ils veulent s’adapter à un marché spécifique… dans les années soixante, je me foutais complètement du marketing. J’étais probablement trop ivre pour m’en préoccuper! Il y a cette phrase que Miles Davis aimait dire à ses musiciens : « J’aimerais que vous jouiez au-delà de ce que l’on connaît ». Pour lui, ce n’était pas suffisant que ses musiciens jouent juste bien… C’est intéressant de voir ce qu’il a fait avec Cannonball Adderley, ce saxophoniste extraordinaire qui pouvait jouer comme Benny Carter ou Charlie Parker. Tout le monde aimait Cannonball, mais Miles Davis a été assez grossier avec lui en lui disant « Que fais-tu de vraiment nouveau harmoniquement parlant ? Tu te reposes sur mes harmonies, et tu sais exactement ce que tu vas jouer ! Et ça, c’est vraiment ennuyeux… trouve-moi d’autres notes ! ». Miles Davis l’a poussé en avant, de manière un peu brutale. Et c’est vraiment génial, mais aussi terriblement effrayant pour un musicien professionnel de s’entendre dire « Maintenant, voilà quelque chose que tu ne peux pas faire ». Et c’est aussi la manière que j’ai de travailler. J’aime utiliser tout ce que je sais, mais en continuant d’expérimenter…
Comme jouer avec la voix de Brian Eno dans votre échantillonneur ?
Tout à fait ! Que se passerait-il si je tentais ceci, ou si je tentais cela ? Échantillonner de la voix n’est pas une idée nouvelle : c’était déjà le principe du Mellotron (le Mellotron était l’ancêtre de l’échantillonneur, les sons y étaient stockés sur des cartouches de bande magnétique, ndlr). Je crois que Jack Bruce avait un Mellotron rempli uniquement avec des échantillons de sa propre voix. Que ce soit vrai ou non, l’idée est restée dans ma tête. J’ai toujours cherché à humaniser mon clavier. J’ai d’abord pensé que je devais tenter l’expérience avec ma propre voix. J’ai essayé et c’est une catastrophe. Tout sonnait désaccordé. Aucun intérêt. Donc je n’ai pas utilisé le Robertron pour ma propre musique. D’autres musiciens l’ont utilisé, comme Bjork sur le morceau Oceania de l’album Medulla. Et finalement, j’ai adoré ça ! Ensuite, j’ai essayé avec la voix de Karen Mantler. C’était très réussi. Puis j’ai repris le principe avec la chanteuse brésilienne Monica Vasconcelos, qui a une voix très pure. Et enfin j’ai échantillonné la voix de Brian Eno. J’ai vraiment insisté pour qu’il le fasse parce que je considère que c’est un chanteur remarquable et qu’il chante trop peu sur ses disques. Je l’encourage à chanter plus, car il a un peu tendance à se retirer derrière ses jouets. Je suis particulièrement content de l’Enotron. J’espère faire d’autres musiques avec cet instrument.
Vous devriez le commercialiser …
C’est vrai que c’est amusant… Mais les harmonies que je lui ai demandé de chanter ne sont pas forcément évidentes pour tout le monde. Comme dirait la chanson, « It’s my party and i won’t cry if want to » (Robert Wyatt chante le tube de Lesley Gore, ndlr). Et sur mes disques, c’est aussi simple que cela. J’ai envie de m’éclater pendant une heure en gardant cet esprit aventurier… J’évite de faire des fautes et j’essaie de jouer quelque chose de divertissant. C’est un combat permanent pour y arriver. Et quand je pense avoir obtenu quelque chose de réussi, je me passe un disque de Charlie Mingus ou de John Lennon, et ça me remet à ma place… Bon, ça veut dire qu’il y a toujours mieux à faire et c’est bon à savoir.
Vous vous référez souvent à des musiciens du passé. Ecoutez-vous aussi des musiques récentes ?
Ces derniers temps, je n’ai écouté quasiment que la musique que j’étais en train d’enregistrer, et celle de mes musiciens. Je pense que les critiques musicaux ont un meilleur panorama de la musique actuelle. Je ne reçois pas beaucoup de disques, je n’écoute pas la radio et je regarde peu la télévision… Et occasionnellement, quelques sons nouveaux parviennent à mes oreilles. En fait, je ne suis pas particulièrement à la recherche de nouvelles musiques. L’une des grandes qualités de l’art est qu’il peut se détacher de son époque et devenir intemporel. Ces derniers temps, j’ai essentiellement exploré la musique des années 30 et 40, et la musique archaïque venant d’Europe et du reste du monde. J’écoute aussi de la musique folk du monde entier… Parmi les disques récents que j’ai particulièrement aimé, il y a celui d’Hélène Labarrière, une contrebassiste française. Elle sait que j’apprécie son travail parce que je l’avais invitée à jouer au festival Meltdown dont j’assurais la programmation (en 2001, ndlr). Et je viens d’écrire les notes de pochette pour son dernier album, que j’écoute souvent et que j’adore. J’ai aussi acheté le disque de Joachim Kuhn. C’est un trio avec ce chanteur et joueur d’oud nord-africain (Majid Bekkas, ndlr) et ce batteur espagnol (Ramon Lopez, ndlr).
