En concert ce mardi 8 juin 2010 (« Filmer la musique » – au Point Ephémère à Paris), il aura fallu près de dix ans pour que la musique d’Ariel Pink sorte de sa niche underground et s’épanouisse dans les largeurs confortables du label 4AD. Enregistré avec son groupe Haunted Graffiti dans le studio du petit-fils de Quincy Jones, l’album « Before today » marque une étape essentielle dans le parcours de ce popsinger excentrique, passé de l’autre côté du miroir. Interview.
Chronic’art : Haunted Graffiti semble être pour la première fois un groupe à part entière. Pourquoi as-tu procédé à autant de remaniements successifs ?
Je pense que j’ai juste mûri. Il y a eu une quantité de musiciens différents qui sont passés dans ce groupe à différentes périodes. J’étais très exigeant avec eux, ils ne s’attendaient pas à ce que je leur colle autant la pression. Des types comme Gary War ou John Maus sont très talentueux, mais ils n’étaient pas foutu de mettre leur ego de côté quand ils jouaient avec moi. A un moment donné, il a fallu que je vire tout le monde et que je reparte à zéro. J’ai essayé de réunir des musiciens par la suite, mais à chaque fois, je les terrorisais, ils me prenaient pour un maniaque. J’ai tout de même fini par constituer un line-up plus stable avec des musiciens sérieux. On a fait énormément de répétitions, on s’est fixé beaucoup de directives pour pouvoir être au point sur scène. Il y a eu quelques modifications depuis, mais c’est le gros du groupe avec lequel je joue depuis un an et demi. Il y a Tim Koh à la basse, je le connais depuis longtemps, il jouait de la guitare sur les premières tournées. Pendant les deux années où l’on a joué ensemble, il planchait sans que je le sache sur des lignes de basse pour chacun de mes morceaux, il s’est donc imposé de lui-même. Il est le seul qui connaisse vraiment bien mes chansons et son jeu est très fidèle aux enregistrements. Il y a aussi Kenny Gilmore aux synthés et à la guitare. Je l’ai rencontré par l’intermédiaire de MySpace et d’amis communs qui m’avaient dit qu’il était fan de ma musique. Quand il a rejoint le groupe, il n’avait que 17 ans, il n’arrivait pas croire à ce qui lui arrivait. Sa présence est devenue essentielle, c’est comme s’il était mon disque dur. Il y a aussi un nouveau batteur, Aaron Sperske, qui faisait partie auparavant du groupe Holy Shit. Nous étions de vieux potes et on a vraiment du bol de l’avoir. On s’est débarrassé du guitariste qui fait désormais partie de Nite Jewel et qui jouait dans mon groupe en dilettante. Il a été remplacé par Joe Kennedy, un guitariste incroyable, l’un des plus réputés de L.A. Il a joué avec Missy Elliott, Macy Grey… Il est un peu comme un MC, il supervise les arrangements, il donne la tonalité musicale de l’ensemble. J’ai vraiment de la chance, je m’oblige à faire preuve de beaucoup de responsabilité, je m’efforce d’être le leader du groupe, de garder tout le monde soudé. Ca change des idiots qui m’accompagnaient jusqu’à présent.
C’est le groupe de tes rêves en quelque sorte ?
C’est exactement ce que je leur ai dit : « Les gars, vous devez être le groupe de mes rêves ». Quel que soit leur avis sur ce qu’ils sont en train de jouer, même s’ils sont en train de se dire : « Mais qu’est-ce que c’est que cette merde ? », ils doivent se fier à mes directives. Il leur a fallu un temps d’adaptation, mais maintenant ils ont compris comment je fonctionnais, ils parviennent à lire dans mes pensées.
Tu as souvent mentionné R Stevie Moore comme l’un de tes mentors. C’est incompréhensible qu’il n’ait jamais eu de succès, alors que c’est un songwriter de génie… (R Stevie Moore est un incroyable musicien outsider qui a enregistré une quantité phénoménale de disques auto-produits et de cassettes depuis le début des années 1970, ndlr).
