Qui est Garri Bardine ? Sans hésiter, un des plus grands cinéastes d’animation*. Relativement peu connu en France, le réalisateur russe exerce pourtant depuis plus d’une vingtaine d’années. Il a remporté plusieurs prix, dont celui du festival d’Annecy en 1995 pour son film Le Chat botté. A l’occasion de la sortie de son dernier court métrage, La Nounou, présentation du grand maître de l’ »image par image »…
Acteur de formation, qui a notamment exercé au sein de La Troupe du théâtre dramatique de Moscou, puis par la suite metteur en scène de spectacles pour marionnettes, Bardine a trouvé ses marques de réalisateur durant sa jeunesse. C’est en fait son attrait pour la sculpture et pour le mouvement des corps dans l’espace qui l’ont ensuite amené à associer le travail de la matière à celui de la chorégraphie. En 1975, à l’âge de 34 ans, il trouve enfin sa véritable voie en intégrant les studios russes de la Soyouzmoultfilm… Garri Bardine se plonge alors dans la réalisation pour produire quinze courts métrages animés en une quinzaine d’années. Il explore tout d’abord le dessin animé pour ensuite expérimenter plusieurs autres techniques d’animation, et c’est avec les volumes qu’il trouvera sa véritable renommée cinématographique… Très tôt, ses films commencent à être appréciés : Conte pour la route (81), Autrefois nous étions des oiseaux (82), Conflit (83), mais c’est en 1991 qu’il se fait réellement connaître avec son premier film véritablement abouti : Le Loup gris et le petit chaperon rouge. Véritable succès, ce moyen métrage permettra à Garri Bardine de fonder son propre studio en 1991 : Stayer Studios.
Depuis, le réalisateur est plus libre, et son incorrigible habitude de remanier des contes classiques pour en faire de délicieuses métaphores politiques s’est émancipée. Passionnant : le double niveau de lecture de ses histoires est assez puissant pour à la fois combler enfants et adultes. De la modeste et inoffensive petite fable à la violente satyre sociale, tout le monde y trouve son compte… Lorsqu’il reprend l’histoire du petit chaperon rouge, par exemple, Bardine se permet une violente critique du modèle communiste. Son adaptation du Chat Botté raconte l’histoire d’un jeune Russe s’initiant aux vices du capitalisme ; tout en nous donnant une image peu reluisante de son pays, le réalisateur en profite aussi pour s’attaquer à la France et aux Etats-Unis… Ce dernier film lui valut d’ailleurs beaucoup de critiques négatives en Russie…
Mais si chacun y trouve un plaisir différent, en rapport à sa propre interprétation, les courts métrages de Garri Bardine sont aussi appréciés par tous grâce à leur qualité visuelle. Véritable plasticien et animateur hors pair, le réalisateur produit pour chaque film des compositions de volumes à en faire rougir Nick Park. Chaque marionnette fabriquée à la main, chaque parcelle de décors travaillée des heures durant, chaque mouvement de personnage décomposé encore et encore… Toute une série d’importants détails auxquels il s’attache afin de nous offrir autant de plaisir visuel, d’harmonie, de fluidité… Certains trouveront ridicule, à l’heure du numérique, de continuer à s’acharner sur de l’image par image, alors qu’il serait bien plus simple d’animer ces personnages en 3D. Mais la magie d’un travail manuel aussi méticuleux et acharné a-t-elle encore été égalée par les techniques d’animation virtuelles… ?
La Nounou, dernier court métrage du réalisateur, ne dure que 25 minutes. Cependant, il est accompagné d’autres petits courts métrages d’animation russes. Un film bref mais hautement recommandable puisqu’il constitue le seul et unique programme pour enfants intéressant actuellement à l’affiche.
* Parmi lesquels nous pouvons aussi compter : Jan Swankmajer, Norman Mc Laren, Paul Driessen, Nick Park, Oscar Fishinger ou encore les fascinants frères Quays (sur lesquels Chronic’art se penchera d’ici quelques semaines, à l’occasion d’une rétrospective)…