Où comment l’on coupe les arbres qui cachent la forêt
Au lieu de travailler à rattraper notre retard en la matière, on discute « formes ». On francise à tout va ! Qu’un « webmestre » remplace le webmaster, soit…même si ça n’apporte rien (sauf un petit côté germanique…bien vu la francophonie !). Mais que le mail s’emmêle en « mél », le CD-rom se bêtifie en « cédérom » et le Web s’aboie en « ouaibe »… Qu’est-ce que ça apporte ? C’est plus moche, et ça nous isole un peu plus dans un domaine où l’on n’a pas besoin de ça pour être à la traîne. Comment ça, on est à la traîne ? Ben ouais…vous connaissez beaucoup d’autres pays où l’on voit 15 fois par jour la pub d’Henri et du virus de l’Internet sur l’imprimante ? Si chez IBM ils nous croient assez idiots pour ne pas trouver ça ridicule, ils doivent avoir raison…
C’est vrai, certains nous avaient déjà habitué à des tentatives singulières : le MacCarthisme sémantique était très en vogue il y a quelques années. Des commissions de « sauvegarde » de la langue française, de « surveillance » des médias, étant mises en place à droite à gauche, alors qu’à côté, on s’apprêtait à mettre en place une réforme fantaisiste de l’orthographe à grande envergure (heureusement ramenée à des proportions décentes).
Si les prétendus défenseurs de la langue française prenaient la peine de quitter des yeux leurs nombrils, ils s’apercevraient que les œuvres et parutions de langue anglaise comportent largement autant de mots français (et avec les accents, s’il vous plaît !) que nos textes comptent de termes empruntés à la langue de Shakespeare. Et en font-ils tout un fromage ? Non, même pas un petit cheddar. Rien. Peut-être qu’ils s’en fichent… ou bien peut-être ont-ils compris qu’une langue ne souffre pas de l’apport de mots étrangers. Au contraire, ce sont eux qui la font vivre. La langue est telle toute chose vivante… l’isoler, c’est la faire moisir. Et la moisissure, ce n’est bon que sur le fromage !
Le vrai problème est ailleurs. Il ne vient pas d’une soi-disante hégémonie d’une langue, mais d’un problème fondamental de culture : comment faire pour éviter de se faire bouffer tout crus par les dinosaures, OJ Simpson et Madonna ? Le monde est-il déjà perdu ?
S’attaquer à la forme du problème n’est qu’une manière d’éviter de toucher au fond. Ce n’est pas en maltraitant quelques mots que l’on protégera notre culture.
D’ailleurs… pour ceux qui ont toujours hésité… on dit l’Internet (avec une majuscule -comme le Net- parce que c’est un seul et unique réseau), mais par contre, un intranet (sans majuscule, parce que des intranets, il y en a plusieurs : autant que d’entreprises qui ont fait ce choix pour leur réseau interne), de même qu’un extranet (qui n’est autre chose qu’un intranet avec un petit morceau qu’on met aussi sur l’Internet).
Qu’on se le dise, le premier qui m’appelle webmestre, j’lui envoie Henri pour qu’y mette un virus de l’Internet sur son imprimante