« Entre pastis et déclarations d’amour… »
On croit que les péniches sont uniquement réservées aux touristes.
Mais non ! Non seulement elles ne voguent pas toutes systématiquement sur la Seine, puisque certaines sont et restent à quai. Mais en plus certaines peuvent être très sympathiques, conviviales, voire inoubliables.
Comme chaque soir, sur le coup des six heures, Rolland, 54 ans, vient prendre l’apéritif sur la péniche « Les kiosques flottants » (quai de Montebello, face Notre-Dame). Cette péniche est particulièrement bien aménagée, avec son pont en bois, et ses petites tables joliment fleuries. Notre protagoniste Roland travaille dans un cabinet d’avocats situé dans le coin (comme quoi on peut être branché sur une péniche). Il vient ici « pour l’eau ». « J’ai habité 10 ans sur la côte d’azur (veinard !), à Paris l’eau me manque ». C’est une assez bonne raison.
A Paris, qu’on se le dise, il y a des dizaines de péniches qui flirtent avec les bords de Seine, et offrent leurs pontons aux badauds. Les cafetiers (les rois de la statistique, parait-il) estiment à 100 000 le nombre de passants qui arpentent chaque jour les quais du centre de Paris. (Et en plein mois de décembre sous la flotte ? On n’a pas demandé).
Vrai que prendre un pastis dans un cadre aussi charmant, bercé par les remous des eaux, n’a rien de désagréable pour qui n’a pas le mal de mer (ça c’est bien vrai, car qui ne se souvient pas de cette merveilleuse croisière en Grèce quand tout à coup ce mal de ventre s’était manifesté d’une façon très étrange…). »Je viens pour sentir l’odeur de la Seine et pour regarder les bateaux » explique Bernard, 59 ans, client du « Calife » (également quai de Montebello). En effet, on peut être d’abord surpris par cette absence de murs propre aux bars de ponts, et par cette sensation d’air pur, de douce bise marine, qui changent tellement de nos bars « terrestres ». Et c’est tant mieux. Amateurs de sensations fortes et variées, étonnez-vous !
Il y a ceux qui comme Alain, un retraité de 64 ans, viennent pour le sentiment d’ »évasion » qu’il peut ressentir sur un bateau : un syndrome inédit du « largage des amarres » ? Il est vrai qu’une fois sur le ponton, une petite ballade en mer, nous voulons dire sur le Fleuve, ne nous dérangerait pas ; c’est chose presque faite puisque certains bateaux proposent une formule « dîner-croisière » une fois par semaine pour seulement 250 F par personne…
Les inconvénients, il ne faut pas vous cacher qu’il y en a. Claire, serveuse de « la balle au bond » (35, quai des Tournelles, 1er) avoue qu’elle regrette le trafic incessant des bateaux mouches, et plus encore la diffusion ininterrompue d’un certain standard de musique classique pour satisfaire le touriste « Vivaldi toute la journée, c’est insupportable, en plus je n’ai jamais entendu le morceau en entier ». C’est sûr que de la techno à fond la caisse, ça aurait été vachement plus sympa, car là si on n’entend pas la fin, c’est pas grave.
Pour les consommateurs que nous sommes, l’inconvénient majeur reste les prix. Aie, Aie, Aie !!! Sur les péniches, on paie la beauté du cadre plus qu’ailleurs ; le café est à 14 F, le pastis à 34… C’est cher pour la population étudiante…
Mais dans l’ensemble, ces « bateaux-bars » restent un excellent endroit pour déguster une boisson, s’en mettre plein la vue et pourquoi pas déclarer sa flamme à la tombée de la nuit.
Marie, serveuse des « Kiosques flottants » raconte que les tables du soir sont prises d’assaut par des couples qui se disent des mots doux et bleus à la lumière des bougies.
Anecdote véridique.
Un couple de ricains (début de l’été) : le jeune amoureux prend le bateau à témoin pour sa demande en mariage. Sous l’attention et la tension générale, la belle dit « oui » et les deux amoureux « pleurent ensemble pendant deux heures ». Emouvant, non ?
Pour les plus ambitieux, et surtout les plus riches, ces bateaux s’offrent « en privé » le temps d’une soirée. Mais cette version nabab des « amants du Pont-Neuf » a un prix (ah ! l’argent, toujours l’argent, un peu de poésie que diable ) : 15 000 F la soirée. Sur que la promise appréciera !
Fabrice Hoos