Attention gros film moisi. Il y avait quelque temps (pas non plus une éternité) que le syndrome La Boîte n’avait pas frappé les salles françaises, bien que le niveau de la comédie nationale ne cesse de s’engoncer dans des abîmes d’épouvante dépassant souvent l’entendement. Le syndrome La Boîte ? Une capacité incroyable à défoncer d’un coup de masse les lois de l’évolution. Des films qui sonnent comme un bon gros K.O., retour brutal à une sorte d’an zéro du cinéma populaire : sous couvert de bonne poilade, coups bas (racisme, misogynie, obscénité) et réduction du spectateur à l’état de champignon ou de rognon d’humanité. Nouveau sommet en la matière, le film de Didier Caron est une comédie de mariage reprenant à la lettre près une pièce de théâtre de Didier Carion. Producteurs : Charles Gassot et Gérard Louvin. Objectif : faire du Woody Allen avec un quotient intellectuel de P4.
Outre le fait qu’il souffre atrocement de l’originalité de son script (à l’occasion d’un mariage en pleine campagne, plusieurs couples déballent leurs problèmes intimes), le film est un nid de clichés sociologiques et de bons mots épais comme un potage de grumeaux. Florilège : « Oui chérie, ma femme est venue avec moi à ce mariage, je n’allais pas la laisser à la maison, ce n’est pas un teckel non plus » (silence). « Mon mari a pris une jeune idiote, moi je fais mieux, je prends un grand con » (gros renvoi). « Jean, remonte ton pantalon » (premiers vomissements). Le film plonge dans les abysses de la platitude marivaudante, rehaussé par instant de jouissifs pics de vulgarité acide. Parmi eux, l’apparition de Louvin en curé et surtout le running gag démentiel où des plombiers polonais parlent un Français incompréhensible à la belle-mère raciste, sorte d’infâme patois slave traversé d’insultes argotiques dignes du syndrome de Tourette. On en pleurerait.
Le film atteint de tels soubassements de cynisme, dans sa mécanique de téléfilm customisé à la graille, qu’il mute en ovni absolu : un mélange de psychanalyse bourgeoise (insupportable panel de personnages sans le moindre rapport avec le monde, avec mention pour le bellâtre aventurier sauveur de bonobos) et d’humour bigardisant. Difficile d’imaginer cible à pareil produit dégénéré : le film est en rupture totale de potentialité commerciale, rayonnant de bêtise solitaire et cadenassée. Il faut pour comprendre une telle sortie en revenir à l’hypothèse du pur détraquement. Un Vrai bonheur ne pourrait probablement pas exister ailleurs, aujourd’hui, qu’en cet espace aberrant et libre, pur trou noir, qu’est devenu le genre phare du cinéma populaire français : un grand bouillon de microbes.