Oui, il a toujours eu le sentiment qu’il ferait un jour partie d’un groupe hip, que le succès allait arriver tôt ou tard. C’est un vrai dilemme de savoir si l’on doit ou non sortir un disque, cela peut être un parti-pris très personnel, mais cela peut prendre aussi une toute autre forme. Quand « The Doldrums » est sorti sur Paw Tracks, c’est moi qui ai pris la décision de sortir le disque tel quel, à l’état brut. Maintenant que quatre ans ont passé, je me dis que je jouerais probablement bien mieux les morceaux. Mais a ce moment là, j’étais tellement désespéré, anxieux, en mal de reconnaissance et impatient de sortir un disque que j’étais heureux que le disque sorte en l’état, aussi foireux et imparfait qu’il soit. Je suis devenu alors connu pour cela, pour mon côté loser complètement branque. Je n’avais pas l’impression d’être aussi merdique, ça m’allait très bien à l’époque. Je composais tout de bout en bout en quelques prises. Je n’avais pas de studio, je n’avais pas les moyens de me payer des musiciens. A défaut d’avoir un véritable groupe, je jouais tous les instruments comme je pouvais, avec mes capacités limitées, j’enregistrais tout à la va vite sur un huit pistes dans ma chambre, passablement défoncé. J’avais une idée, hop, je me levais dans la nuit, je jouais une ligne de guitare ou une ligne de basse, allez hop c’est bon. J’étais obligé de jouer moi-même la batterie en sourdine dans ma chambre, alors que je suis un très mauvais batteur. Je n’avais même pas de micro, je chantais dans le casque. Dans l’idéal, j’aurais voulu que tout soit joué parfaitement mais je n’avais pas le choix. J’étais juste merdique, merdique, merdique. Ce côté merdique a mené à quelque chose d’unique, mais c’est parce que ça me convenait par défaut, je l’assumais complètement. Je ne me disais pas, merde, je suis vraiment nul, je ne sais pas jouer de guitare, je dois passer à autre chose dans la vie. Je m’obstinais car j’avais tout ces morceaux en tête que je cherchais désespérément à faire entendre. C’était plus comme une démo que comme un véritable album. Une fois que le disque est sorti, qu’il s’est vendu rapidement et que j’ai eu un semblant de reconnaissance, je m’en suis mordu les doigts. Je me suis dit que je n’aurais pas du faire entendre au monde entier un truc aussi merdique. Je voulais sortir un album plus abouti, même si j’ai conscience que c’était inspiré. J’ai tourné la page, je ne fonctionne plus comme ça maintenant. C’était un challenge pour moi, personne ne croyait que j’allais y arriver. Cela aurait du m’arriver plus tôt, mais c’est aussi parce que j’avais signé sur Paw Tracks et non sur un label digne de ce nom, respectueux de ses artistes. C’est dingue, j’ai fait trois albums pour eux et ils comptaient sur un quatrième, mais ils ne voulaient pas me donner d’avance pour le faire. Pourtant, mes disques se vendaient bien, j’avais de bonnes critiques, j’espérais que quelque chose se déclencherait grâce au label. A la place, je me suis mis à répéter sans cesse, à me perfectionner musicalement. Je me suis débarrassé de mon manager qui ne comprenait rien à rien. J’ai pris la décision de mener à bien mon album de A à Z. C’est la première fois que j’arrive à réaliser le disque que j’ai essayé de faire pendant des années. Il a fallu que je m’endurcisse et que je m’acharne à y croire, que je résiste à toutes les humiliations. Et puisqu’il fallait aussi que j’assume de jouer l’album live, il fallait que je puisse y prendre du plaisir, m’entourer d’un groupe qui apprécie ma musique, qui comprenne mes choix esthétiques et qui fasse preuve de rigueur.
Tes premières tournées étaient particulièrement bordéliques, au point où le public en venait parfois à se demander si tu ne sapais pas délibérément tes concerts, comme s’il s’agissait d’un genre de performance. Alors que de toute évidence, tu avais une idée très précise des morceaux que tu avais en tête mais que tu n’arrivais pas à reproduire avec un groupe.
