Au centre d’Une Petite zone de turbulence, Jean-Pierre (Michel Blanc), middle class de province, qui a trouvé deux moyens pour tuer l’ennui de sa préretraite forcée : 1. Construire une remise en brique dans son jardin (syndrome du cochon Naf Naf ?) ; 2. S’imaginer un début de cancer de la peau à la hanche droite. Oui, car notre JP, sorte de Jean-Claude Duss sous Tranxène, est hypocondriaque. Il s’imagine des maladies du corps comme pour oublier la pire des maladies de l’âme : la jalousie. En effet, sa femme (Miou Miou, qui a pris un gros coup de bambou) le trompe dans son dos (et sa hanche droite) avec un ex collègue de bureau. A la manière d’un Volpone, il va dès lors passer plus d’une heure à promener airs droopy et humeur gueule de bois (ça fait long), simuler la gravité d’un homme qui peut mourir, comme pour s’attirer un poil de compassion.
Autour, ça s’agite, ça pépie : dans la famille prout prout, je voudrais la fille (Mélanie Doutey), chieuse née, qui hésite à épouser un agent de la sécurité (Gilles Lellouche), et le fils homo, empêtré dans ses peurs de coming out. En fond sonore, molette de volume sur 10, on entend le discours lénifiant sur le droit aux différences – différence sociale, sexuelle – et la difficulté à s’engager ; « Choisir, c’est renoncer » rappelle le dossier de presse citant Gide. On aimerait la patte d’un Chabrol ou le tranchant de Buñuel pour déchirer le voile des illusions bourgeoises, mais c’est Alfred Lot qui réalise. Les dialogues (signés Michel Blanc) font parfois mouche (« Les médecins, ils te disent que tu vas crever, et ils vont jouer au golf »), mais se trouvent lestés par des situations en plomb, entre comique boulevardier et Le Miel et les abeilles (tu crois qu’elle m’aime, diiis ?…) Le film devient même détestable quand il évoque, dans un didactisme à la « Que sais-je ? », la difficulté à être gay dans une famille catho tradi.
L’ennui de JP est communicatif. On finit même, petit jeu distrait, par débusquer les placements de produits, ici Danone et ses petits Lu, là Dalloyau. Jusqu’au final – le mariage évidemment – qui nous promet un discours frappé à la Festen. Mais le film n’ose pas, la vodka n’est pas son truc, et préfère une chute douce amère comme un verre de Suze. Pas vraiment de quoi s’enivrer.