Besson est décidément un petit malin. Sa nouvelle botte secrète ? Produire de sombres nanars dont il écrit parfois le scénario et à côté desquelles ses propres films passent forcément pour des chefs-d’œuvre de finesse. Que ces produits pulvérisent le box-office (les Taxi) ou se plantent lamentablement (tous les autres), c’est secondaire : la thune, y en aura toujours. L’important finalement, c’est d’avoir sous le bras une écurie de clampins soumis à l’esprit Besson (musique qui pète, images qui flambent, dialogues qui se rétament) sans arriver à la cheville du gros gourou. Après les courses-poursuites phocéennes de Samy le péquenot, les chorégraphies honteuses de Mia rasta (The Dancer = The nanar du lot), et Clotilde Courau en perruque (l’atroce Exit d’Olivier Mégaton), voici Yamakasi ou les aventures d’un boys’ band spécialisé dans les acrobaties urbaines.
Le point de départ du film est authentique : sept gars des banlieues s’amusent depuis leur plus tendre enfance à escalader les immeubles et sauter de toit en toit, au péril de leur vie. Quelques journalistes se sont intéressés à eux avant que Luc ne se les accapare et leur chie une fiction bâclée. On imagine l’enthousiasme de ces jeunes plutôt sympathiques soudains promus acteurs et, cerise sur le gâteau, soutenus par le réalisateur de Léon. Plus dure sera la chute (même si ces types-là ont l’art de se réceptionner)… Car au lieu d’exploiter intelligemment l’incroyable agilité du groupe, Besson et ses sbires se contentent de l’inscrire au cœur d’un récit à deux balles qui pue la redite. A l’image de Taxi, il s’agit d’accomplir une mission en un laps de temps réduit (ici, trouver de l’argent pour que le petit Djamel, très malade, puisse recevoir un nouveau cœur !) avec, en toute logique, une horde de flics crétins aux trousses.
Transformés pour l’occasion en super-héros marxistes, les Yamakasi pillent les bourgeois afin de sauver un gosse de prolos immigrés. Très bien, mais les clichés fusent à une telle vitesse (du ministre au médecin, les riches sont d’ignobles crétins) que cette morale finit par perdre son parfum révolutionnaire au profit d’une enfilade de séquences craignos et incohérentes conçues pour satisfaire le spectateur ciblé. En l’occurrence, le banlieusard, vu comme une figure inamovible qui réagit forcément à tous les stimulus dont on l’abreuve : rap (la BO est signée Joey Starr et DJ Spank), képis trisomiques, humour pataud, cascades en pagaille… Au moins, avec Besson, on n’est jamais déçu du voyage. Comme au McDo, on sait d’avance ce qu’on va nous faire ingurgiter, même si la digestion s’avère souvent difficile.