Jacques Henric fait partie du comité de direction de la revue Art press, où il tient notamment un feuilleton. Il vient de préfacer la réédition de L’Épi monstre de Nicolas Genka, roman publié en 1961 et interdit quelques mois plus tard. Passant outre cette interdiction, les Éditions Exils ont décidé de republier ce livre. Ce texte-préface est publié avec l’aimable autorisation de l’auteur et des Éditions Exils.
« L’artiste qui n’a pas ausculté le cœur de son époque, l’artiste qui ignore qu’il est un bouc émissaire, que son devoir est d’aimanter, d’attirer, de faire tomber sur ses épaules les colères errantes de l’époque pour la décharger de son mal-être psychologique, celui-là n’est pas un artiste. »
Artaud
« Mais puisqu’on ne doit pas dire ce qu’on ne doit pas faire, vite par les dieux ! cachez moi hors d’ici. »
Œdipe-Roi
Voici l’histoire d’un homme, d’un écrivain, qui – puisqu’il a dit, puisqu’il a osé dire ce qu’on dit qu’on ne doit pas faire et pas dire – a été, comme Œdipe, caché hors d’ici. Caché hors de la cité, mis au ban de la société, écarté de la communauté des hommes, et son livre brutalement expulsé de ce que Blanchot appelait l’espace littéraire. Voici l’histoire d’une parole, d’un écrit, d’une pensée, sur lesquels on a posé, depuis bientôt quarante ans, un bâillon. Voici l’histoire d’un romancier qui, d’avoir dans un ouvrage d’imagination tenu un discours de vérité, a été l’objet d’une vengeance et d’une répression inouïes. Voici l’histoire de L’épi monstre, ce livre qu’un éditeur nous permet enfin de lire, bien qu’à ce jour il reste un livre frappé d’interdit.
Voici aussi, dans le même temps, livrée à cru, une belle tranche de l’inépuisable histoire de ce que Sade appelait « l’imbécillité triomphante« . Cette imbécillité qui hier conduisit l’auteur des Cent-vingt journées de Sodome dans les geôles de la royauté, de la Révolution et de l’Empire ; qui aujourd’hui, au nom de la République française, en notre nom, proscrit un écrivain et maintient son livre à fond d’oubliettes. C’est que ladite imbécillité n’est pas le fait de telle ou telle institution humaine, de tel ou tel régime politique, de tel ou tel système social avec ses juges, ses clergés, ses polices, de tel ou tel ensemble de lois et de morales (même si celles-ci souvent l’aggravent et la rendent encore plus triomphante) ; elle est le fait de toute société, de toute communauté humaine, de tout Pouvoir, lequel Pouvoir, faut-il le rappeler après Sade, après Artaud et bien d’autres qui en furent les victimes, porte toujours en lui une pulsion meurtrière visant à l’élimination des corps, des esprits, de la pensée et des écrits ; elle appartient intrinsèquement à la bête sexuée et douée de langage, elle est logée au cœur même de l’espèce. Elle y serait indélogeable si de temps à autre la littérature et l’art – c’est là une de leurs fonctions capitales – ne venaient la dénicher, l’exposer aux yeux de tous. Seulement elle se venge, l’imbécillité, quand on la débusque et que ses entreprises mortifères sont mises au jour. Nicolas Genka l’a appris à ses dépens. Quel imprescriptible crime a-t-il commis pour avoir déchaîné la haine somnambulique d’un Pouvoir imbécile ? à quel sacrilège s’est-il livré pour avoir à ce point affolé la loi et avoir été l’objet de représailles aussi assidues ?
Il y a un mystère Genka. Il y a un mystère L’épi monstre. Pourquoi ce roman-là, de cet auteur-là, reste-t-il censuré depuis 1962, date de sa parution, alors que bien d’autres ouvrages de fiction qui avaient été condamnés au nom de la même loi ont vu assez vite leur interdiction levée ? Pourquoi, en un temps où la censure ne cesse de se déplacer, devient moins brutalement frontale, déploie des stratégies offensives plus fines, où Sade, Bataille, Genet, Miller… sont en librairie, pourquoi, un homme, un livre, restent-ils les objets d’une réprobation sociale et morale, les victimes d’une loi inique ?
