Samedi 26 février le groupe L’Ane Noir a organisé sa deuxième exposition, œuvre d’art totale réjouissant tous les sens, dans laquelle le visiteur se trouvait guidé par une mise en scène très orchestrée.
Dans la belle cour intérieure du 23 de la rue des Martyrs à Paris, la musique guide le visiteur au premier étage de l’immeuble où la pénombre le pousse vers le seul endroit éclairé : une installation recréant un atelier d’artiste avec la photographie du groupe L’Ane Noir présentant Paolo Roversi, Jia Juan Li, Maxime Vardanian et Daïma -qui a exposé à la galerie Flak cet automne. Dans la pièce, la table est dressée, éclairée par d’imposants chandeliers, le thé accompagne des mets savoureux. Un projecteur s’allume sur des musiciens. L’un joue du violon, l’autre d’une guitare bien curieuse, et la troisième chante. Daïma s’approche et découvre chacun de ses tableaux jusqu’alors dissimulés sous des draps. On retrouve tout l’univers de la peintre, ces jeunes hommes élégants buvant du thé ; mais la surprise vient lorsqu’est tiré le rideau qui dévoile un tableau vivant. Les mannequins, immobiles, prennent la pose dans de magnifiques vêtement que Daïma a ramenés de son dernier voyage à Tachkent, sa ville natale en Ouzbékistan. Les autres artistes viennent ensuite découvrir leurs tableaux, accompagnés par les musiciens. Chacun a amené les œuvres de son choix : Maxime Vardanian présente ses grandes natures mortes aux couleurs vives, à la pâte épaisse et à la perspective instable, Jia Juan Li expose en ce moment dans une galerie et ne peut donc pas participer comme elle l’aimerait, mais là encore, le plaisir de travailler ensemble passe avant une quelconque coquetterie d’artiste. Paolo Roversi s’est contenté d’accrocher aux murs quelques-unes de ses photographies et reste spectateur attentif de l’événement.
L’idée de la création de L’Ane Noir est venue très simplement, elle relève d’un besoin, pour ces quatre artistes dont la réputation dans le marché de l’art n’est plus à faire, de sortir de l’habituel circuit atelier -galerie- collectionneurs. Les expositions à quatre ne sont que plaisir, presque un jeu. Paolo Roversi, Daïma et Maxime Vardanian se connaissent depuis longtemps. La rencontre avec Jia Juan Li s’est faite par un coup de foudre pictural. Elle a séduit les trois artistes avec sa peinture aux tendances nabis, rendant bien à Bonnard et Vuillard tout ce qui les ont inspirés dans l’art asiatique. L’atelier de Paolo Roversi a ensuite été le déclencheur de l’aventure : un lieu exceptionnel totalement isolé de l’animation de la rue des Martyrs, un lieu que le temps a oublié. Paolo Roversi a découvert cet endroit puis son histoire, étroitement rattachée à celle du peintre Géricault ; la hauteur de plafond laisse, en effet, aisément imaginer l’artiste créer ses grandes fresques. La première exposition, au mois de juin, s’était montée très rapidement. Paolo Roversi, ayant un peu de temps de libre, avait pris en charge l’accrochage. Cette fois, il n’a pu se libérer que pour les jours d’exposition (on est en pleine période de défilés) mais pas question pour lui de manquer un tel plaisir. Vardanian a donc passé des journées entières dans l’atelier de Roversi, parfois même, des nuits.
L’Ane Noir n’aura d’existence que tant que le plaisir sera présent, il n’est donc pas sujet à de grands projets mais reste, au contraire, l’espace de liberté que s’offrent ces artistes, craignant de s’enfermer dans un circuit trop réglementé pour eux. Les interventions des quatre seront spontanées, non planifiées, si ce n’est en fonction des emplois du temps de chacun. Les quatre pourraient d’ailleurs bien devenir six puisqu’un céramiste et un autre peintre les rejoindront peut-être.