Vacances prolongées trouve son origine dans la maladie, la mort. Atteint d’un cancer, le cinéaste apprend que les soins ont été inefficaces ; le mal dont il est atteint se généralise et il lui reste peu de temps à vivre. Il décide alors, accompagné de sa femme Nosh, de partir autour du monde pour filmer sur les différents continents des images qui seront sans doute ses dernières.
Ce monde enregistré par un homme en train de mourir n’a rien de spectaculaire. Il s’agit avant tout pour le réalisateur de capter la vie. D’aller, selon ses propres mots, « vers les conditions de vie diverses, chaudes et froides, désertes et peuplées avec l’omniprésence de l’homme qui surmonte tous les obstacles grâce aux belles histoires qu’il se conte pour se réconforter face au néant ». Cette démarche de survie -aussi bien pour l’homme qui filme que pour les hommes filmés- aboutit à un collage d’images où se confondent en permanence les rapports entre Nord et Sud, entre la vie et la mort. Ainsi, aux séquences filmées dans les pays « sous-développés » se superposent les images tournées dans les pays « riches », et notamment aux Pays-Bas. Entre deux voyages, Johan van der Keuken ne pose pas sa caméra : il filme son médecin qui lui expose la progression de la maladie, les divers traitements envisageables. Et quand la médecine occidentale, malgré sa grande sophistication, est impuissante face au mal, c’est la médecine traditionnelle qui prend le relais. Johan van der Keuken part de nouveau, cette fois pour le Népal, où une femme chaman (en transe) tente de le guérir en apposant ses mains sur différentes parties de son corps.
Absent du champ et bientôt absent du monde, le cinéaste continue obstinément à filmer, car ne plus faire des images équivaut à la mort. Mais les images elles-mêmes, à l’instar de son corps, se détériorent. Affaibli par son cancer, il est parfois obligé d’abandonner la caméra, trop lourde, pour adopter la vidéo numérique. La pellicule disparaît et laisse place au gros grain, aux couleurs sales de la vidéo. Et si, parfois, on reste extérieur aux images filmées par J. van der Keuken -souvent trop contemplatives-, ce combat entre vidéo et film se révèle particulièrement émouvant. Les images continuent d’être enregistrées, même si elles n’ont plus la même force, et le film se poursuit. Ce qu’elles transmettent est miné, limité. Corps du cinéaste et images ne font plus qu’un, unis en un terrible dépérissement, rongés par la maladie.