Ce mystère est-il si mystérieux que ça ?
Les faits. Décembre 1961 : Christian Bourgois, directeur littéraire chez Julliard, publie le premier roman d’un jeune auteur, Nicolas Genka. Celui-ci avait vingt et un ans lorsqu’il a écrit L’épi monstre ; le manuscrit venait d’être refusé par treize éditeurs. Marcel Jouhandeau préface le livre. Cocteau lui décerne le prix Enfants terribles – Jean Cocteau. Les critiques littéraires saluent la naissance d’un véritable écrivain.
Juillet 1962 : au nom de la protection des mineurs, le ministère de l’Intérieur interdit L’épi monstre. L’interdiction est annoncée dans le Journal officiel du 13 juillet. Elle s’appuie sur la loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 concernant les publications destinées à la jeunesse. L’interdiction est étendue aux traductions à l’étranger alors même qu’en Italie Feltrinelli se proposait de le publier dans une traduction de Pasolini, qu’en vue d’une traduction japonaise une rencontre avait eu lieu à Paris entre Genka et Mishima, que Nabokov avait marqué son intérêt pour L’épi monstre. Malraux, (préfacier de L’amant de lady Chatterley), alors ministre de la Culture, alerté par Genka, laisse interdire. Août-septembre : violente campagne contre Genka dans la presse de droite « La honte de son village« . Sa maison du Finistère est saccagée.
Mai 1963 : l’académicien Maître Maurice Garçon, qui sera l’avocat de Genka, publie chez Jean-Jacques Pauvert, à la suite d’une saisie policière d’un ouvrage chez cet éditeur, un Plaidoyer contre la censure. Il dénonce une loi scélérate (ancêtre de l’actuelle loi Jolibois du nouveau Code pénal entré en vigueur en 1993) qui, au prétexte de protéger la jeunesse, enfants et adolescents, des publications « démoralisatrices » qui lui sont destinées, est détournée pour frapper arbitrairement des livres s’adressant à des lecteurs adultes. Maurice Garçon insiste sur le fait que ce n’est pas un tribunal qui juge et éventuellement condamne (comme ce fut le cas, au siècle dernier, avec Baudelaire et Flaubert – et faut-il rappeler que Madame Bovary et son auteur furent acquittés), mais que la décision est à la merci de fonctionnaires du ministère de l’Intérieur, et que l’ordonnance du 23 décembre 1958 rétablit une censure que « la Restauration elle-même n’avait osé instaurer« . L’interdiction à l’exposition, à la publicité, est une interdiction qui équivaut à une interdiction à la vente du livre et à sa mort pure et simple. C’est cette loi, cette « mesure exorbitante et intolérable, hypocritement dissimulée (…), selon les termes de Maurice Garçon, cette censure plus sévère que celle de l’Empire (…) cet outrage à la liberté de penser et d’écrire » qui a condamné à mort L’épi monstre, qui au fil du temps a réduit Nicolas Genka au silence.
Une saisie du livre, mis en vente à la librairie Maspéro, a lieu. L’ordre sera donné de mettre le livre au pilon. Nicolas Genka travaille à un nouveau roman, Jeanne la pudeur, qui paraîtra l’année suivante chez Julliard et qui, soutenu par Aragon et Paulhan, obtiendra le Prix Fénéon.
1964. Des membres de la belle-famille de Genka entament contre lui une procédure en justice. Ses romans ayant été lus comme des autobiographies, il sera accusé d’inceste et d’immoralité. Les interventions répétées de Christian Bourgois auprès des ministres de l’Intérieur, de la Justice et de la Culture successifs, les lettres du 20 octobre et du 12 novembre 1997 de Régine Desforges à Elizabeth Guigou et Jean-Pierre Chevènement, sont restées à ce jour sans effet.
