Exerçant aussi sous le pseudo de Michiko Kusaki, Anne Laplantine sort sur Gooom Disques un premier album, sous son véritable nom. Derrière ses allures d’electro froide et minimaliste, Nordheim renferme des richesses mélodiques uniques et soignées. Rencontre, le premier jour du printemps…
Anne Laplantine : Surtout ne me prévenez pas quand vous commencerez l’enregistrement.
Chronic’art : D’accord (le dictaphone tourne depuis au moins 5 minutes…). Le disque de Michiko Kusaki était sorti en France ou pas ?
Non, il n’est pas sorti en France, mais on peut le trouver à Wave. Je l’ai fait sur un label autrichien : Angelika Koehlermann. Il est distribué aux Etats-Unis, au Japon et dans de nombreux pays d’Europe, mais pas en France, je ne sais pas pourquoi…
Il y a beaucoup de différence avec Nordheim ?
Pour moi, oui, mais je ne sais pas s’il y en a réellement.
En gros, il y a des différences entre Anne Laplantine et Michiko Kusaki ?
Oui, je pense. En principe je devrais sortir un autre album sous le nom de Michiko Kusaki à Chicago, sur un petit label qui débute. Peut-être que je ne ferai plus de disques sous le nom d’Anne Laplantine d’ailleurs. J’ai envie de publier des albums un peu partout dans le monde, comme ça.
Et pourquoi celui-ci sort-il sous le nom d’Anne Laplantine et pas de Michiko Kusaki ou un autre ?
Ca s’est fait comme ça, je ne sais pas trop. Je pense qu’ici, en France, je ne peux pas échapper à mon nom. C’est une question de sincérité, enfin… de sincérité, c’est toujours une blague aussi. Au début, je voulais utiliser mon vrai nom en Autriche et sa traduction en autrichien en France. Finalement, ça ne s’est pas produit. Et Jean-Philippe (fondateur de Gooom Disques, le label d’Anne Laplantine, ndlr) aimait bien mon nom, il pensait qu’il fallait absolument le garder. Je n’avais pas tellement envie d’y réfléchir. J’hésitais à changer de nom à chaque fois, parce que c’est pas mal de ne pas être repérée, de ne pas être reconnue selon les lieux. Un peu comme lorsqu’on passe dans une pièce verte et qu’on est vert. C’est cette image que j’avais.
Qu’est-ce que tu écoutes en ce moment ?
J’écoute beaucoup de choses qui n’ont rien à voir avec ma musique, en fait. J’écoute Nobukazu Takemura, un Japonais qui a sorti un album appelé Scope. J’écoute pas mal de trucs autrichiens, dans le genre de Fennesz. J’aime bien ce que fait Potuznik également. Jean-Louis Murat, c’est pas mal aussi. Ah, mais qu’est ce que je raconte… Maintenant, ça va être répété et amplifié… Sinon je me sens très très proche de Merzbow, trop proche, je n’arrive pas à me détacher de son travail. C’est mon problème, je n’ai pas de distance, ça me déprime, ça me coupe mon inspiration.
Comment t’es-tu retrouvée en Autriche au fait ?
J’y suis allée pour enregistrer mon premier album, avec mon 4-pistes. J’aime bien voir physiquement les gens avec qui je travaille. En même temps, c’est marrant, parce que là, je fais un disque avec les gens de Chicago et on ne communique que par e-mails. Ils ne savent même pas que Michiko Kusaki n’est pas japonaise et je vais les laisser croire ça jusqu’à la fin de leur vie.
Tu fais l’album dans l’optique qu’il sorte à Chicago ou ça n’a pas d’influence ?
En fait, je n’y ai pas vraiment réfléchi. Je leur ai envoyé une trentaine de morceaux et ils ont choisi ceux qui les intéressaient. Ils m’ont renvoyé une liste.
Tu ne composes jamais avec l’intention de sortir un album ?
Non. J’ai enregistré un album récemment, dans le but de tuer Michiko Kusaki. C’était très différent de mon travail habituel, avec beaucoup de samples notamment. A la fin, il y a un morceau plus classique, où on me reconnaît… Je n’ai pas l’intention de le sortir, c’était pour faire une blague à Gerhard Potuznik. Je le lui ai envoyé anonymement. C’est son album personnel.