La plupart des gens n’ont pas la moindre idée des composantes qui constituent un disque, un groupe ou même un concert. Les musiciens qui m’accompagnaient à ce moment là s’en balançaient complètement, ils faisaient ça par dessus la jambe. Ils n’étaient pas impliqués et détestaient que je les dirige, ils étaient tellement j’m’en-foutistes qu’ils pouvaient me planter au beau milieu d’un concert sans crier gare. Mais ce n’est pas plus mal, je me suis débarrassé de ces abrutis. Je n’ai pas arrêté de jouer depuis et je me suis perfectionné. Il m’a juste fallu du temps pour me rôder, ma musique n’était pas conçue au départ pour être jouée live, je n’étais préoccupé que par les enregistrements, ça ne me paraissait pas naturel jusqu’à présent de faire des concerts.
Tu te sens plus à l’aise en concert maintenant ?
Oui, j’adore ça, j’adore ça ! Tout me paraît beaucoup plus fun maintenant…
Quelle distinction fais-tu entre tes disques solo et Haunted Graffiti ?
Haunted Graffiti, c’est moi et le groupe que j’avais en tête, ce n’est plus moi tout seul dans ma chambre avec mon 8 pistes.
Sur tes premiers disques, tu faisais tout tout seul, tu jouais tous les instruments, mais c’était par dépit et non par choix, si j’ai bien compris. Désormais, tu n’as plus besoin de faire semblant d’avoir un groupe.
Oui, exactement. J’ai enfin réussi à mettre en place un groupe homogène, ce n’est plus comme si je faisais une énième démo. J’arrive à donner des directives de plus en plus précises aux musiciens, je n’ai plus à m’énerver pour un rien, à ronchonner tout seul dans mon coin, à m’astreindre à jouer des instruments que d’autres savent jouer bien mieux que moi. C’est génial d’avoir reçu autant de soutien, j’ai eu la chance de trouver les bonnes personnes, c’est enfin la combinaison idéale. Les tentatives foireuses sont derrière moi. J’ai requis de très hauts critères d’exigence pour jouer dans mon groupe, les auditions étaient intimidantes, ce qui s’est révélé être une bonne chose. Placer la barre aussi haut oblige les musiciens à donner le meilleur d’eux-mêmes, cela va probablement nous permettre de sortir des disques plus facilement par la suite.
Un cap semble être franchi depuis que tu as signé sur 4AD…
Oui, c’est une opportunité incroyable. Le timing était parfait, nous venions tout juste d’enregistrer des démos en studio qui ont retenu l’attention du label. Nous sommes passés par de longues et laborieuses négociations par la suite. De toute évidence, le boss de 4AD mise sur nous, il pense que l’on peut toucher un public plus large. On sera fixé sur ces spéculations dès que le disque sortira.
Parlons justement de cet album. Le titre, « Before today », se réfère explicitement au passé… Je suis curieux de savoir ce que tu signifies par là.
J’ai toujours pensé que ta musique pouvait être écoutée autant comme de la pop au premier degré que comme un commentaire sur la pop, la manière dont elle circule dans l’inconscient et revient à la mémoire par bribes désordonnées, toutes époques et tout genre confondues, comme dans un rêve bizarroïde. Ta musique était au départ très fragmentée, plutôt bordélique, elle était très avant-gardiste tout en réveillant un fantasme pop à la fois enfantin et vicié. Sur Before today, tout semble s’agencer d’une manière plus limpide, tes chansons ont pris de l’ampleur tout en conservant cette part d’humour et d’étrangeté baroque, ta façon de chanter en falsetto…
Cette confusion entre les genres et les époques, ce côté low-fi, c’est ce que tout le monde fait aujourd’hui, c’est devenu très tendance, c’était le moment pour moi de passer à autre chose pour ne pas tomber dans la complaisance et la facilité. Même si cela peut paraître kitsch ou retro, j’ai voulu que le disque soit plus distancié, moins sérieux, et qu’il bénéficie pour la première fois d’une production clean. J’ai évacué l’aspect confus, maladroit et exagérément émotionnel dans lequel j’étais malgré moi enfermé, je me suis libéré de ce pathos encombrant que je n’assumais plus, même si c’est ce que les gens appréciaient dans ma musique. Je ne suis plus la même personne qu’il y a quelques années.
Qu’est-ce qui a le plus changé chez toi ?
Je n’ai plus en tête cette narration en filigrane de l’histoire de la musique, cet aspect là est en train de s’estomper. C’est en évolution constante, mais sur des choses infimes. Je gomme certains aspects pour me focaliser sur d’autres.
