Dans les asiles hollywoodiens, les personnages ont beau changer, il se passe toujours la même chose. Injustices, révoltes et électrochocs représentent trois de ces éléments immuables autour desquels se nouent les intrigues et se créent les liens vers un objectif semblable : sortir d’un lieu qui accélère l’aliénation plus qu’il ne la freine. Mètre étalon de ces fictions formatées, Vol au-dessus d’un nid de coucou distribuait il y a plus de vingt ans des enjeux toujours valables aujourd’hui. La preuve avec Une Vie volée qui ne s’écarte pas vraiment des schèmes narratifs proposés par Forman, mais se contente de les conjuguer au féminin et au passé (le récit se déroule dans les années soixante). Ainsi, l’on retrouve dans le film de Mangold la panoplie habituelle de dingues, au centre desquels siège comme il se doit celle par qui le récit se met en branle et se focalise d’emblée. Susanna -c’est d’elle dont il s’agit- n’est pas vraiment folle (l’identification aurait été difficile…), mais se comporte comme une adolescente étrange, mal dans sa peau, et sujette à de fréquentes dépressions. Après une tentative de suicide, ses parents décident de la faire interner dans une institution psychiatrique. Elle y rencontrera Lisa, rebelle indomptable, et tout un tas de jeunes filles attachantes malgré leurs névroses.
Basé sur une histoire vraie, Une Vie volée joue la carte de l’authenticité comme si elle appartenait au cahier des charges imposé par la production. Sans trop y croire, Mangold nous balance ainsi une longue série de plans vains censés désigner la fibre artistique de la véritable Susanna, actuellement écrivain : Susanna peint, chante, et parsème son carnet de notes tandis qu’elle déblatère en voix off quelques pensées issues de son roman à venir. Un peu d’action vient régulièrement pimenter l’ensemble, avec notamment les entrées fracassantes de Lisa et la tentative d’évasion des deux héroïnes. Le reste, dilaté sur plus de deux heures, ne s’avère pas plus original. De l’infirmière compréhensive (Whoopi Goldberg en afro-queen) au catalogue de beautés cinglées, Une Vie volée demeure toutefois supportable grâce à son duo d’actrices, chacune investissant son personnage d’une énergie farouche, l’une tout en explosions latentes (Winona Ryder) et l’autre en perpétuelle mais intense représentation (Angelina Jolie). Sans elles, ce film laborieux n’aurait sans doute jamais vu le jour.