Retour sur la 51è édition du festival, où cette année encore la programmation a fait plus d’un sceptiques, mais aussi de nombreux admirateurs.
Les deux événements majeurs de ce festival sont sans conteste possible, la création du nouveau texte d’Olivier Py (cf. photo) dans la cour d’honneur du Palais des Papes, et l’accueil de troupes parmi les plus représentatives du théâtre russe contemporain : Vassiliev, l’atelier Fomenko, les jeunes Jenovatch et Popovski, ainsi que le populaire Fokine. Il ne manquait que le théâtre Maly de Saint-Pétersbourg (dirigé par Lev Dodine), pour que la fête soit parfaite. Cette programmation « classique » a été enrichie par la présence de metteurs en scène lituaniens (Ginkas, qui travaille à Moscou, et Oskaras Korsunovas de Vilnius) et géorgiens (le féerique spectacle de marionnettes de Rezo Gabriadze).
« Le Verger », organisé par Anne Laurent, rencontre quotidienne incontournable de ce festival, a permis au public de Py de présenter son cahier des charges. On y a retrouvé les réactions déjà entendues lors de la première, a savoir les longueurs, les violences inutiles et le texte prétentieux. Mais de nombreuses interventions ont aussi fait valoir le bonheur qu’ils avaient ressenti pendant la représentation. Un sage s’est souvenu que les spectacles qui restent ne sont pas ceux qui se donnent facilement : on oublie que le Soulier de satin de Claudel, donné par Vitez en 1987 n’a pas fait l’unanimité… C’est aujourd’hui la référence du genre.
Olivier Py a rappelé, à juste titre, que la mythologie grecque est pleine de monstruosités diverses, qu’Orphée lui-même est mort déchiqueté. Le Cabaret des Horreurs, lorsque Lavinia feint de vendre un jeune homme aux enchères par morceaux n’est pas pire que les J.T. de 20 heures. Ce qui choque le public, c’est la résonance dans le vraisemblable de cette parodie.
La présence des Russes a permis de donner une dimension européenne fort bienvenue à ce festival qui ne doit pas craindre, à l’avenir, d’associer plus facilement les créations des pays à l’Est de Berlin. On attend avec impatience le théâtre d’ex-Yougoslavie ou d’Ukraine ! Les prises de position des metteurs en scène russes, lors des diverses rencontres, sont allées dans le sens de la complémentarité heureuse des deux cultures, qui se répondent et s’enrichissent.
Les déclarations du directeur du festival, Bernard Faivre d’Arcier, dont le mandat a été prolongé jusqu’en 2000, vont dans ce sens. On ne peut que s’en réjouir.
Depuis de nombreuses années, il est récurent et de bon ton de critiquer l’absence d’âme de la grand’messe du théâtre français. On n’en finit pas de regretter Vilar, sans forcément savoir pourquoi. Le festival d’Avignon souffre d’être un peu fourre-tout, avec les programmations « in », « off » et les incontournables troupes intempestives. Distributions de tracs et harangues transforment la douillette cité des Papes en un boulevard du Crime sur Rhône. Nous pensons que c’est tant mieux. Le théâtre ne doit surtout pas être sage. C’est dans cette animation spontanée et bariolée que ces trois semaines et quelques jours de spectacles prennent leur dimension. Madame le Maire a vraisemblablement tort de souhaiter débarrasser la ville de cette « chienlit » joyeuse : c’est elle qui donne son âme à ce festival, dans un complément nécessaire à la programmation officielle.
Philippe Gilbert