On est d’abord surpris par l’espace. Non pas qu’ArtBrussels s’étende indéfiniment, non ; ce serait même plutôt le contraire. On constate très rapidement que le lieu a quelque chose d’intime bien qu’il accueille 120 galeries de 17 pays différents : l’espace semble bien distribué, tout simplement. Et c’est dans les meilleures conditions que le visiteur peut évoluer dans la foire.
ArtBrussels se consacre essentiellement à la jeune création ; la foire ne s’est ouverte à l’art contemporain que depuis peu d’années, se consacrant jusque-là à l’art actuel seul. Si les jeunes artistes intéressent la foire bruxelloise, les jeunes galeries aussi. Un espace se trouve ainsi réservé aux galeries de plus d’un an d’existence et de moins de cinq : la zone « Young Galleries ».
Parmi toute cette diversité et toutes ces découvertes, citons quelques pièces, à commencer par une série d’œuvres de grand format de Giovanni Manfredini, Tentativo di esistenza, corps évanescents émergeant de la sombre profondeur du fond, à la galerie italienne Otto Arte Contemporanea et no Code. Le hasard faisant bien les choses, c’est une autre galerie italienne –Lipanjepuntin Artecontemporanea– qui retient notre attention avec un travail photographique de Gligorov, présentant trois figures mythiques du show-business qui doivent certainement en partie cette aura à leur mort précoce et tragique : Marylin Monroe, James Dean et Jimi Hendrix. Les photographies de Gligorov les montrent vieux, ridés, bouffis par les excès, alors que l’on devine, sous cette vieillesse, la photo de leur jeunesse publiée maintes et maintes fois, devenue icône et qui sert, ici, de point de départ à ce travail de vieillissement, donc de désacralisation, sacrilège… Continuons avec un artiste italien, Giusto Pilan, exposé cette fois dans une galerie bruxelloise -Fred Lanzenberg. Ses Traces de corps et ses natures mortes sont le résultat d’un travail de la matière, mélange de peinture à l’huile, de cire, de terre, de pigments qui donne à l’ensemble des œuvres des airs de vestiges de l’art antique ; l’artiste joue de la disparition du motif, de sa mutilation, d’une apparence d’usure de la matière picturale. Enfin, revenons complètement à Bruxelles avec la galerie Pierre Hallet, présente l’automne dernier à la foire Art Paris et que l’on retrouve ici avec plaisir. On peut ainsi constater que l’artiste Petrus De Man abandonne pour un temps ces petits hommes à leur malheur pour se tourner vers le bestiaire : chouettes aux grands yeux, chiens qui urinent sous l’œil bienveillant de leur maître ou mouches profondément déprimées.
Ce choix restreint d’œuvres et d’artistes ne peut donner qu’un aperçu très partiel (et partial) d’ArtBrussels. Il doit être complété par quelques noms bien connus du public, piochés dans les galeries ; car la foire bruxelloise attire aussi pour ces valeurs sûres. Ainsi dans un désordre certain, citons : Christian Boltanski, Tony Cragg, Gilbert & George, Combas, Douglas Gordon, Germaine Richier, Djamel Tatah ou François Morellet. A ceux-là viennent s’ajouter des artistes définitivement entrés dans l’Histoire, tels que Warhol, César, Klein ou, bien sûr, les artistes de Cobra dont une partie est bruxelloise comme Pierre Alechinsky, à l’honneur cette année. Si certaines galeries abondent en artistes et œuvres vus, revus, connus et reconnus -notamment la galerie Guy Pieters qui expose de nombreux nouveaux réalistes-, la cohabitation entre découvertes et retrouvailles, dans l’ensemble de la foire, fonctionne parfaitement. Enfin, si ArtBrussels prend soin des collectionneurs de chaque galerie -un important dispositif pour les recevoir est mis en place-, les organisateurs n’oublient pas les néophytes qui s’aventurent dans cette foire d’art actuel et contemporain en proposant chaque jour des visites guidées par des historiens de l’art. Des conditions de visite excellentes, donc.
La foire d’art contemporain ArtBrussels 2000 s’est déroulée du 31 mars au 4 avril 2000