Surprenant exercice de la part de Catherine Breillat, qui rhabille ses acteurs à la mode XIXe pour adapter le roman de Barbey d’Aurevilly, l’histoire assez convenue de la passion de Ryno de Marigny (Fu’ad Aït Aattou) pour La Vellini, brune et brûlante (Asia Argento). Barbey façon Breillat ? Les intérieurs feutrés, les chambres closes où l’on théorise plaisir sur l’oreiller, les héroïnes amazones ramènent en terrain connu. Mais c’est surtout lorsqu’elle s’éloigne de son territoire habituel que la cinéaste emballe.
« En 1835, au siècle de Choderlos de Laclos » : Indication temporelle anachronique, ce premier carton dit tout du projet et de son ampleur historique. Choderlos de Laclos est mort en 1803, mais Breillat filme le passage d’un siècle à l’autre, du XVIIIème libertin au XIXème romantique et bourgeois. Face à face, deux générations : d’un côté, les anciens (Michael Lonsdale, Claude Sarraute et Yolande Moreau), papis et mamies nourris aux liaisons dangereuses, témoins du XVIIIe olé-olé et de sa morale légère ; de l’autre, les jeunes romantiques et torturés en quête de l’amour absolu. Malicieux et moqueurs, les libertins grisonnants assistent à la naissance d’une morale bourgeoise riquiqui : la passion torride de leurs descendants devient une sombre affaire de vaudeville entre femme, mari et maîtresse.
On n’échappe pas aux parages d’Eros et Thanatos (le sexe, le sang et la douleur), mais une allégresse inédite bazarde la complaisance. Le film cultive une distance très bienfaitrice qui bouscule en rigolant les affres poseurs du romantisme. Le contrechamp des vieux plaisantins et les libertés prises avec le temps (les anachronismes fréquents : La Vellini en icône rock à casquette) ou le réalisme (le désert algérien réduit à un pauvre cabanon et une petite dune) désamorcent la gravité passionnelle et font d’Une Vieille maîtresse le film le plus léger de Breillat. L’esprit XVIIIe est sauf !