Face au refus des éditeurs de publier « Une guerre », le livre-enquête de Dominique Lorentz (cf. Critiques), Laurent Beccaria, lui-même éditeur, a décidé de créer sa propre société -les Editions des Arènes- pour sa diffusion.
Tête de l’art : Quels ont été les motifs invoqués par les éditeurs au refus de Une guerre ?
Laurent Beccaria : Les motifs supposés sont les mêmes que ceux qui expliquent le silence gêné des médias. Les éditeurs sont surinformés. Ils appartiennent au même cercle que les médias. Or, cette sphère est coupée du réel. Des « vérités » se sont imposées à eux, mais ils ne veulent pas les remettre en cause. Ils aiment les livres prédigérés et acquiescent au mythe du journalisme d’investigation, alors qu’ils sont dépendants à 90% de leurs sources, que ce soit les attachés politiques, les services de renseignements etc. Lorsque des « affaires » sortent, c’est qu’il y a une intention derrière. C’est souvent un marché passé entre différents services, car c’est économiquement gratifiant. On omet simplement de le dire au lecteur. Or, le but est la désinformation. C’est celui qui paye qui donne l’orientation de l’ouvrage. Une guerre vient troubler ce marché de « l’investigation ».
De plus, le sujet est le plus dérangeant qui soit. Il s’agit, en France, du plus gros mensonge depuis la guerre d’Algérie. Il concerne les trois derniers Présidents français et un Etat, l’Iran. Phénomène aggravant, l’accord passé entre ces deux Etats est toujours en place. Il rapporte chaque année des milliards à la France et l’Iran possède toujours une minorité de blocage. Le dossier est explosif depuis le début. Un bras de fer inouï s’est joué au cours des années 80 et l’un des terrains sur lequel s’est jouée cette partie sanglante, c’est l’affaire Eurodif.
Le récit est par moments un peu elliptique. Est-ce dû aux pages que vous avez ôtées ?
Il n’y a dans le livre que des informations vérifiées. Tous les événements sont authentifiables. Il évite ainsi l’écueil romanesque. Quelques chapitres ont été « peignés » afin d’être plus clairs. Quand il a été refusé par les maisons d’éditions, nous étions avec Dominique Lorentz dans une situation de fragilité extrême. Nous nous sommes aperçus que nous étions également en danger lorsqu’elle est tombée sur le nucléaire. D’un seul coup les choses se sont éclairées. Toute l’enquête a pris une autre dimension le jour où elle a établi la connexion entre Michel Baroin et le nucléaire.
Que vous inspire cette conspiration du silence autour du livre ?
Le rejet des médias a été immédiat. Le livre trouble les logiques de l' »information ». On le passe donc sous silence. Pourtant, quelques journalistes se sont affranchis, sans être ridicules, de ces procédés. C’est le cas des Inrockuptibles. Si le trouble est aussi grand dans la presse, c’est qu’il confirme la réalité du livre. Or, depuis sa parution, je remarque qu’aucune plainte n’a été déposée pour le retirer de la vente.. C’est le grain de sable dans la machine. Ce type de démarche s’inscrit dans une lutte contre le mensonge. C’est un acte de résistance.
Propos recueillis par