Qu’est-ce qu’une loi, qu’est-ce que la loi ? L’inscription dans le domaine juridique du refoulé d’une époque, la marque de l’inconscient d’une société, de toute société, mettant en œuvre sous les oripeaux d’une justice transcendante son appareil répressif. Le voile dissimulant la vraie nature du lien social et son hypocrite fonctionnement. Une instance censurante apportant une version falsifiée du roman familial, de tout roman familial. Le garde-fou mis en place dès que dans la nuit des temps l’animal parlant a été confronté à cette terrible, à cette scandaleuse vérité qu’énonça Empédocle et que rappela Freud : la haine et l’amour vont de pair, ils sont de même nature, mais la haine est plus ancienne que l’amour. Les religions, lucides sur ce point, devront au cours des millénaires déployer des trésors d’ingéniosité, inventer de subtiles stratégies pour faire non pas oublier ce fait d’évidence mais pour tenter d’en atténuer les tragiques conséquences. Le christianisme ne fut pas le moins clairvoyant et le moins habile dans cette affaire.
Pour la religion du Christ, qu’est-ce que la loi, la loi qui s’incarne toujours dans des lois, dans les lois particulières d’un état – comme cette loi particulière de l’État français qui en 1962 condamna Nicolas Genka et son épi monstre ? écoutons saint Paul : la loi, c’est ce « ministère de la mort gravé avec des lettres sur des pierres (…) Christ est la fin de la loi« .
Alain Badiou, dans un essai récemment paru sur l’apôtre, commente : « La loi pour la vérité surgissante est un principe de mort« . Comprenons-le bien : c’est parce que la littérature est une force de surgissement de la vérité qu’en permanence elle est en guerre avec la mort ; c’est parce que de la vérité a surgi du roman de Nicolas Genka, vérité sans doute insupportable, que le ministère de la Mort, provisoirement incarné en un ministère de l’Intérieur, a lancé son opération d’anéantissement.
Pesons bien les mots, pesons bien ce titre : épi monstre. épi : de spicum, pointe ; inflorescence dans laquelle les fleurs sont disposées le long d’un axe ; partie terminale de la tige de certaines graminées, formée par la réunion des graines. Monstre : être qui présente des singularités extraordinaires, qui inspire la peur. Comme les employés du ministère de la Mort ont eu raison d’avoir peur devant cet écrit de pointe d’où s’épanouissaient en mille fleurs (du mal) les mille graines de la vérité ! Comme ils ont eu raison de tenter d’empêcher de nuire ce monstre qui osait lever le secret de leur petit trafic mortuaire, qui, soulevant une lourde pierre plate, découvrait les grouillants nœuds de vipères de la famille et de la société et y plongeait la pointe de son arme, ce redoutable épi de la vérité ! L’épi monstre n’est rien de moins qu’une déclaration de guerre au parti de la mort, ainsi que le nommait Stendhal, nous disons, nous, au ministère de la Mort. Mort à la mort ! tel est son mot d’ordre. Saint Paul : « Sans la loi le péché est mort« . Sans le péché la mort est vaincue. Et ce sont eux, les imbéciles triomphants du ministère de la Mort et leurs complices qui sont les pitoyables victimes d’une possession démoniaque. C’est en eux, dans leur intérieur, dans le tréfonds de ces policiers affairés, de ces magistrats inquisiteurs, de ces juges en transes, de ces philosophes bavant la moraline, de ces ministres affolés, de ces clergés lançant anathèmes et fatwas, que le diable s’est logé et que la mort prépare ses offices. Ce sont ces gens-là, ces forces-là, à la fois sataniques et humaines, trop humaines, que Genka a touchés, blessés, navrés à mort. Via un banal drame campagnard et la misérable saga de trois déclassés, de trois déjetés sociaux, L’épi monstre raconte turpitudes et carnages de l’amour humain. La grande question qui habite le livre, le leitmotiv insistant, obsédant, qui revient sans cesse dans la bouche des protagonistes : « M’aime-t-il ?« , « M’aime-t-elle ? » Positive ou négative, la réponse entraîne les mêmes catastrophes. Ne soyons pas surpris que la tragédie individuelle se déroule sur un fond de tragédies collectives (les deux conflits mondiaux du siècle, les camps d’extermination nazis, les guerres coloniales, l’Algérie…) ; elles sont de même nature et ont les mêmes sources. Le temps dans ces affaires ne compte pas : « Nous nous aimons depuis cent mille ans dans la plus hermétique souffrance« .