C’est un merveilleux groupe d’influence méditerranéenne, dans la tradition de Paul Bley… Et bien sûr, comme je suis chez Domino, j’écoute les sorties du label comme les Arctic Monkeys ou Bonnie Prince Billy. C’est vraiment bien. J’écoute aussi d’autres trucs, comme Amy Winehouse par exemple. Elle a un groupe dément, et un batteur vraiment incroyable. J’aime bien ces nouveaux groupes black qui apparaissent en ce moment à Londres… Tout cela me stimule beaucoup. Et comme vous le savez, Orphy Robinson joue du vibraphone sur mon album. Il vient de cette génération de musiciens qui a surgi en même temps que Courtney Pine. C’est un musicien complètement imprévisible, dont on ne peut deviner la prochaine note dans un solo. Je suis aussi impatient d’écouter le nouvel album de Cristina Dona. Et parfois, j’entends une musique que j’aime mais dont je déteste les paroles. Je dois avouer que je compatis maintenant pour mon public polonais, qui aime ma musique mais déteste l’idée que j’étais membre du parti communiste ! (rires). Je comprends très bien cela, car j’ai eu une réaction un peu semblable il y a quelques années au sujet d’un disque de Sinead O’Connor, ce très bel album qu’elle avait enregistré avec des musiciens jamaïcains (Throw Down your arms, produit par Sly and Robbie, ndlr). Au niveau des paroles, c’est du pur revival religieux rastafari, avec des passages comme « Les gens disent que dieu n’existe pas. Mais je sais qu’ils ont tort ». En écoutant ça, je me dis « Sinead, mais que racontes-tu là ? ». Mais ce reggae blanc est si réussi musicalement que j’aime le disque de toutes façons.
Et votre réponse à cela était le morceau Pastafari ?
Ah oui ! Cette idée me vient de Orphy Robinson. Ses parents sont jamaïcains et il est marié à une architecte italienne. Ils ont deux enfants, deux petits garçons qu’ils aiment bien appeler leurs « petits pastafariens » ! Je trouvais ça vraiment amusant et je lui ai demandé d’utiliser ce jeu de mots pour le morceau que nous avons enregistré ensemble. Ca convient tout à fait à l’idée du morceau car c’est un duo d’Orphy avec lui-même. Ce sont deux vibraphones qui se répondent, et dont l’un des deux a été traité par Jamie Johnson afin qu’il sonne comme un gamelan balinais… Ces deux vibraphones sonnaient vraiment comme ses deux petits enfants, ses petits Pastafariens !
Nous aimerions aussi parler de la pochette du disque.
C’est le travail d’Alfie. Je lui laisse une liberté totale quant au choix de ce qu’elle veut exprimer sur la pochette. Demandons lui son avis. Alfie ?
(Alfie nous rejoint alors)
Alfreda Benge : C’était difficile de résumer l’album en une seule image. Et il y avait cette idée que l’opéra-comique pouvait aussi s’entendre comme un opéra « comic » (comic, au sens de comic book, bande dessinée, ndlr). Et donc, je suis partie sur l’idée de ces quatre petites cases, comme dans une bande dessinée, un strip. La première case « Fading » est liée au premier acte de l’opéra, « No self » correspond au deuxième acte et « Out of the blue » est un petit bonus parce qu’il faut quatre cases pour faire un carré, et cela correspond à cette chanson de transition avec le dernier acte. Et la dernière case est « Un mar de suenos » (correspondant au titre Cancion de Julieta). Mais ces dessins ont été conçus de manière assez automatique. Je ne me suis pas dit : « Je vais illustrer telle ou telle partie ». Le sens s’est finalement révélé après quelques semaines d’essais en agençant des découpages. Je pense que cette technique de collage est vraiment adaptée à l’esprit de ce disque, qui sonne lui-même comme un collage de différents points de vue.
On aimerait savoir si vous réalisez d’autres oeuvres par ailleurs, et si vous avez l’intention de les exposer un jour.
Je ne travaille plus vraiment les arts graphiques, à l’exception des pochettes de disques pour Robert. Mon passe-temps favori est d’écrire des paroles pour ses chansons. Mais j’ai un emploi du temps très occupé en ce moment, à cause de problèmes personnels liés au fait que ma mère ne va pas très bien. Donc j’ai finalement assez peu de temps à consacrer à tout cela. Et il n’y a pas suffisamment d’œuvres à montrer pour constituer une exposition.
