Johnny Cash, sa vie son oeuvre. On sait bien à quoi s’emploient de tels films qui, de Ray Charles à Tina Turner en passant par Les Doors et Jerry Lee Lewis, balaient toutes les figures de la musique américaine, une par une, comme on fait l’appel. Johnny Cash : présent. Sa vie son oeuvre. On sait bien à quoi s’emploient ces films, pas tant à glorifier des figures populaires qu’à en tracer une ligne de vie bornée par la ribambelle des leçons à tirer de leur parcours édifiant : la drogue c’est pas bien, ce qui ne te tue pas te rend plus fort, écoute ton cœur, reste fidèle à ton désir, just do it, quand la musique est bonne, etc. L’autre grande affaire du biopic, c’est la réincarnation, par des acteurs, de la figure biopiquée. Exercice gagnant à presque tous les coups, et ce compliment idéal : Oscar + » (l’acteur) est (le chanteur), on y croit, on ne fait même plus la différence ». Outre que c’est le degré zéro de l’interprétation, ce mimétisme remplit un vide par un creux, puisqu’il n’est question que d’occuper le terrain, prendre la place laissée vacante par la star biopiquée. Nulle plus-value de jeu, d’interprétation, juste une imitation. Cela ne veut pas dire que Joaquin Phoenix, dans la peau de Johnny Cash, est mauvais. Ni bon d’ailleurs. Il est Johnny Cash, pendant 2h17, c’est tout et ça n’avance à rien (et on peut bien dire cela car par ailleurs Joaquin Phoenix est un excellent comédien).
Par contre le film n’est guère passionnant, il déroule comme on dit en sport. Tout ici, la durée, la narration linéaire étalée, le genre lui-même, dit bien sur quels chemins balisés avance Walk the line : chemin qui passe par un trauma d’enfance (petit, Johnny n’est pas aimé par son père et voit son frère mourir accidentellement), un parcours ascension / traversée du désert / retour en grâce et sanctification, et deux grands axes, l’addiction à la drogue et son amour compliqué pour la chanteuse June Carter. Pas la moindre surprise, sinon que le film prête peu d’attention à la musique de Johnny Cash. L’intéresse davantage la psychologie de comptoir (le fantôme du frère mort), et le moment où Cash a trouvé son style, est devenu Cash, est expédié comme une péripétie. Sans doute parce que Joaquin Phoenix, s’il chante lui-même (slogan indispensable du biopic de chanteur : l’acteur interprète lui-même les chansons, on vous le dit), ne maîtrise pas sa guitare, et la cache tout au long du film. Ce qui résiste à une telle normativité ? La bonne idée que Johnny avait de déployer son discours amoureux presque uniquement sur scène, lorsqu’il chantait en duo avec June Carter : scène de ménage ou demande en mariage, le chanteur avait fait du concert son moment, son show-time. Evidemment le film n’en tire rien, ce ne sont qu’interlude entre deux maillons de ce qui le concerne obstinément : une variation discount sur le destin des étoiles.