Haine/amour (hainamoration, dira Lacan) : le couple indissoluble, infernal. Morfay aime sa fille Marceline ? Conséquence : « Elle ne répond plus la Marceline. Tu l’as violée, tu l’as tuée. Comme tu as tué sa sœur. Et sa mère. Et ta mère (…) Le monde brûle« . Retournant la parole du Christ, le père incestueux s’écrie : « Je ne suis ni la voie, ni la vérité, ni la vie« . L’épi monstre est le récit d’une Passion, à l’envers.
Si le temps ne compte pas, l’espace non plus : « Que leur obsession prenne forme et leur histoire alors s’élargira, se creusera – multiplicité de dédales, ampleur des grands drames classiques« .
Parce que L’épi monstre n’est pas un livre obscène, pas un ouvrage pornographique ; parce que ce roman à la violence contenue est pudique, que son écriture, sèche, nette, visuelle, est au service d’un perception aiguè du réel, qu’elle mêle le tragique au burlesque et suppose l’existence d’une horreur en soi, il était logique que les fossoyeurs du ministère de la Mort tentassent de l’enterrer à jamais.
C’est que le constat de Nicolas Genka est abrupt, sa démonstration implacable. Il renoue avec le geste des grands tragiques grecs : dire la vérité du lien communautaire à partir de la cellule de base qu’est la famille. Aristote : « La famille est le milieu tragique par excellence« . Un père, bourgeois déclassé, ses deux filles, tous trois plongés dans la bouse campagnarde, au milieu d’une population d’ivrognes…, guère besoin de plus pour cracher le morceau sur ce qui fait le fond de tout rapport humain, notamment et avant tout sur la relation entre géniteurs et engendrés. Le carnage familial a valeur paradigmatique, c’est le tronc commun de toutes les situations d’effondrement, de tous les désastres, de tous les crash historiques. Hiroshima, fours crématoires, massacres ethniques… ne font que le reproduire à vaste échelle. Que nous dit Genka, après Sophocle, Eschyle, Euripide (et Freud en écho) ? Que là où il y a famille, il y a une structure porteuse de crime, d’inceste, de viol, de castration, de folie, de mort.
L’inceste… L’inceste est le motif central de L’épi monstre et, quoique traité avec une énorme délicatesse (qu’on relise, pour le contraste, le volume du Journal non expurgé – et, dieu merci non censuré – d’Anaïs Nin dans lequel elle raconte avec force détails les ébats érotiques avec son père), il est à coup sûr à l’origine de la trouille des censeurs, hystériquement convaincus que réel, imaginaire et symbolique, c’est du pareil au même, que Sade est nécessairement un nazi, que le mot merde pue, et que Nicolas Genka est un dangereux pédophile incestueux. L’inceste, le tabou de l’inceste, cet interdit sur lequel toute société est fondée… Et si, comme l’a suggéré Sollers dans sa Guerre du goût où sont commentés quelques autres abominables individus qui ont nom Laclos, Casanova, Joyce, Faulkner, Miller, Genet, Nabokov, Bataille…, et si « le tabou sur l’inceste était celui sur l’écrit » ? Si l’écrit avait la même « fonction traumatisante » que la soudaine levée d’un tabou ? C’est que nous ne sommes plus dans ces temps où un écrivain, Giacomo Casanova, homme libre entre tous, pouvait tranquillement écrire : « Je n’ai jamais pu concevoir comment un père pouvait aimer tendrement sa fille sans avoir au moins une fois couché avec elle (…). Les incestes, sujets éternels des tragédies grecques, au lieu de me faire pleurer me font rire« . Et si l’espèce, aujourd’hui plus que jamais, ne pouvait supporter de connaître, sans s’en trouver effondrée, ce qui la possède en profondeur et la constitue en tant que communauté humaine ? Alors, oui, Genka, cet immoraliste pas du tout amoral, cet éthicien aurait dit Musil, ne pouvait qu’être la victime toute désignée, le bouc émissaire parfait.
