Insatiable créateur finlandais (musique, photo, ligne de vêtements), Jimi Tenor n’est pas évident à cerner. Après quatre albums solo étonnants, Out of nowhere, enregistré avec l’Orchestre du Grand Théâtre de Lodz en Pologne, ne dépare pas dans la collection…
Chronic’art : Quand êtes-vous venu à la musique ?
Jimi Tenor : Je n’ai jamais vraiment commencé la musique. Déjà enfant, j’en jouais. Excepté lorsque je pratiquais le golf. J’ai quasiment arrêté ce sport car les terrains de golf sont en général des endroits ennuyeux. Je n’ai rien planifié. Si je n’avais pas sorti de disque, j’aurais peut-être tenté de devenir photographe, ce que j’essaye toujours.
Vous êtes systématiquement décrit comme un artiste mystérieux, énigmatique… Légende ou vérité ?
Je pense que pour vendre des albums, il faut avoir des idées et une personnalité hors du commun, c’est ce qu’on attend de toi. Et puis, Internet est un outil de manipulation incroyable. Quoi que tu y mettes, les gens y croient. De temps en temps, je m’installe à mon ordinateur, et je propage des histoires me concernant. Les mensonges purs ne tiennent pas la route, alors que les exagérations prennent plutôt bien. Une chose devient une autre, grossit… C’est infini. La plupart des journalistes se rendent sur mon site officiel, en particulier aux USA où ils ignorent qui je suis, et ils gobent tout.
Les interviews doivent être pittoresques. Votre pire souvenir ?
Je pense que ça s’est passé en Allemagne, à l’issue d’une interminable journée de promo. Un journaliste s’amène, me dit : « Je sais que tu es fatigué. Je vais poser là mon magnéto et tu y raconteras ce que tu veux. » C’est la situation la plus hallucinante à laquelle j’ai eu droit. « Ouais, laisse-moi donc remplir une cassette entière de monologues… » J’aime aussi quand on me demande : « Voulez-vous ajouter quelque chose ? » : « Oui merci à Jésus pour avoir rendu tout ça possible. Et à la dianétique qui a changé ma vie. » Je suis d’ailleurs allé à un de ces tests de personnalité que proposent les scientologues. Je ne savais pas ce que c’était. Ils les laissent dans les cafés pour étudiants en général, histoire de choper des mômes qui sont coupés de leurs parents pour la première fois. Et ils vous demandent des choses comme : « Etes-vous peu sûr de vous ? Avez-vous besoin d’aide ? » Et naturellement, tout le monde a ses petites angoisses…
Sur l’album Out of nowhere, vous avez travaillé avec un orchestre. C’était une première, non ?
En général, je fais tout chez moi. Quand j’ai besoin d’une section de cordes ou de cuivres, je me sers des effets sonores sur mon petit sequencer de poche Yamaha. Mais là, j’ai pensé que je pourrais faire autre chose. Comme trouver un véritable orchestre. Un jour, j’ai rencontré ce Polonais à Tokyo, qui m’a assuré qu’il pouvait rendre cette idée possible, parce qu’il connaissait quelqu’un qui dirigeait un orchestre en Pologne. Malheureusement, cet ami s’est révélé totalement indigne de confiance. Et nous nous en sommes séparés. Il est talentueux, seulement deux semaines avant de commencer l’enregistrement, il n’avait toujours rien foutu. Je paniquais, j’ai dû appeler d’autres collaborateurs en désespoir de cause… J’avais trois chansons prêtes, je les ai envoyées à un copain pour qu’il s’occupe de les arranger pour un orchestre, mais je me suis tapé tout le reste. Je n’avais rien fait de la sorte, c’était plutôt terrifiant. Dieu merci, nous avions ce petit manuel bien foutu qui nous a aidés. Ca donnait des choses étranges. Quelquefois, la joueuse de timbales était furieuse à cause de notre manque de compétence. C’était vraiment une sale conne. Je la détestais. Il y avait une note qui n’était pas dans le bon registre ou bien elle ne pouvait pas jouer la combinaison de timbales prévue, je ne sais plus. Et je lui ai dit : « c’est pas grave, laisse tomber cette note ». Ca l’a rendue dingue que je me contente de peu. Le reste des musiciens étaient sympas, amicaux.
On a l’impression que vous vivez dans un monde à part.
C’est ce que prétend ma mère. (Prend une voix haut perchée) « Jimi vit dans son univers ! » C’est parce que les mamans vivent dans le monde réel. Je pense que c’est assez vrai. Je sors peu. Je reste chez moi, je bricole ma musique, j’organise des barbecues. C’est à peu près tout ce que je fais. Et je picole le soir. C’est mon boulot. Ca devient de plus en plus difficile à exécuter, physiquement parlant.
Et votre inspiration, d’où sort-elle ?
La vie réelle, les événements du quotidien m’inspirent le plus souvent pour les paroles. Question musique, c’est plus abstrait. Parfois, je vois un film avec une poursuite en voiture qui me donne envie de composer un morceau rapide. Enfin, c’est un point de départ. Et au final, ce qui devait être super speedé et bourré de percussions est devenu une musique de manège !
Avez-vous prévu une tournée ?
Tourner avec l’orchestre va s’avérer délicat. J’ai réussi à booker trois concerts pour l’instant en Europe. J’irai peut-être jouer en Pologne. J’ai pensé à faire une grande entrée au son de bruitages bizarres. Et le public va devenir hystérique. Oh, et j’ajouterai un nuage de fumée rose, mais très minimal, comme si nous n’en avions pas assez dans la machine. Ce sera pathétique… Je m’y vois très bien. J’ai déjà fait ce truc de la petite fumée. Le public en attend plus, c’est marrant. Je rallume la lumière dans la salle pour voir la tête des spectateurs tout surpris.
Votre opinion sur Internet ?
Je pense que c’est un gaspillage de temps. J’ai besoin du Net, mais j’aimerais m’en passer. Maintenant j’ai même jimitenor.com qui m’est tombé dessus. Je n’ai rien à faire de spécial pour gérer ce site officiel, excepté envoyer des nouvelles ou des petites histoires de temps en temps. Mais le webmaster est hallucinant. Il sait tout de moi. Quand je vais en Islande, il m’appelle le lendemain et me demande comment c’était… Il a des amis dans le monde entier qui le renseignent sur mes faits et gestes. Ce type pourrait m’effrayer, mais il est génial. Il avait créé ce site de son côté et je lui ai envoyé un e-mail après avoir vu son travail, pour lui demander de s’occuper du truc officiel. Il est content de son nouveau statut, moi, j’aime ce qu’il fait. Tout le monde est content.
Recueilli par
Voir le fameux site officiel de Jimi Tenor, ainsi que l’histoire complète de la genèse de l’album sur le site de Matador. Sans oublier ce site de fan !
Lire notre critique de Out of nowhere de Jim Tenor Lire, en archives, notre critique d’Organism