Parlons aussi de vos nouveaux projets. Vous avez enregistré avec Charles Hayward (le légendaire batteur de This Heat, ndlr) ?
Robert Wyatt : Oui, on a fait des choses ensemble. Il a monté un groupe très intéressant d’improvisation libre. Il a travaillé avec le trompettiste Harry Beckett, Lol Coxhill, Hugh Hopper et Orphy Robinson. En fait, Charles Hayward n’a pas eu beaucoup de chance avec moi. Il m’avait invité à jouer du cornet avec eux à la radio, mais j’ai dû annuler à cause de la neige qui bloquait tous les trains. Impossible de me rendre à Londres dans ces conditions. Ils m’ont donc envoyé l’enregistrement de leur émission pour que je joue par dessus. Mais ce n’était pas évident… Ca me donnait un peu l’impression d’être le type qui débarque en retard à une fête. J’ai tout de même trouvé des passages dans l’enregistrement qui me permettaient de jouer dessus. Charles a mixé le morceau et compte le sortir bientôt sur son propre label. C’est donc un petit quintette, avec Hugh Hopper, encore une fois. Quarante ans après nos débuts musicaux (au sein de Soft Machine, ndlr).
Vous apparaissez aussi avec Hugh Hopper sur le prochain album de Kevin Ayers…
Kevin m’a demandé de chanter l’une de ses chansons. Mais vocalement, je n’arrivais pas à suivre. Dans le temps, nos voix s’accordaient très bien parce qu’il pouvait chanter dans les graves et moi dans les aigus. C’était un joli contraste : je pouvais être sa voix féminine en quelque sorte. Mais maintenant nos voix sont dans le même registre. Et donc je lui ai proposé d’utiliser mon Robertron. C’est un chouette principe, ce Robertron : vous êtes à la fois là et ailleurs, c’est vous et c’est quelqu’un d’autre, c’est comme une personne qui n’en est pas une… c’est fantastique !
Et comme votre voix est très signée, on vous reconnaît immédiatement.
C’est justement ce qu’il voulait, et je suis content du résultat. Je suis heureux de voir que Kevin est de retour. Il a traversé une période difficile ces vingt dernières années, un véritable combat. Et il a finalement trouvé son Modus Operandi, sa façon de faire marcher les choses. Il était temps ! Je lui dois tellement parce qu’à nos débuts, Kevin était le seul du groupe à savoir écrire de vraies chansons. Ses chansons étaient à l’origine de toutes nos musiques, au moment où nous avons commencé à ne plus jouer de reprises pour nous focaliser sur l’écriture de nos propres morceaux. Je remercierai toujours Kevin pour cela. Il m’a tout appris.
Je me demandais si vous aviez écouté le disque de Scott Walker, The Drift…
Je l’ai écouté. J’ai même vu une émission de télé à son sujet. C’était passionnant. J’aime l’idée qu’il se soit complètement retiré des circuits classiques de l’industrie musicale pour explorer ses propres territoires musicaux. J’admire vraiment cette démarche.
Vous avez beaucoup de choses en commun, comme cette idée de l’opéra, ou les thématiques liées à la situation politique internationale.
Et nous sommes tous deux fans de Gil Evans! Je le sais parce que Alfie se souvient très bien de lui. Il fréquentait le club de Jazz de Ronnie Scott, où Alfie travaillait à l’époque, et elle se rappelle bien de Scott Walker. Il venait régulièrement pour écouter des jazzmen, pendant des nuits entières… Il n’y a pas tant de musiciens de rock qui font cela. On cherchait dans ces musiques d’autres façons de jouer. Nous ne jouons pas du jazz, ni Scott ni moi, mais nous avons tous deux appris énormément au contact de cette musique.
C’était une autre époque, bien avant Internet. Etes-vous au courant que votre album est déjà disponible illégalement, plus d’un mois avant sa sortie ?
C’est un peu effrayant, parce qu’en ce qui me concerne, je n’ai que ça pour vivre. Nous n’avons pas d’autres sources de revenus. C’est flippant parce que nous avons déjà dépensé beaucoup d’argent pour faire ce disque, et nous y avons consacré beaucoup de temps. Alors si les gens écoutent la musique sans l’acheter, nous sommes foutus ! C’est un réel problème, vous savez…
D’autant plus que vous ne faites pas de concerts.
Voilà bien le problème. C’est tout ce que nous avons pour vivre. Cette situation est assez cruelle. C’est comme si vous alliez au restaurant et que vous décidiez de vous enfuir sans payer l’addition ! Ce n’est pas très correct… (rires).
Propos recueillis par Wilfried Paris et
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