On reprend : un mois à peine après la sortie de Night and day, suite de l’été HSS avec Woman on the Beach, réalisé un an auparavant. On la fera courte cette fois, parce que ce film n’est pas autre chose qu’un nouvel épisode de HSS 2, la deuxième partie du cinéma de Hong Sang-soo, dont l’oeuvre a pris un virage à partir de Conte de cinéma. On dit nouvel épisode comme si ce n’était pas grand-chose, mais Woman on the Beach n’est bien entendu pas à prendre à la légère : c’est une brillante variation cousue sur un dispositif archi-basique (un homme / deux femmes), qui fait de l’hésitation le pouls de son récit. Sa mise en scène est peut-être légèrement supérieur à celle de Night and day : plus serrée, plus tendue, plus précise, à la mesure de son lieu, un espace clos à ciel ouvert. Ses 127 minutes semblent plus denses que les 145 de Night and Day. Mais au fond il n’y a pas lieu de mettre les deux films en compétition, qui ne doivent leur voisinage qu’aux aléas de la distribution. Cette présentation en duo se rehausse toutefois de ce que les deux films sont plus ou moins délocalisés. Night and day est une escapade parisienne, Woman on the Beach se déroule quant à lui dans une station balnéaire déserte, un peu froide, durassienne. Jong-rae, un cinéaste connu, s’y rend pour achever le scénario de son prochain film, accompagné de son ami chef-décorateur, lui-même flanqué de sa petite amie, musicienne et admirateur secrète du réalisateur. Sans peine, on reconnaît en Jong-rae un avatar supplémentaire du personnage type de Hong : artiste, séducteur brutal, dragueur un peu veule, indécis, sympathique pas sa maladresse et son accablement. Sur la plage, Jong-rae finit par emballer la musicienne ; le lendemain, une autre fille surgit de nulle part et Jong-rae remet le couvert.
Deux scènes parmi d’autres :
1. Jong-rae, son ami et l’amie de son ami entrent au restaurant. Mécontent du service, Jong-rae quitte brutalement les lieux, non sans engueuler copieusement le serveur, mettant la honte à son ami, lequel se confond en excuses avant d’exiger celles de l’agresseur. Au-delà de l’exotisme éthologique, la science de Hong, imparable quand il s’agit de filmer la gêne, la tension, la description par l’exemple d’un caractère, d’une disposition : découpage, durée des plans, acteurs, tout est millimétré.
2. A l’hôtel, Jong-rae est au lit avec une fille, l’autre est à la porte de la chambre et hurle ; Jong-rae fait le mort. Lendemain matin : l’amante bafouée, qui d’épuisement a fini par s’endormir sur le paillasson, réalise que, peut-être, Jong-rae et l’autre fille l’ont enjambée dans son sommeil pour déguerpir – ultime outrage. Il y a une espère de sourde terreur dans les films de Hong, sous l’apparente futilité des carambolages amoureux. Cela surprend parfois, cette violence sèche des rapports, tandis que nous berce l’étrange plaisir que l’on prend à suivre cette petite comédie humaine.
On a beaucoup parlé de Hong cet été, alors pour conclure avant l’automne, on propose à qui voudrait découvrir la singularité grinçante de ce cinéma de considérer simplement ces deux scènes, exemplaires à tout point de vue.