Très attendu depuis Premiers Symptômes (compilation de leurs premiers simples), l’album de Air, Moon Safari (Source), sort ces jours-ci. Rencontre (aérienne) avec ce duo multi-instrumentiste (Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunkel) pour parler de leur musique intime et sensuelle, bien loin des schémas réducteurs qui caractérisent généralement la scène française.
Tête de l’art : En quoi l’architecture et les mathématiques sont utiles à votre musique ?
Jean-Benoît Dunkel : On ne se rend pas vraiment compte de l’influence que ça a. Mais, quand on travaille, ces formations respectives nous apportent sérieux et reflexion sur la structure même des morceaux. L’approche est pourtant très sensible pour chacun d’eux. Il n’y a rien de rationnel. Nous sommes beaucoup plus proches de la sensibilité latine.
Le lieu a-t-il été déterminant pour l’enregistrement ?
Nicolas Godin : Oui. Essentiel. On voulait être coupé de tout, sans téléphone, sans télévision, afin de nous consacrer exclusivement à l’album. Il n’aurait pas sonné comme ça si nous ne nous étions pas mis volontairement dans ces conditions pour travailler tranquillement.
Londres a été une étape importante pour l’orchestration des sections de cordes ?
Nicolas Godin : C’est arrivé après l’enregistrement. On pensait déjà aux violons qui seraient sur chacun des titres lors des sessions. On a donc été à proximité d’Oxford, chez David Withaker, pour lui dire ce qu’on souhaitait sur chacun d’eux.
Jean-Benoît Dunkel : Il avait travaillé avec Gainsbourg. C’est Daho qui nous en a parlé. La rencontre a été au-delà de nos espérances.
Vous êtes à la frontière de deux univers : l’un sensible, l’autre plus électronique. Pourquoi ne pas avoir choisi l’un ou l’autre ?
Jean-Benoît Dunkel : Il y a un mélange d’instruments réels (basse, etc.) et des délires électroniques. Les deux sont indissociables. L’ambition a toujours été que les morceaux soient émotifs. Et finalement, ces deux univers contribuent à faire naître l’émotion. On ne pouvait pas choisir une option plutôt qu’une autre.
Nicolas Godin : On prendra sans doute plus de risques pour le prochain. Là, finalement, on a fait ce qu’on savait faire.
La scène vous tente-t-elle ?
Nicolas Godin : Pour l’instant c’est un problème. Il nous faut d’autres musiciens, car le disque a été fait sur un huit pistes. Mais je suis assez curieux de savoir ce qu’on pourra rendre sur scène. Patience !
Hormis le simple Sexy Boy, sur lequel vous chantez, comment s’est effectué le choix de l’autre voix ?
Nicolas Godin : On a rencontré Beth Hirsch par hasard, dans un studio. Avant, on avait essayé d’auditionner d’autres chanteuses, et ça n’a pas marché. Alors qu’avec elle, ça a tout de suite fonctionné.
Quelles sont les influences qui vous ont conduit à faire de la musique ?
Jean-Benoît Dunkel : Ce sont plutôt des références. On a le souci de faire quelque chose d’original, même si, c’est évident, on a pris en compte la musique des artistes que l’on aime : celle de Bowie, des Beatles, de Kraftwerk, de John Barry, etc.
Nicolas Godin : On a des goûts opposés. Il est normal que ces références se retrouvent dans notre musique. On possède un bagage plutôt classique, mais la confrontation avec l’électronique, le choc de ces deux univers, voilà ce qui nous intéresse avant tout.
Etes-vous sensibles à d’autres courants musicaux ?
Jean-Benoît Dunkel : La house, la techno, la jungle sont des phénomènes européens, fédérateurs. On accède à la même culture en même temps, sans de longs décalages comme cela se produisait il y a encore quelques années. Les barrières tombent entre les courants. C’est très heureux pour nous d’arriver à ce moment-là.
Y-a-t-il eu d’autres rencontres déterminantes ?
Nicolas Godin : On a partagé des tas de choses avec un type comme Martin Gore. Il était heureux des remixes qu’on a fait sur l’une de ses chansons. Ça a été le cas avec Daho aussi. Il n’y a qu’avec très peu des gens, au fond, qu’on a eu une relation amicale. Alors qu’il est très facile de croiser des tas d’artistes en studio.
Vous avez d’autres collaborations en vues ?
Nicolas Godin : Depuis la sortie du studio, on n’a pas le temps de prendre du recul, de voir ce qui se passe. On est tout le temps sur la route. Il faudrait prendre de la coke et ne pas dormir la nuit pour pouvoir y songer. Et on tient à mettre le prochain album en route le plus vite possible. Enfin, ce sera peut-être l’occasion qui fera le larron.
Propos recueillis par