L’autre point aimanté et périlleux, lié au précédent, et que frôle sans cesse Genka dans L’épi monstre, est celui de la destitution des pères, de l’effondrement de la fonction paternelle. Effondrement qui va de pair, en Occident, avec celui d’une des grandes religions monothéistes, le christianisme. « Montrez-nous le Père, dit l’apôtre Philippe, et cela suffit« . Genka nous le montre, du moins un de ses actuels avatars : Morfay. Bonjour les dégâts. « Ha ! le père de famille, cet aventurier du monde moderne ! Sacré Péguy ! » raille Morfay. Une de ses filles s’essaie bien au Notre Père. En vain. « Serai-je son père un jour ?« , se lamente Morfay. Plus de père, plus de pensée du père. Donc plus de fils, plus de filles. Plus de filiation symbolique. Plus de transmission de la mémoire. Le voilà le vrai malaise dans la civilisation dont Genka nous montre qu’il ne s’agit plus d’un malaise mais d’une véritable catastrophe. Les temps qu’annonçait L’épi monstre ne sont-ils pas notre quotidien ? « Viendront les jours en soutanes ouvertes, portant les croix, les tabernacles, l’insolente bimbeloterie, viendront les migrations de philosophes-fabricants, secrétant du voile et de la matière à procès pour gentils rhétoriciens pâles, eux résolument épris de l’Homme et très masturbés par son destin (…), viendront les vieillards incendiaires, les poètes flottant sur la soie et l’opium, viendront les amants de la truie, les théoriciens de la fortune, les chirurgiens es vanité : les lauréats de la révolution« . On est au tout début des années soixante quand ces choses-là sont écrites. Pas si mal vu de la part d’un petit jeune d’une vingtaine d’années, non ?
Les Grecs, eux, pouvaient trompeter de scandaleuses vérités sur des scènes publiques, au beau milieu de la cité. Ce qu’on dit qu’on ne doit pas faire ni dire, et qu’on fait sans le dire – par exemple tuer son papa, coucher avec sa maman, violenter ses filles, violer ses petites sœurs, occire son mari… – eux le disaient. Ils ont pu le dire, pendant un temps du moins, sans être importunés. On pouvait même, ces rudes poètes du mal, les récompenser. Le bon temps ! pourrait se dire Nicolas Genka. Il est arrivé, en effet, que le Pouvoir fût moins bête, les pouvoirs moins assassins. Depuis, hélas, l’imbécillité triomphante – disons plus brutalement la connerie sexuelle, ou connerie tout court, toute connerie étant par nature sexuelle – a étendu largement son aile et son ombre obscurcit terriblement notre fin de siècle et de millénaire. C’est elle, et elle seule, qui a tiré les fils des pantins et sous-pantins du ministère de la Mort. C’est elle, et elle seule, qui leur a fait expédier Nicolas Genka et son épi monstre dans un cul-de-basse-fosse. C’est elle, et elle seule, qui leur intime l’ordre de les y laisser pourrir.
Mais voilà qu’aujourd’hui ses calculs sont déjoués. Voilà que ces âmes hypocrites, pusillanimes et salisseuses, ces hommes de faible densité que la connerie habite, voilà qu’ils sont défaits. Ils avaient gagné une bataille, ils sont en train de perdre la guerre. Comme leurs semblables l’ont perdue devant ceux qu’ils ont tenté de faire taire, devant Baudelaire, Flaubert, Barbey d’Aurevilly, Joyce, Lawrence, Miller, Pasolini, Nabokov, Calaferte, Hardellet, Guyotat… Ce livre qu’ils ont voulu enfouir à jamais, le voici. Vous l’avez entre les mains. Quant à Nicolas Genka, il est loin d’être mort. Il vit. J’en témoigne. Il vit retiré et solitaire dans un coin de Beauce, et si depuis bientôt deux décennies il n’a plus publié, pour ne plus être un enjeu de vos misérables commerces et vous oublier, craignez le pire : il écrit.
Jacques Henric
Lire notre critique de L’épi monstre de Nicolas Genka