A l’interrogation pleine d’espoir du premier film de Sandrine Veysset : Y aura-t-il de la neige à Noël ? succède un titre qui résonne comme un impitoyable constat d’échec : Victor… pendant qu’il est trop tard. Là réside peut-être toute la différence entre ces deux films, qu’on ne peut s’empêcher de comparer tant le premier nous avait émerveillé. Effectuer ce rapprochement est certes injuste mais inévitable, d’autant plus que les deux films font appel à une même noirceur traduite à l’écran par un réalisme mâtiné de féeries.
Malheureusement le miraculeux équilibre du premier film, où la tyrannie du père était sans cesse contrebalancée par la luminosité du personnage de la mère, n’est pas atteint dans le second où ne subsiste qu’une noirceur omniprésente. En résumé, Victor (Jérémy Chaix), voyeur forcé des relations sexuelles de ses parents, s’enfuit de chez lui. Il finira par trouver refuge auprès de Triche (Lydia Andrei), une prostituée qui exerce cette activité afin d’expier un inceste. Ces deux victimes s’aideront mutuellement pour tenter de vivre malgré leurs traumatismes respectifs. Ce parti pris d’un pessimisme radical est ici gâché par de nombreuses maladresses, tant dans les séquences des cauchemars de Victor que du point de vue des dialogues. A chaque évocation de son traumatisme, Victor n’utilise que des phrases lourdes de sens, presque caricaturales, tel que : « j’aimerais bien moi aussi des animaux… mais ils (ses parents) disent qu’ils ont bien assez d’un enfant ». Quant aux cauchemars, malgré une inspiration intéressante tirée des contes de fées, leur esthétisme « clipesque » les rend souvent ridicules. Malgré tout, le film réussit à nous émouvoir lorsque la réalisatrice retrouve une certaine subtilité dans la description des relations entre Victor et Triche, servie en cela par une interprétation remarquable des deux acteurs. Veysset , il est vrai, est une des rares réalisatrices à savoir diriger les enfants, véritables interprètes du film au même titre que les adultes. De même, son travail sur la couleur est irréprochable. Il permet de faire transparaître la grâce des personnages à travers de larges plages d’un noir profond rehaussées par le rouge éclatant du manteau de Victor ou la blancheur d’un visage. L’étape du deuxième film est difficile à franchir pour un jeune réalisateur, elle l’est d’autant plus pour Sandrine Veysset qui, pour son premier film, avait bénéficié d’un accueil critique et publique extrêmement favorable.
On ne regrette qu’une chose: c’est de ne pas pouvoir procéder à une inversion chronologique et de considérer Victor… comme un premier film. Notre jugement ne serait alors pas biaisé par les immenses qualités dont avait fait preuve la réalisatrice et qui nous avaient fait placer tant d’espoir en elle.
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