Velvet Goldmine : tout est dans ce titre magnifique. Car le troisième film de Todd Haynes, après la glaciation de ses deux premiers opus, Poison et Safe, se focalise sur l’apparence en général et plus spécifiquement sur la « mine d’or » cinégénique et euphorisante que constituent les paillettes, le velours et les différents tissus portés par les stars et adeptes du « glam-rock », un mouvement éphémère du début des années 70 basé sur la provocation, l’androgynie et la sublimation d’une théâtralité scénique et existentielle. Ses figures les plus marquantes ont pour nom David Bowie et Marc Bolan du groupe « T-Rex ». Brian Slade (Jonathan Rhys Meyers), le héros fictif de Velvet Goldmine, est un condensé de ces chanteurs mythiques. Extravagant, bisexuel et adulé par des fans qui n’ont de cesse de l’imiter, Slade fascine. Comme toute légende qui se respecte, l’artiste connaîtra son heure de gloire suivie d’une déchéance qui aboutira à une résurrection cachée et surprenante… Avant cela, Slade vivra deux histoires d’amour intenses avec, tout d’abord, sa femme Mandy (Toni Collette), puis Curt Wild (Ewan Mc Gregor), sorte d’Iggy Pop mâtiné de Kurt Cobain. Mais la question des ressemblances avec telle ou telle personnalité est finalement mineure dans un film qui se soucie plutôt du fantasme et du rêve qu’une idole peut procurer à ses admirateurs. Et le miroir identificatoire est ici Arthur (Christian Bale), jeune journaliste des années 80 chargé d’enquêter sur Slade qu’il vénérait dix ans auparavant. Arthur est l’image d’une mutation : l’époque du « glam-rock », durant laquelle il était possible de s’affirmer différent, a laissé place à la grisaille des années 80 qui ont poussé Arthur à perdre sa véritable identité. Pourtant, celui-ci finira par hériter d’une pierre bleue, symbole d’une liberté à toute épreuve. C’est aussi l’une des plus belles idées du film que de tracer l’historique de ce bijou ayant appartenu à Oscar Wilde (selon Todd Haynes) et qui passe entre les mains des différents héros ; comme si un simple objet avait le pouvoir de transmettre à son possesseur une aura extraordinaire et la Beauté au sens fort du terme.
Si l’on devait d’ailleurs rapprocher Velvet Goldmine d’un autre film, ce serait de Flaming Creatures, court métrage underground de la fin des années 60 réalisé par Jack Smith et à l’adresse duquel Haynes effectue de multiples clins d’œil. Véritable défilé d’homosexuels et de travestis heureux, Flaming creatures vantait déjà l’enchantement visuel qu’offraient les maquillages et costumes excentriques de ses personnages. Bouleversant manifeste sexuel et esthétique, Velvet Goldmine réussit lui aussi à donner à une certaine marginalité les images qu’elle mérite, afin de faire rêver même les derniers incrédules.