Le soir, dans les grandes herbes, un couple s’enlace. L’image granuleuse et obscure, l’étreinte originelle des adolescents et au fond la lune reflétée dans un corsage blanc. Avec cette première scène presque garellienne, Une Jeunesse chinoise semble ouvrir une voie prometteuse de rêveries. Malheureusement, cette image nocturne n’est qu’un beau paravent totalement hétérogène en regard des fadaises hystériques que déploie ensuite le film. Lou Ye, romantique à la petite semaine, raconte l’histoire invraisemblable d’un amour absolu et outrancier entre deux étudiants de l’université de Pékin. Les revirements de la passion ont beau résonner avec emphase dans la voix off, difficile de gober toutes ses crises.
Quelques surprises attirent l’attention dans les premières scènes des longues 2h20, et c’est sans doute ce qui a mené Une Jeunesse chinoise et son package provoc très exportable jusqu’en France (et même à Cannes, en compétition l’an dernier). Mais passé l’exotisme des couloirs bruyants et décatis de l’université, des rengaines rock en mandarin, passé l’étonnement de voir tant de sexe dans un film chinois, et une fois qu’on a détaillé la beauté de Hao Lei, on s’afflige. Le comble est atteint quand la petite histoire rencontre la grande. En juin 1989, les amoureux transis se cherchent au milieu de la foule chatoyante des étudiants de Tian an men. On avait déjà assisté à ce genre d’aplatissement mièvre et décérébré de l’histoire par le petit monde de l’intime (Les Innocents de Bertolucci et Marie-Antoinette de Sofia Coppola, où la révolution sombrait derrière les minauderies de la poupée princesse). Décidément l’heure est aux petites affaires. Pourtant Lou Ye ne s’arrête pas là et va répandre son flot sentimental jusqu’au mur de Berlin. La bande de bons copains traverse l’espace et le temps sur fond insurrectionnel sans jamais déroger à l’autisme de rigueur. La fresque générationnelle boy-scout Nos meilleures années de l’Italien Marco Tullio Girodana a trouvé sa version chinoise.