Inspiré d’un fait divers qui s’est déroulé en Argentine en 1965, Vies brûlées narre la cavale de plus en plus tragique d’une bande de gangsters. Dans un premier temps, la belle mécanique aux rouages plus qu’usés du polar se met en branle, tous les éléments s’enchaînent parfaitement : présentation successive des personnages impliqués dans le braquage, le vol en lui-même qui tourne mal avec meurtres de plusieurs flics à la clé, la fuite avec le butin et le classique enfermement dans un appartement pour se faire oublier de la police. Une trame mille fois exploitée que le film ne revivifie jamais, mais réussit juste à plomber d’avantage par l’utilisation systématique d’une voix off durant toute la première demi-heure. Heureusement, Vies brûlées se désintéresse peu à peu de cette intrigue convenue pour s’attacher avant tout à ses personnages, en particulier le triangle masculin formé par Cuervo (Pablo Echarri) et le couple homosexuel Angel et Nene (respectivement, Eduardo Noriega et Leonardo Sbaraglia, tous les deux très convaincants).
Le point de départ de ce renversement est l’arrivée de la bande à Montevideo, en Uruguay. Obligés de vivre en reclus, ces truands jusque-là mal dégrossis vont progressivement se délester de leur côté primaire et acquérir une stature proche des héros de tragédie. Et si Marcelo Piñeyro ne réussit pas toujours à éviter une certaine facilité -les échappées parfois gratuites vers l’extérieur ou encore l’utilisation redondante d’une imagerie religieuse-, il arrive à rendre parfaitement compte de la dégradation des relations entre ces prisonniers volontaires. Le séjour à Montevideo qui n’aurait dû durer que quelques jours, le temps de trouver des papiers, va être celui de la chute ; une plongée suicidaire dans l’extrême, l’outrance. Jusqu’au final apocalyptique, une interminable fusillade, au cours de laquelle les trois hommes, pris d’assaut par une véritable armée, iront magnifiquement jusqu’au bout de leur destinée… à la manière du couple maudit Bonnie and Clyde.