A l’occasion de la sortie de Mon cerveau dans ma bouche, le premier album de Programme, nous avons rencontré Arnaud Michniak (textes, voix) et Damien Bétous (mise en place sonore). Un album qui risque de provoquer des réactions partagées. Mais qui intrigue…
A la première écoute, on est surpris, agacés, dérangés par le propos plein de colère, de dégoût et le goût pour la provocation du chanteur. Ajoutez-y une diction à mi-chemin entre le chant et le rap et avouez que ça pourrait être un douteux mélange. Mais un climat s’installe… Musicalement, le mélange entre samples, connus ou pas (les Stooges par exemple, sur Le Meilleur moyen pour y rester) et instrumentation classique (synthés, guitare) fonctionne plutôt bien. Malgré quelques grosses guitares peut-être héritées de Diabologum -dont Arnaud est un ancien membre- parfois trop prévisibles. Peut-on encore exprimer ainsi la rage ? « La colère prend-elle toujours le même chemin pour arriver à ses fins ? Pas sûr » indiquent-ils. Et de la colère, il y en a effectivement de toutes les couleurs. Bien sûr, de nombreux textes sont « à 100 % » autobiographiques. Sur des titres comme La Salle de jeu et Une rime en or, on n’a pas tricher dans le texte, ça se sent. Parfois, ils vont loin. La peur est proche. Comme le terrorisme sonore (en parallèle au véritable terrorisme évoqué dans Police du monde parodique). « En fait, on a essayé de faire un bilan, un arrêt sur image. Notre volonté n’est pas de faire peur. Par contre, il peut y avoir un côté terrorisme sonore du fait que l’on s’impose de grosses contraintes quand on compose. » Une exigence dès le départ, donc, qui rend le disque plus intéressant. Mais, a priori, on n’écoute pas Programme que pour sa musique : « C’est impossible de faire abstraction du texte, même s’il est très difficile pour nous de parler de ce qu’on fait, de nous positionner. »
Plutôt Calaferte que Céline, plutôt Orange mécanique que New York 1997, Programme a ses influences mais surtout un discours très personnel. Ce qui les distingue assez bien de la scène française (Noir Désir, Dominique A) : « Nous sommes différents, mais au fond contre. On aimerait dire juste ‘différents’, mais forcément, par réaction, on va dire contre. » Quant au rap français -qui vient inévitablement en tête à cause du phrasé d’Arnaud-, pas de commentaires. « Ca ne me dérange pas, dit Arnaud, je peux le ressentir physiquement. Mais ça m’intéresse moins qu’avant. » Et Damien d’ajouter : « La société blanche a la capacité d’ouvrir sa gueule. Donc c’est un peu facile de critiquer quand t’as les moyens de le faire. C’est plus ça qui me gêne dans le rap. » Tout Programme est politique.
Enfin, dans ce cerveau pas vraiment dans la poche, pas un mot sur l’amour, les femmes, le sexe. « C’est un sujet absent, c’est vrai, mais qui va venir…. » Car il y a d’autres albums en préparation, celui-ci n’est qu’un « premier chapitre ». Qu’est-ce donc que ce disque agaçant et vrai, maladroit et lucide, réussi et raté mais quand même attachant ? Dans Demain, par exemple, Arnaud déclame que « tous les disques, c’est de la merde ! ». Et le leur ? « Il n’échappe pas à la règle ! ». Un peu de modestie (calculée ?). Pour autant, le groupe ne cache pas sa satisfaction : « Oui, nous sommes fiers ». Et la franchise prend le pas. Donc Programme ne simule pas, Programme ne ment pas, Programme est une voix qui est dans le vrai. Tendez l’oreille.
Propos recueillis par
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