Même s’il peut faire figure de clapotis au regard des déluges brillants d’Isolation et surtout de The Descent, Wilderness est d’abord la confirmation de tout le bien qu’il faut penser de cette récente nouvelle vague de films d’horreur britons. Une épouvante décomplexée et féroce dont il semble évident qu’elle est bien partie pour damer le pion à sa grande sœur américaine, elle-même volontaire mais un peu dans l’impasse. Le titre même du film de Michael J. Basset a d’ailleurs quelque chose d’un peu crâneur, chipant à l’imaginaire de l’horreur ricaine l’un de ces énoncés princeps, celui de son âge d’or en tout cas, celui des Delivrance ou La Colline a des yeux (eux-mêmes piquant la formule au western classique). Celui du survival, donc, modèle s’il en est que Wilderness exploite goulûment. Comme les Américains, mais pas tout à fait.
On l’a déjà dit : tandis que l’actuel cinéma d’horreur US, à quelques exceptions près (l’impressionnant Open water, le splendide et pertinent L’Armée des morts, le rigolo Devil’s rejects), s’abîme dans un maniérisme un peu vain, quelque chose s’invente, doucement, dans ces petits films venus du pays du cheddar et des Sex Pistols. La recette : sacrifier, certes, à l’obligation archéologique, le nez dans le bréviaire (dans tous ces films, et dans Wilderness plus qu’ailleurs, les citations abondent), mais en refusant le clonage, et en n’ayant pas peur de casser les jouets. En provoquant des collusions incongrues, surtout, dans un grand brassage joliment naïf. De ce point de vue, Wilderness s’avère gourmand, bricolant un centre dont la périphérie irait de Bully à Delivrance, de Blair Witch à Anthropophagous. Ca commence comme un teen horror movie, option Sa Majesté des mouches : une bande de délinquants juvéniles mâles est envoyée sur une île abandonnée pour apprendre, via les joies du camping, le b.a ba de la civilité. Mais la nouvelle horreur made in Albion aime trop les filles (petite musique que The Descent exploitait à tue-tête) pour laisser les lascars entre mecs : première surprise, donc, quand les bad boys découvrent sur place une joyeuse équipée de coreligionnaires du sexe opposé. Parfait matériau teen (se rappeler du poilant Ticks, qui partait d’un argument similaire), mais déjà charbonné par cette British touch qui faisait la réussite d’Isolation ou Severance. C’est l’atout principal du film, infiniment bancal par ailleurs : la formule du réalisme social pour ressourcer les canons du genre, la peinture de ses lads à l’accent cockney, petits cadors électriques qui sentent bon la lager et la baston crapoteuse au fond d’un pub.
La suite du film est facile à deviner : l’île en définitive n’est pas déserte du tout, et, en fait de sens civique, c’est la pulsion primale qui s’invite. S’amusant comme un petit fou, au risque de la maladresse, avec son matériau de survival, Wilderness en compile les fondamentaux avec un enthousiasme et une gourmandise toute frontale. Fait croire un temps au credo Massacre / La Colline, et puis non, c’est une autre piste qui s’installe. Pas passionnante, d’ailleurs, mais qu’importe, le film vaut pour d’autres raisons. Sa sauvagerie, d’abord, qui confirme que se cherche outre-Manche une sorte de voie médiane entre tradition américaine du gore grand-guignol et héritage transalpin craspec. On est loin des splendides concerts de substances de The Descent et Isolation, c’est plutôt l’option tripaille ici, mais, on l’a dit, le bouillon du réalisme social lie la sauce avec une efficacité indéniable. Qui aurait cru que le salut du film d’horreur passerait par Ken Loach ?