Entre psychédélisme doux et folk synthétique, Awake like sleeps est un disque cotonneux et rêveur. Entretien avec Greg Weeks.
Comment as-tu commencé la musique ?
Greg Weeks : Quand je suis arrivé à New York, je travaillais pour MTV, et je me suis rendu compte que je ne voulais pas être plus impliqué dans cette compagnie. J’ai trouvé un boulot dans un studio à Manhattan. J’étais assistant de l’ingénieur du son. J’ai toujours aimé jouer un peu de guitare, mais ce n’est pas avant 1994-1995 que j’ai vraiment commencé à écrire mes propres chansons. Des trucs à la Slint, avec des guitares toutes en angles aigus, que je faisais tout seul. Puis j’ai découvert Tonie Mitchell et Nick Drake et j’ai beaucoup écrit de chansons, en trouvant ma voix peu à peu. Mes premiers disques étaient beaucoup plus acoustiques. Ensuite, j’ai déménagé vers un petit appartement de l’East Village et j’ai eu un orgue, une sorte d’harmonium pour enfants. C’était l’instrument parfait pour moi à l’époque, où j’étais un peu déprimé, et le son collait parfaitement à mon humeur. J’ai été en studio pour enregistrer ces chansons, mais l’orgue était désaccordé, c’était impossible de créer des chansons à partir de ça, donc on a décidé d’utiliser un Minimoog et quelques autres instruments. Et c’est devenu très différent des démos.
L’utilisation des synthés n’est pas très conventionnelle sur ce disque… Comment as-tu procédé ?
Aujourd’hui, je ne peux plus jouer de synthé, sinon, je ferais une chanson par jour. Car quand tu as un Moog ou un Mellotron, c’est très facile de trouver une jolie mélodie. Pour moi, les plus belles mélodies sont les plus simples. Si j’étais virtuose, ce serait peut-être différent, mais la musique qui m’inspire vraiment, celle des 60’s psychédéliques, est très simple en ce qui concerne les mélodies. J’aime bien les premiers Pink Floyd, d’ailleurs le disque est un peu un hommage à Meddle et Echoes. Mais les groupes américains de l’époque utilisaient ces synthés de manière instrumentale, décorative, toujours dans le fond. Moi j’essaye de mettre ces instruments au premier plan, parce que je trouve qu’ils ont de la personnalité. J’aime mieux l’attitude des groupes 70’s comme Magma, Heldon ou Amon Düül qui utilisent ces sonorités de manière très franche.
Le disque fait un bon mélange entre acoustique et électronique…
Oui, il n’y a qu’un morceau avec une guitare acoustique, mais nous avons effectivement beaucoup travaillé sur cette « balance » entre les différentes textures. Nous voulions utiliser le spectre panoramique à fond. Nous voulions donner une place précise à chaque instrument dans l’espace de l’auditeur.
Le thème du disque serait le sommeil ?
C’est très personnel, mais ça parle de détruire une partie de soi qu’on n’aime pas. Et puis effectivement d’une dualité entre le monde du sommeil, du rêve, et la réalité. Qu’est ce qui est réel ou non. Mais les textes me permettent de mettre à jour des éléments de mon subconscient que j’ai tendance à refouler. Lorsque j’imagine les textes, ils prennent un sens pour moi qui me permet de mieux vivre. C’est très thérapeutique. Et puis avec les chansons je peux essayer de faire partager des expériences. Si celles-ci me permettent d’aller mieux, j’espère qu’elles permettront à ceux qui les écoutent d’aller mieux également.
Comment as-tu rencontré Yann Farcy, et le label français Alice in Wonder ?
C’est plus facile je crois, de sortir sur un label français que sur un label américain. Aux Etats-Unis, il n’y a pas de support pour les artistes underground. Les Américains aiment bien avoir l’art, mais ils ne veulent pas payer pour ça. Il faut être très connu pour gagner sa vie. Les artistes sont toujours sous-payés, même par leurs labels. En France, on peut avoir de l’argent du gouvernement quand on est dans le spectacle, et les labels ont l’air honnête. Et puis, on peut défendre son disque, il y a des organes de presse qui s’intéressent à toutes sortes de musique, comme le tien, ce qui n’est pas vraiment le cas aux Etats-Unis, où il faut être déjà connu pour avoir accès aux médias. J’ai quitté mon boulot d’ingénieur du son, et j’aimerais bien vivre en Europe, en France, et essayer d’y être musicien. Aux Etats-Unis, c’est très dur de faire des concerts : les distances sont longues, on n’est pas payé, etc. Ici, on est payé, nourri, on a une chambre d’hôtel, c’est beaucoup plus généreux et respectueux pour les artistes. Et puis je voudrais découvrir les cultures européennes, tourner… J’ai un autre groupe, qui s’appelle Superstar Shine, on va essayer d’enregistrer des trucs ici et faire quelques concerts…
Propos recueillis par
Lire notre chronique de Awake like sleeps