Depuis quinze ans de jeunes auteurs anglo-saxons rénovent avec maîtrise du style graphique le genre du super-héros.
Le comics book de papa est désormais au fond de la corbeille à papier. La nouvelle vague a triomphé grâce à ses projections aérographiques, ses acryliques torturées et ses noirs et blancs jusqu’au-boutistes. Le « relookage » de nos vieux super-héros façon Marvel par une bande de jeunes dessinateurs anglo-saxons n’est pas vraiment ce que l’on appelle faire dans la dentelle.
La fin des années 80 a ainsi marqué l’avènement d’une nouvelle ère avec quelques albums d’anthologie. Le splendide Arkham Asylum, où les explosions graphiques n’avaient d’égal que les crises de folie de Two Faces ; la série Dark Knight de Frank Miller, où Batman affronte, sur fond de troisième guerre mondiale, un Superman réactionnaire et vieillissant ; plusieurs Lobo, super tueur intergalactique, par Simon Bisley, personnage tenant plus du biker que du dessinateur des studios Strange, ou bien encore le Batman : souriez de Brian Bolland, où l’homme chauve-souris apparaît encore plus fou que son ennemi le Joker.
Les bons sentiments sont désormais relégués aux oubliettes. L’univers manichéen des super-héros face aux super-vilains n’a plus lieu d’être. Tout se joue dans l’ambivalence et l’ambiguïté. La ligne claire et les encres diluées normatives ont été remplacées par la complexité de techniques graphiques propres à chaque dessinateur. Il n’est alors pas étonnant que les personnages trop classiques et trop propres aient été délaissés au profit de figures plus sombres et plus torturées. Le succès va aux héros de la nuit. Daredevil, Elektra, Judge Dredd, et surtout Batman sont à l’honneur.
Les Editions USA nous ont livré cette année un superbe recueil des principaux talents de la nouvelle vague comics. Ensemble, très exhaustif puisqu’on y trouve également le dessinateur de mangas Katsubiro Otomo, à qui l’on doit la géniale série Akira. Batman vu par regroupe onze artistes, des valeurs sûres comme Brian Bolland ou Matt Wagner mais également de jeunes iconoclastes comme Bill Sienkiewicz dont le Elektra : assassins s’est récemment fait remarquer par la violence de son style. Toutes les méthodes du noir et blanc sont abordées, du rotring à la trame en passant par la traditionnelle encre de chine. Les scénarios sont violents et cruels à souhait. Du grand art.
En France, les histoires de super-héros ont enfin acquis leurs lettres de noblesse. Le choix des traductions fait la différence – choix démontrant qu’au-delà de la production en série, le comics est désormais une véritable histoire d’auteur.
Nicolas Vey
– Arkham Asylum, de Dave McKean et Grant Morrisson, Editions Comics USA.
– Dark Knight, de Frank Miller (4 Vol), Editions Zenda.
– Noel de Lobo et Jugement à Gotham, de Simon Bisley, Editions Comics USA.
– Batman : souriez, de Brian Bolland, Editions Comics USA.