Los Amigos Invisibles ont fait escale à Paris pour promouvoir la sortie de leur excellent album, Arepa 3000. Les six Vénézuéliens, découverts par David Byrne, nous avaient gratifiés d’un set DJ disco au Favela Chic, transposition éphémère mais enfiévrée de leurs soirées Super Sancocho de Caracas. Une semaine plus tard, Los Amigos ont embrasé le Café de la Danse, prouvant qu’ils sont un des meilleurs groupes latin-funk du moment. Extraits d’un long entretien avec trois super amigos : Julio (chant), José Luis (guitare) et Armando (claviers).
Chronic’art : Parlez-moi de la musique au Venezuela.
Julio : Les musiques populaires sont la salsa et le merengue. C’est la musique que l’on entend partout, dans les bus et dans la rue. Les jeunes écoutent le Top 40 américain. Il y a aussi une scène techno, des groupes rock, ska et reggae. La bossa nova est très populaire car nous sommes voisins du Brésil. C’est incroyable toute la musique que nous avons au Venezuela, un pays si petit. Dans le groupe, nous écoutons beaucoup la musique de nos parents, le boléro, le cha-cha-cha et le mambo. Chacun a grandi en écoutant la musique de ses grands frères : le disco, le funk et le heavy-metal. On retrouve toutes ces influences dans nos albums. Nous jouons tous les styles que nous aimons. Nous ne sommes pas des spécialistes de salsa mais on en joue quand même.
Sur Arepa 3000, l’enregistrement de la salsa Llegates tarde n’est pas très bon. C’est volontaire ?
Julio : Nous voulions que la chanson ait le son des radios AM. La FM n’existe que depuis dix ans, mais aujourd’hui dans les bus, tu écoutes toujours la salsa sur de vieux postes AM. C’est cette sonorité particulière que l’on a voulu recréer.
Racontez-moi vos débuts.
Julio : A typical and autoctonal venezuelian dance band, notre premier disque était en licence chez EMI. C’était un contrat pour un seul disque et ils n’ont pas voulu le renouveler. On leur a demandé pourquoi. Ils nous ont répondu : « Ce disque n’a pas marché, vous devriez arrêter la musique, personne ne voudra de vous. » Et un mois plus tard, David Byrne nous signait !
Comment David Byrne vous a-t-il découverts ?
Julio : A la fin du contrat avec EMI, nous étions un peu désespérés. Nous avons décidé d’aller tenter notre dernière chance à New York. Nous y avons rencontré notre manager actuel, Alberto. Il a proposé de nous aider. Il a acheté 50 exemplaires de notre album pour les distribuer aux gens qu’il connaissait à NY. Alberto en a donné 20 exemplaires à un de ses amis qui travaillait dans un grand magasin. Un jour, David Byrne est entré dans ce magasin et il a remarqué la pochette de notre album qui représente un dessin de manga japonais. Il s’est dit que ça ne correspondait pas à l’image habituelle d’un groupe de danse typique vénézuélien. Il a acheté le CD et a été surpris. Comme notre numéro de téléphone figurait sur le livret, il nous a appelés pour savoir qui nous étions. On lui a raconté toute notre histoire et il nous a proposé un contrat sur son label Luaka Bop. Ensuite nous avons enregistré The New Sound of the venezuelan Gozadera qui a eu beaucoup de succès au Venezuela.
Comment êtes-vous accueillis en Europe ?
José Luis : Bien. La semaine dernière, notre concert à Londres était complet. Personne ne va le croire à Caracas !
Julio : La première fois que nous avons joué à Barcelone, nous avons vendu une trentaine de CD. Quand nous sommes revenus, il y a deux ans, tout le monde connaissait les paroles de notre album. On avait l’impression de jouer chez nous (rires).
José Luis : On espère que tout se passera bien à Paris, capitale de la funky music (Daft Punk, Dimitri from Paris, etc.). C’est la seconde fois que nous jouons ici. Il y a deux ans, nous voulions aller à la soirée Respect du Queen avec Bob Sinclair. Mais il y avait trop de monde et seuls le manager et l’ingénieur du son ont pu entrer. Nous sommes restés dehors sous la pluie.
Depuis Arepa 3000, Mauricio Arcas (percussions) cosigne désormais les chansons avec toi.
José Luis : Avant, nous étions tout le temps à Caracas et je composais seul chez moi. Maintenant, nous sommes plus souvent en tournée. Nous avons donc intégré ce nouveau facteur. La dynamique d’écriture a changé. Quand nous sommes à l’hôtel, Mauricio passe dans ma chambre avec des paroles en tête et une idée de musique et nous finissons la chanson ensemble. Le dernier album a été écrit comme ça. Le travail est devenu plus collectif. Pendant deux ans, nous avons été ensemble, nous avons écouté les mêmes disques. Nous avons les mêmes références. Musicalement, nous communiquons mieux.
Que signifie le titre El Bailé del Sobon ?
Armando : Un sobon est un mec bourré qui colle les filles en soirée. Avant de sortir, toutes les mères disent à leurs filles de se méfier des sobons !
No le meta la mano parle de la même chose ?
José Luis : Non, c’est une blague. Un de nos amis avait une fiancée qui le trompait sans arrêt. Quand il ne venait pas à nos concerts, on la voyait embrasser d’autres types dans le public, alors on jouait No le meta la mano : « Ne touche pas à la fiancée de notre copain. »
Il y a des voix étranges à la fin d’Arepa 3000 ?
José Luis : Celle qui crie dans mon répondeur, c’est Eric, notre ingénieur du son. On était sorti ensemble faire la fête et j’avais dragué une fille. A 6 heures du matin, il m’a laissé ce message en hurlant : « Alors, tu es sorti avec elle, tu l’as baisée ? » Il est comme ça.
Armando : L’autre voix est celle d’un DJ heavy-metal très connu au Venezuela. A la fin de l’album, il dit : « Laisse les étoiles te guider vers un nouveau jour. » Depuis trente ans, il finit toujours son émission de radio avec cette phrase culte. Tout le monde la connaît.
Julio : Sur Mami te extraño, on a invité le plus grand DJ salsa vénézuélien, un mec complètement dingue. Ce qu’il fait sur Mami te extraño, il le fait à la radio depuis vingt ans. Mami te extraño (Chérie tu me manques) est un jam que nous avons l’habitude de jouer en tournée quand nos copines nous manquent.
Vous n’avez jamais eu de problèmes de censure avec Ponerte en Quatro (En levrette), El Disco Anal (Le Disque anal) et plus récemment Masturbation Session ?
José Luis : Au Venezuela, des associations de mères de famille nous ont traités de pervers. Seule la République dominicaine a interdit Ponerte en Quatro à la radio. Le titre de la chanson était trop explicite.
Julio : Les paroles ont choqué : « Femme, si tu me quittes, je te tue. » Mais c’est une plaisanterie. En Amérique latine, tous les hommes disent ça à leurs fiancées !
Les filles deviennent folles quand vous jouez ces chansons en concert. Vous êtes des sex symbols ?
José Luis : Juste des fun symbols, parce que les filles ne nous attendent jamais après le concert (rires).
Propos recueillis par
Lire notre critique de Arepa 3000
Le site officiel de Los Amigos Invisibles donne la recette de l’arepa, le plat vénézuélien favori de nos amis invisibles