Oumou Sangaré, Sally Nyolo, Chiwoniso et Busi Mhlongo… Quatre artistes africaines qui vont probablement marquer cette fin du millénaire. Leur musique est devenue un moyen efficace de faire face à la « culture globalisante », en parlant des « leurs ».
Talents reconnus ou prometteurs, elles sont de plus en plus nombreuses désormais à vouloir incarner le rêve d’une Afrique noire, urbaine mais authentique, qui gagne. Leur musique se situe dans une spirale qui marie les traditions authentiques au groove contemporain, avec un son résolument moderne. Sur scène, elles font preuve d’un charisme inhabituel. Elles sont femmes et elles osent. A travers les médias, elles prennent position contre la condition faite aux femmes et imposent leurs vues pour un monde meilleur. Elles sont leurs propres modèles. Avant elles, les places étaient chères. Elles incarnent en somme une nouvelle génération d’artistes africaines qui en veulent. Leur ambition : réussir à aligner les succès, tout en revendiquant leurs racines pour mieux s’intégrer dans « la culture mondialisante ».
Oumou Sangaré, au Mali, marie le patrimoine du Wassoulou natal aux beats électro-acoustiques de la world music. Sa voix apaise et lui fait chanter aux quatre coins du monde. Son timbre de griotte moderne en profite pour exprimer les angoisses des « femmes soumises » de l’Ouest africain… face aux mariages arrangés, à l’excision et contre la polygamie. La musique est une excellente plate-forme d’expression pour qui sait l’utiliser. Oumou souhaite camper les angoisses de son peuple : c’est ce qui fonde son authenticité, au-delà du déluge sonore. Mais le discours n’est pas tout. Il y aussi la démarche créatrice, qui correspond à des interrogations profondes : comment rester fidèle à ses origines, tout en acceptant la longue marche du monde ? Comment ne pas se perdre à une époque où la rencontre avec l’Autre menace nos certitudes et nos propres repères ? Sally Nyolo, elle, a trouvé sa réponse sur les rives de la Seine, où elle vit. Elle chante le déracinement, en allant puiser sur le sol natal son rythme de bikutsi, ensorcelé à la sauce parisienne. Venue de la forêt équatoriale, la jeune camerounaise s’accompagne aujourd’hui de la nostalgie du pays Béti dans son chapelet de sons urbains.
Africaine, elle s’affirme. Citoyenne du monde, elle voudrait être. Elle représente en tout cas celles dont la destinée se confond avec les chemins de l’exil. Chiwoniso, sa consœur du Zimbabwe, a poussé la logique plus loin. Elle est rentrée au pays, après avoir longtemps gravi les scènes américaines sous le regard complice de ses parents artistes. Pour mettre fin à ses interrogations identitaires, elle s’est remise à jouer à la mbira (piano à pouce) et le chant du terroir Shona inspire dorénavant ses compositions. Une manière pour cette voix aux sonorités cristallines de se retrouver à un moment où sa trajectoire dans les pays du Nord risquait de falsifier ses derniers repères par rapport au patrimoine ancestral. Plus bas encore, en Afrique du Sud, Buzi Mhlongo, la nouvelle reine du maskanda, un rythme typique du Kazwulu, triture à merveille l’instrumentation dite occidentale pour mieux servir un art vocal millénaire que même l’apartheid n’a jamais su arracher à son peuple zulu. Elle navigue sans arrêt entre l’Europe et l’Afrique : son bonheur se situe dans un va-et-vient incessant entre les deux mondes.
Quelques titres d’albums : Multiculti (Lusafrica) de Sally Nyolo. Ancien Voices (Lusafrica) de Chiwoniso. Worotan (World Circuit) de Oumou Sangare. Urbanzulu (Conquering Lion) de Buzi Mhlongo
Oumou Sangare sera en concert à la cité de la musique à la mi-octobre