D’habitude, tu composes et tu laisses les gens choisir ?
Oui, enfin, ça dépend. J’aime bien laisser les gens choisir, si leur approche me plaît. Avec Gooom Disques, ça ne s’est pas passé comme ça, car je n’aimais pas forcément leur approche des choses. Finalement, je me suis un peu laissé faire, et l’album qui sort est assez loin des propositions que je leur avais faites au départ. Enfin, bon, c’est compliqué tout ça…
Avec quel type de matériel travailles-tu ?
Ca ne fait pas longtemps que j’ai un ordinateur. Avant, j’utilisais surtout mon 4-pistes. J’aime bien les enregistrements sur cassette. Aujourd’hui, j’utilise un 4-pistes numérique, ou j’enregistre directement sur l’ordinateur. J’aimerais bien travailler en Midi, mais je ne sais pas vraiment ce que ça veut dire et je n’y arrive pas, je ne comprends pas. Ca m’intéresse, bien que le le format Wav est lourd, et mon ordinateur souffre en ce moment (rires). Je suis amoureuse de lui.
C’est étonnant, mais sur ton album, il y a une relation assez bizarre avec des sonorités dépassées des années 80. Que voulais-tu en faire ?
En réalité, je ne sais pas tellement ce que je fais avec les citations des années 80. Effectivement, j’emprunte plein de choses à cette époque. Je crois que j’aime ces sons, que j’ai envie de les entendre. J’ai un rapport nostalgique à ça. J’aime bien les débuts de la musique électronique, parce que ça reste très simple, c’est plus clair. Aujourd’hui, c’est plus complexe, nous sommes un peu à l’âge adulte de la musique électronique. DMX Krew, quelqu’un que j’aime beaucoup, utilise aussi ce genre de sons, on a dû lui poser mille fois la question. Je ne sais pas ce qu’il a répondu, je pense que c’est ce qu’il a envie d’entendre.
Il est d’ailleurs l’album de remixes à venir. Qui y aura-t-il, à part lui ?
Il n’y aura pas Gustav Malher (une reprise jazzy de Malher passe dans le bar, ndlr). Il y aura Console, et puis… je me souviens même pas… Si, Sam & Valley, un excellent groupe japonais qui a sorti un album il y a à peu près deux ans, sur Rephlex. Ainsi que DMX Krew, Queen of Japan, Bodenstanding 2000, Christian Fennesz, peut-être Schlammpeitziger. Ce projet est l’idée de Gerhard Potuznik. Moi, je n’en éprouvais pas le besoin parce que faire des remixes ne m’intéresse pas plus que ça. Par contre, si l’album sort l’année prochaine, il sera tellement ringard qu’il sera peut-être intéressant.
As-tu déjà fait du live ?
Non, jamais. Je ne rejette pas l’idée d’en faire un jour, mais je ne vois pas comment développer ma musique, pour la faire passer en live. Mine de rien, c’est assez maîtrisé, alors il faudrait tout restructurer. Par contre, je mixe un peu. Ce que j’aime bien, c’est avoir un micro et dire des choses, passer de la musique que j’apprécie. Parfois, je passe mes morceaux et je chante simplement dessus.
Comment es-tu arrivée à enregistrer des disques ?
Je jouais du piano depuis longtemps, puis, en arrivant à Paris, je me suis mise à composer avec des machines. Un ami a envoyé des cassettes à plusieurs labels et j’ai signé sur ceux que je connaissais. En fait, je ne pensais pas sortir de disque, je croyais que les gens étaient contents d’entendre ce que je faisais dans un cadre plus restreint. Il faut qu’on vienne me chercher. Pour Chicago, ce sont eux qui m’ont contactée. J’aimerais bien sortir un disque sur un label plus connu, c’est bête à dire… peut-être pour avoir un vrai disque.
Propos recueillis par et
Lire notre critique de Nordheim de Anne Laplantine
Rephlex : http://www.rephlex.com/
Angelika Koehlermann : http://angelika.koehlermann.at/