Voyage au centre de la terre 2 remplit comme il se doit son cahier des charges, celui d’un film d’aventure traversé par un récit d’adolescence hygiéniste tout droit sorti d’une sitcom Disney Channel. Rien de neuf, donc, sous le glacis du cinéma pour enfants-mutants du mercredi après-midi, et l’on y avance, selon une logique de parc d’attractions, d’une aventure à une autre, d’un lézard géant à l’effondrement d’une grotte que les connaissances ou l’ingéniosité de chacun arrivent tour à tour à surmonter.
Embrayant sur une narration pilotée d’avance par tous ses prédécesseurs, il ne reste plus au film qu’à actionner son sentiment de totale impunité en ne rendant plus compte de rien, surtout pas de vraisemblance : issues miraculeuses, invincibilité et souplesse des corps, savoir encyclopédique des personnages. Effets rebattus et consubstantiels au genre, mais ce qui s’intensifie ici, c’est l’absence de véritable point d’achoppement, de lacune, de moments de latence et de tâtonnement entre un problème et sa solution. Le film finit par ne plus raconter que l’accroissement inexorable d’une potentialité, d’une pure énergie qui dès lors qu’elle s’articule dévore tous les obstacles. Cette poétique de l’aberration donne lieu à des scènes au bord du dessin animé : faire redémarrer un sous-marin dont les batteries sont vieilles de 150 ans en le reliant à une anguille électrique, remonter une falaise sur le dos de grosses abeilles velues – cette scène, l’une des plus belles du film, tire toute sa portée onirique de l’esprit de sérieux avec lequel elle s’exécute.
Si le film se déleste de tout ce qui pourrait entraver la légèreté de ses corps et de son intrigue, il puise pourtant ses effets sur un constant et respectueux retour au texte : les grands romans d’aventure de Jules Verne et Stevenson. Tel chapitre, tel passage particulier se voit convoqué comme source inépuisable de problèmes et de solutions. Dans une des premières scènes, face à trois cartes issues de trois livres d’aventures (Swift, Stevenson, Verne) évoquant chacun des îles différentes, The Rock superpose chaque carte sur une table lumineuse d’où émerge magiquement l’Ile mystérieuse. Plus loin, la petite troupe ne trouve aucun moyen de s’échapper de l’île s’engouffrant sous l’eau, et le jeune héros alors se souvient du Nautilus, trouve une solution par la seule évocation de Jules Verne, faisant s’étendre le territoire des aventures à mesure que se parcourt le texte. L’audace est ainsi contenue dans les limites des oeuvres auxquelles on revient dans d’incessants allers-retours, comme pour leur demander la permission de la prochaine aventure, de la plasticité à venir. Sous le ciel numérique de l’enfance universelle, l’énergie devient un possible avatar de l’innocence.