C’est une petite surprise de voir trôner un Danny McBride, figure sans doute un peu floue de notre côté de l’Atlantique, parmi les têtes d’affiche ronflantes de Votre majesté. James Franco et Natalie Portman avaient certes déjà tenté d’alléger leurs carrières de jeunes premiers impeccables en s’aventurant vers des comédies sans prétention (Sex friends), voire résolument timbrées (Délire express). Ces apparitions sont toutefois sans comparaison avec les seconds rôles folkloriques, exclusivement triviaux, auxquels semblait condamné l’épais visage mal peigné de McBride. Sa face burinée, son regard abattu enfoncé par les excès, sa colère tristounette constante, furent trimballés de la jungle explosive de Tonnerre sous les tropiques au plaines bancales du Monde (presque) perdu, jusqu’à le faire devenir le fantôme subliminal d’une génération de comiques dominée à bonne distance par la figure paternelle de Judd Apatow. Au vrai, Délire express (première comédie de Green) constitue encore sa seule participation franche à une production de celui-ci.
Apparemment moins préoccupé par la fumette, Votre majesté vogue, pour autant, sur la même tonalité nuageuse, une mollesse battue au THC qui traverse la comédie américaine de ces dernières années. Tous les gestes paraissent arrachés aux tréfonds de cette paresse embuée, déjà aperçue chez Seth Rogen. On n’échappe d’ailleurs pas au clin d’œil avachi au spectateur en canapé : Thadeous n’est jamais aussi enthousiaste que lorsqu’il est encouragé à respirer les herbes magiques du bong d’un grand mage. Voilà le ressort essentiel et la probable raison d’être du film : les auteurs se sont amusés (plus que nous) à transposer leurs habitudes de semi-glandeurs californiens au milieu des forteresses et cavernes moyenâgeuses. Le programme n’est pas nouveau (Year one, Harold Ramis) et n’espérez pas qu’il soit rattrapé par un récit particulièrement étroit lui aussi.
Fabious (Franco), le prince beau gosse, revient au château victorieux, comme à son habitude, fort d’une raclée infligée à quelque tyran local des griffes duquel il a tiré l’exquise et éprise Belladonna (Deschanel). Des épousailles sont organisées à la hâte, laissant son frère Thadeous piteux et envieux de sa réussite – lui-même n’est bon qu’à conquérir des prostituées et fumer des joints en caressant son iguane. Comme il se doit pourtant, un infâme sorcier (Justin Theroux) fait son apparition à l’apogée de la cérémonie et kidnappe la dulcinée. Fabious va devoir réquisitionner son gland de frangin, pour arracher sa belle à l’emprise de l’ensorceleur pervers. Dans leur périple, ils croisent la route d’une guerrière solitaire (Portman) dont Thadeous s’éprend.
Sur son versant héroïque, le film de Green est étrangement sérieux et préoccupé de restituer l’action avec une efficacité sans ironie. Un ennui certain envahit l’écran à mesure que la comédie, les rares gags et répliques débiles s’effacent au profit de bourrages de pifs, intrigues et trahisons secondaires. Votre majesté est une adaptation manifeste de la série Kenny Powers (Eastbound & down) dans les paysages de l’heroic fantasy. Thadeous a la même arrogance vulgaire, le même orgueil apitoyé et agressif que la star de baseball déchue de la série de HBO (conçue par la même équipe). Eastbound & down travaille surtout la même tendance à soutenir son personnage avec un premier degré affiché, dans une solidarité systématique. Cet angle accorde à chacun de ses comportements, même les plus grotesques et grossiers, une efficacité rock & roll, une puissance quasi scorcesienne qui le sauve de l’indignité totale. Ici, cette volonté de coller à la médiocrité du personnage pour élever l’aventure dans un même lyrisme bouffon échoue. Green nous laisse sur les bras une comédie en pointillés, qui se divise à chaque coup d’épée donné, avec trop de conviction, dans ces ectoplasmes de synthèses sans humour.