Te sens-tu toujours autant hanté par les fantômes de l’enfance, du passé ?
Plus vraiment, même si certaines réminiscences restent présentes, je suis passé à autre chose. Je pense que les gens ont tendance à rester trop attachés aux fantômes de leur enfance. En étant moins confinée à ma vie intime, ma musique a pris une autre tournure, elle correspond pour la première fois à l’idée que je m’en faisais.
Comme le titre et la pochette l’indiquent, Before today fait toujours appel à une mémoire un peu floue et impalpable du passé. On pense à la fois à Roxy Music, à Can, à David Bowie, aux Beach Boys, à Prince, à Sensation’s Fix, à d’obscurs groupes prog ou new wave… sans que ça ne ressemble à rien de tout cela. En même temps, il ne s’agit pas d’une musique revivaliste, elle n’aurait jamais pu être conçue dans le passé puisqu’elle cumule plusieurs strates temporelles, grosso modo des années 1960 à 1980. D’une certaine manière, tu es le parrain de cette jeune scène que des journalistes ont étiqueté avec une terminologie un peu stupide : chillwave, hypnagogic pop, hantologie…
Oui, tout cela s’est passé à mon insu. Je ne sais pas pourquoi ni comment c’est arrivé, mais tout le monde s’est mis simultanément à mettre en équation des choses venues du passé. La plupart de ces jeunes groupes adoptent une posture toute-faite, cela reste très superficiel. Je suis persuadé que c’est un phénomène éphémère, la plupart de ces groupes profitent à l’heure actuelle de cette hype autour d’eux, mais ça ne va sans doute pas faire long feu. Ce que je fais est très différent. Sur mon dernier album, je suis le seul maître à bord, j’ai mis le doigt sur chaque note, sur la pochette… J’ai eu le contrôle artistique à 100%, pour le meilleur et pour le pire. C’était un challenge passionnant de tout piloter d’un bout à l’autre. Et pour une fois, je ne touche à aucun des instruments, le groupe joue pendant que je chante dans ma bulle. D’une manière étrange, ça me ressemble davantage.
Tu as conscience d’être déjà une référence pour beaucoup d’entre eux ?
Une référence, je ne sais pas, mais il m’arrive de percevoir mon empreinte musicale chez certains artistes plus jeunes que moi. Il y a tellement de groupes qui se ressemblent ces temps-ci. A une plus grande échelle, c’est ce qui s’est passé avec Animal Collective. Il y a encore dix ans, ils étaient totalement unique, alors que maintenant, leur esthétique imprègne toute la culture populaire. Ils sont passés dans l’inconscient collectif sans même qu’on s’en aperçoive, ils ont déjà laissé une marque.
As-tu le sentiment d’appartenir à la génération Internet ?
Oui, j’en fais partie, c’est certain.
Tu fais en quelque sorte le pont entre deux générations : celle des trentenaires qui ont vécu à travers leur enfance les dernières traces musicales des années 70-80 et les post-ados qui sont nés avec internet, qui a construit toute leur culture et leur identité.
Exactement. Comparé aux musiciens plus jeunes que moi, j’ai eu l’avantage de prendre conscience très très jeune que j’étais le témoin des dernières traces d’une époque et j’ai tout emmagasiné dans ma tête depuis ce moment là. Contrairement aux musiciens qui se référent constamment au passé, je cherchais surtout à faire renaître ces impressions diffuses que j’avais ressenti dans mon enfance, qui me paraissaient plus importantes encore que la musique en elle-même. Pour moi, c’était comme une mission, car personne n’avait encore restitué cette sensation en terme musical. Je me rappelle encore à quel point j’étais excité quand les Strokes ont débarqué en 1999, je me suis dit « Oh my God ! ». Je ne savais rien sur eux, je n’étais pas tant que ça à fond sur leur musique, c’était surtout lié au fait que les guitares reviennent au premier plan. Et puis, les White Stripes sont arrivés juste après. Tout cela se passait au même moment et j’avais l’impression d’un coup qu’on me volait ce que j’avais de plus intime et de plus précieux. Jusqu’à ce moment là, j’avais l’impression que personne d’autre que moi ne connaissait des groupes comme le Velvet Underground, j’avais le sentiment que j’étais le seul à connaître cette musique, comme si je l’avais moi-même inventé! Bien entendu, j’étais juste jeune et idiot.
