En complément du portrait présenté dans ce numéro, Frédéric-Yves Jeannet a répondu à quelques questions sur la ville dans laquelle il a décidé de s’établir voilà deux ans, New York.
Tête de l’art : Pourquoi avoir choisi New York après tant d’années d’errance ?
Frédéric-Yves Jeannet : J’y suis à cause de mon métier, et de celui de ma femme. Depuis quelques années je travaille comme peintre. C’est mon activité principale aujourd’hui. J’y consacre toutes mes forces. C’est surtout à cause de cela. Après avoir connu Genève, Londres, Barcelone, le Mexique où je séjourne encore fréquemment, il me semblait légitime de m’installer dans ce qui est la capitale de l’Art. Car c’est ici que l’essentiel de l’art s’expose, circule, s’échange, s’achète et se vend.
Est-ce que vous êtes porté par son énergie ?
Sans aucun doute. New York est une ville où s’est produit un croisement de races, de cultures et d’itinéraires qui s’accentue depuis une vingtaine d’années. C’est aussi une ville très dure, mais si on sait s’y adapter, trouver ses repères, c’est un lieu magique, foisonnant d’idées. J’ai besoin de cette énergie extérieure pour travailler. Mais aussi de voir l’art, des musées, des opéras et des concerts, de me rendre dans de grandes librairies polyglottes, et bien sûr, d’avoir des amis sous la main. Du reste, il existe d’autres villes intenses.
C’est le cas de Londres ?
Oui, Londres est une ville fascinante. J’y ai vécu entre 1975 et 1977, à l’époque où l’intéraction entre les ethnies devenait un mode de vie dans les grandes capitales, ce qui était un signe précurseur de la globalisation. J’allais voir J. J. Cale dans des salles minables où il jouait parfois avec Eric Clapton. Il fallait traverser un épais nuage de fumée pour aller s’asseoir dans les vieux théâtres, parce que tout le monde fumait de l’herbe, moi aussi évidemment. Il y avait là des libanais, des allemands, des italiens, des africains, des indiens, des chinois, etc. Ça a été une porte ouverte sur le monde.
Comment avez-vous perçu le phénomène punk à cette époque ?
C’était passionnant. On croisait Francis Bacon dans la rue, qui revenait du supermarché avec ses sacs de nourriture et d’alcool. Je n’habitais pas très loin de chez lui, à Kensington. C’est également à Londres que j’ai pu rencontrer Xavier Nouvel et le philosophe Pascal Engel, devenus depuis des amis. Il se passait toujours quelque chose, quel que soit le lieu où on se trouvait. Il y avait les meilleurs orchestres classiques et sans doute les meilleurs groupes de rock du moment.
Avez-vous l’impression que cette rapidité d’échanges est aussi liée à des engouements factices ?
Incontestablement, New York va plus vite que les autres villes du globe, mis à part Tokyo. En peinture par exemple, où le phénomène me semble plus clair que dans d’autres domaines, on voit les modes et les vogues passer les unes sur les autres comme des vagues. L’une déferle sur la précédente et absorbe la suivante. On a à peine le temps de voir quelque chose se produire qu’une nouvelle direction se dessine et tout est déjà fini. Les artistes qui semblaient configurer un nouveau courant ont disparu, ils sont partis ou tombés dans l’oubli, ou ils sont déjà passés à autre chose. Mais c’était déjà très sensible à l’époque de Warhol et de Basquiat. Il faut simplement l’accepter.
Propos recueillis par