Bizarre comme le world cinéma français fait dans la pédagogie à la carte. Alors que Tony Gatlif s’adresse aux rebelles des facs de lettres, Bourlem Guedjou vise l’école primaire et les parents d’élèves. Guerdjou, ce serait un peu la face vacancière de Mikael Haneke, un cinéma guidé par les mêmes convenances sociales, mais qui se construit sur un schéma délibérément accessible, entre ficelles hollywoodiennes, générosité militante et discrimination positive. Après le mélo-bidonville Vivre au paradis à l’âpreté historique molletonnée par un pompiérisme douceâtre, il s’attaque, avec Zaïna, cavalière de l’Atlas, au western magrébin doublé du conte de Shéhérazade. Pourquoi pas, d’autant que si elle fait la course aux kilomètres, l’aventure française, télé comme cinéma, reste confinée à des périmètres microscopiques (Ko-Lanta, Le Prince du Pacifique).
Dès l’écriture, tout est d’ailleurs prétexte à la chevauchée fantastique. A la mort de sa mère, Zaïna, fillette de servante, se retrouve entre les griffes d’un calife pas net, fou d’amour psychotique pour la défunte. Débarque alors le père, cavalier à fausse barbe qui l’y arrache in extremis, déclenchant la fureur du cheik méphistophélique. Paradoxalement, le picaresque qui s’ensuit cogne contre la trouille de la mise en scène à se frotter d’aussi près à l’aventure. D’où une ligne de fuite, de biais plutôt, à base d’enjeux narratifs démultipliés, que le film emprunte jusqu’à l’épuisement, réduit à ne dérouler qu’une série d’expositions sans suite. N’en ressort logiquement qu’une écume saumâtre de clichés : voix off qui doublonne l’image et l’affadie du même coup, psychologie de personnages taillés à la serpe, découpage figé, presque un story board en 3D.
Impression de non-film sacrément tenace qui entraîne dans le même temps l’indigestion, puisque le même échec se répète 1h40 durant. C’en est quasiment insoutenable, tant le dynamisme naturel du genre devance toujours le labeur de Guerjou et fait de l’ensemble une implacable mécanique à frustrer, retournant ses atouts vivifiants (paysages de l’Atlas, envoûtement naturel du conte oriental, lyrisme sec des courses de chevaux) en vignettes palotes. Pics de l’horreur : le moment où Guerdjou doit affronter le mouvement proprement dit après avoir grillé toutes formes de faux-semblants, séquences percluses de crampes et de rouille condamnant le moindre combat à pantomimes de grands enfants déguisés. La Palme revenant au pauvre Sami Bouajila, suant sous sa moumoute et empêtré par des dialogues ineptes, bon acteur écrabouillé par ce gros distributeur de reader’s digest en granit.