Lassée d’une vie routinière de citadine intégrée -le pas très neuf « métro, boulot, dodo »- Sandrine, 30 ans, décide de changer de vie et de réaliser un rêve de gosse : aller à la campagne et devenir agricultrice. Elle y trouve ce qu’elle n’a pas en ville : la terre sous ses souliers crottés, le sens de l’effort et l’air pur, bien entendu. Elle y fait surtout la rencontre d’un vieux paysan bougon dont le mauvais accueil et l’indifférence ne sont que feintes d’un homme de la campagne, en réalité disposé à un dernier vol avec cette hirondelle providentielle.
Pour son premier long-métrage, Christian Carion a donc choisi le grand air et les bons sentiments. Stratégiquement, on voit mal comment mieux faire. D’une part, le choix de Carion et les arguments du projet -un cinéma du terroir labellisé français- répondent aux attentes du vieux cahier des charges revendicatif anti-intello (« le cinéma français a beaucoup souffert de la Nouvelle Vague », refrain connu et surtout très vieux refrain). D’autre part, le film sait jouer de la fameuse « demande sociale » sans quoi le cinéma aujourd’hui est voué à l’incompréhension (« les spectateurs ne se reconnaissent pas dans votre film ! »), voire à l’opprobre (Dumont, Grandrieux, esthètes dangereux coupés du monde), en tout cas à l’indifférence des gros médias (mauvaise nouvelle coco : ce n’est pas toi qui ouvre le Drucker dominical de la rentrée !). Pour ne fâcher personne donc et faire parler tout le monde, Une Hirondelle… aborde l’éternel thème de la France des campagnes dans sa version néo-écologiste.
Retour au film maintenant : quand il n’y a plus d’abeilles sur les pots de confitures, on déprime et on part à la campagne. Et qu’est-ce qu’on y fait ? On retape une vieille grange et on en fait un gîte de montagne. On fait aussi les activités traditionnelles : traire les chèvres, les faire paître, et les ramener le soir. Quoi d’autre ? Parfois une chèvre a plus de personnalité que ses comparses (c’est la magie de la nature) ; dans le troupeau de Sandrine, elle s’appelle Mouchette (ces derniers temps, les cinéphiles en prennent vraiment plein la gueule !). Trêve de plaisanterie. On l’aura compris, la première faiblesse du long métrage de Carion est son « manque à raconter ». Le scénario est ficelé comme un saucisson de montagne mais il ne fait qu’enfiler les « propositions sans avenir ». Imposture du film qui se présente comme un tableau sincère et respectueux du monde paysan alors qu’il invente des histoires qui ne tiennent pas debout (tout ce foin -un quart d’heure- sur Sandrine qui se lance dans la promotion par Internet de la région Rhône-Alpes, est-ce bien raisonnable ?). De toute façon, comme l’avoue le premier plan post-générique du film (une affiche publicitaire pour la région Rhône-Alpes), l’horizon esthétique de cette hirondelle est le dépliant touristique : la campagne y est montrée comme le terrain de jeu des citadins qui y font du cheval, du parapente et y apprécient le fromage frais. On conseille à tout le monde le récent Profils paysans de Raymond Depardon, film honnête qui ne trompe pas sur la marchandise.