Pas mal du tout ce Zathura, suite avouée de Jumanji, objet rétro pour grands enfants nostalgiques de leurs fantasmes d’aventuriers domestiques. Rétro, car si Jon Favreau vise sans sourciller un public junior, son film s’inscrit dans la droite lignée du divertissement des années 80, époque bénie d’un artisanat enthousiaste et innocent conciliant la déconne des gadgets et la psychologie du kid. On pense bien sûr à Spielberg, Hughes ou Zemeckis, mais surtout au générique d’En route pour l’aventure, Fort Boyard pour marmots sponsorisé par Banga, dont Zathura est l’exacte prolongement. Le cocon familial d’un gamin s’y transformait en jungle à la Indiana Jones, la moquette du couloir se noyait dans une eau amazonienne où rodaient les mâchoires béantes d’un crocodile.
Ici, c’est peu ou prou la même chose. Deux bambins s’ennuient à mourir dans la nouvelle maison de Papa et dénichent dans la cave un jeu de société auquel ils s’essaient par désoeuvrement. Au premier coup de dé, le pavillon de banlieue flotte dans un cosmos hostile. Partie live, donc : des cartes jaunies préviennent des défis, robots et Aliens se bousculent au portillon. A l’image du jeu, la mécanique a pris de l’âge mais n’a aucune raison de se gripper. D’autant que Favreau, cinéaste appliqué à qui l’on doit les solides Love & sex et Elfe, ne faillit pas. De sa manière ouvrière de ne jamais décoller du scénario, de tout sacrifier au rythme et aux personnages, émerge un pragmatisme rassurant qui assure le déroulé de chaque noeud dramatique sans l’ombre d’une hésitation.
Empathie certes, mais seulement avec le genre cinématographique : le film joue sans retenue avec le fantasme de la toy-house, mais la considère tout de même en colonne du temple du réalisme, en espace-temps dont le fonctionnement interne reste inchangé, systèmes déprimants (la cave, la grande sœur) comme systèmes douillets (l’opulence de victuailles du frigo, le moelleux des fauteuils). Ne pas se substituer aux enfants (qui jouent d’ailleurs comme des chaussettes, lapsus filmique ?), ni s’approprier leur délire, garder simplement la distance du conteur : telle est la force de Jon Favreau qui redouble d’intensité lorsqu’il puise ses séquences dans la routine du quotidien ou la jalousie réciproque des deux frères, qu’il exploite a maxima et en tire puissance comique, justesse dramatique et suspens huilé. Pas de doute, on tient là un petit maître.