Jusque dans la production, Before today renoue avec un certain panache glam, un âge d’or pop et expérimental des années 1970…
Ce n’est pas un truc de barge de bloquer sur le passé, les groupes des sixties méritent une seconde vie, ils ne sont pas voués à être abandonnés au bord de la route. Je ne pense pas qu’il y aura un revival nineties, tout s’est joué entre les années 1960 et 1980, pour toujours.
Cette manière de cumuler plusieurs époques simultanées en dehors de toute linéarité chronologique est un phénomène récent qui a affecté l’évolution de la musique. C’est à la fois déboussolant et passionnant, personne n’a l’air de trop savoir où il va…
Oui, cela a créé un nouveau champ d’exploration pour les artistes, comme Animal Collective. Subitement, même s’ils faisaient une musique très différente de celle des groupes qu’on pouvait voir sur MTV, ils étaient parmi les premiers à devenir célèbres grâce à Internet, sans passer par l’industrie musicale. Le monde du show-biz et de l’industrie musicale est en plein déclin, cela va être remplacé par toutes sortes d’autres choses. D’ici six ou sept ans, les disques seront considérés comme des reliques d’un autre âge, ils ne feront plus partie de la culture, tout sera dématérialisé. Aujourd’hui, tout le monde reçoit des quantités énormes d’informations nez à nez avec un écran. Enregistrer un album sera bientôt un concept obsolète, cela ne signifiera plus rien d’ici peu. C’est très curieux d’être le témoin d’une telle mutation. La musique va sans doute se diriger de plus en plus vers les performances live et l’interaction sociale, les enregistrements sur un support concret pourraient bien être les vestiges d’une brève période de l’histoire de la musique. C’est la première fois qu’on cumule ainsi plusieurs périodes simultanées, comme si on arrivait à capturer des moments distincts dans le temps. Parvenir à condenser toute l’histoire de la musique dans une pop-song de trois minutes, c’est un phénomène incroyable, d’une puissance inouïe! C’est comme si 400 ans d’avancées musicales corroboraient avec la fin des règles de compositions classiques.
En terme scientifique, on s’est aperçu que le temps qui se déroule de manière linéaire est une illusion, c’est une notion propre à la conscience humaine…
<>Là on parle carrément de nouvelle religion ! (rires) C’est étrange la manière dont on cherche à toucher l’éternité. Personne n’arrive à se représenter sa propre mort, on préfère ne pas s’en préoccuper plutôt que d’en avoir peur. Mais la crainte principale, c’est de ne pas laisser de souvenirs, de ne pas laisser de traces de sa propre existence. De penser qu’on puisse être oublié comme si l’on n’était jamais né. On cherche à survivre à travers son œuvre, à se perpétuer à travers les générations, à accéder à une forme virtuelle d’éternité à travers nos successeurs.
Une chanson de l’album s’appelle Menopause man, qui évoque clairement le trouble de l’identité sexuelle, l’avènement de l’humain transgenre…
Je ne suis pas du type macho, je ne me suis jamais senti plus particulièrement homme que femme. Cela peut paraître misogyne, mais je pense que les hommes sont en voie d’extinction. Quand on y pense, il suffirait d’un seul homme pour inséminer toutes les femmes de la planète. Les femmes sont les seules personnes qui peuvent encore donner une chance au futur, elles pourraient très bien se passer de nous.
Ta compagne fait aussi de la musique sous le nom Geneva Jacuzzi, elle sort un album auto-produit en même temps que le tien…
Oui, je la vois vivre exactement la même chose que moi il y a quelques années, elle est aussi coriace et déterminée. C’est une artiste de studio, elle n’est pas encore faite pour jouer live. Elle n’a pas de distributeur, pas de manager. Elle ne veut faire aucun compromis, aucun sacrifice pour son art. Elle s’est mise en tête de fabriquer son propre Crystal Palace.
Propos recueillis par
Ariel Pink est en concert à 20h00 au Point Ephémère (Quai de Valmy – Paris 10e) le mardi 8 juin 2010 (dans le cadre de festival « Filmer la Musique »).
A propos d’Ariel Pink, lire Chronic’art #66, en kiosque.
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