Pire qu’un film de John Woo, les jeux font gicler le sang sur les écrans de nos ordinateurs. Quelques âmes bien intentionnées s’indignent tandis que les principaux intéressés se frappent la tête contre les murs.
Il n’existe pas trente-six profils différents pour évoquer la violence dans les jeux vidéo. Disons… trois !
Le premier, c’est celui de la mère de famille, bien soulagée de trouver, pour ses bambins, des notices de prévention contre l’épilepsie dans les emballages packagés. La brave femme aimerait bien censurer toute violence dans les jeux, à commencer par ces foutus simulateurs de vol (les crash, horribles !), ces satanés wargames (la Guerre de Sécession, ignoble !) ou même Tetris et Puzzle Buble (on n’est jamais trop prudent).
Le deuxième profil, c’est celui du fils de la mère de famille. Il a les cheveux en iroquois, les yeux injectés de sang, la bave aux lèvres et il écoute de la musique à fond pour faire vibrer les murs. Pour lui, la violence dans les jeux, c’est pas encore ça. Seules les productions en audorama avec simulation d’éviscération en shoot’em-up rapide et lunette 3D pourraient, éventuellement, le faire jouir.
Le dernier profil, le plus courant, on l’appelle le joueur. Il s’agit, en général, de la personne qui va acheter le jeu. Il est grand, beau et intelligent (je suis très joueur) et se voir virtuellement entacher de ketchup peut l’amuser. Mais la « jouabilité » restera toujours le critère primordial pour ce lecteur potentiel auquel nous avons décidé de nous adresser dans nos critiques. Car si un jeu vidéo peut servir d’exutoire pulsionnel, il reste avant tout destiné à distraire. Rappelons que les gens disposent tous, a priori, d’un sens critique. Tout le monde ? Même ces ravissantes tête blondes, ces charmants bambins naïfs et innocents qu’il faut à tout prix protéger des influences néfastes d’un monde de brutes. Et à coups de trique si nécessaire !
Et le meilleur coup de trique qui puisse être, c’est le jeu vidéo. Un merveilleux moyen de catharsis. Et qu’on en finisse avec cette idée niaise et trop longtemps répandue qui voudrait que le même soit incapable de différencier réel et irréel. Le jeu permet de remettre en place ses fantasmes, ce qui à tout prendre, vaut mieux que de les garder en soi pour parfois finir névrosé, psychopathe, voire serial-killer.
A une mère inquiète qui demandait comment élever son fils, Freud avait répondu : « de la façon que vous voulez, de toute manière, ce sera mal ».
Parfait, alors allons-y joyeusement, écrasons sauvagement de la vieille sur Carmageddon, explosons du morts vivants dans Blood, sacrifions allègrement quelques héros dans Dungeon Keeper. Bizarrement, après ce massacre, je me sens bien plus tolérant envers tous ces foutus moralistes.
Nicolas Klemberg