Le cinéma iranien est devenu depuis quelques années un pôle important de la production cinématographique mondiale et de nouveaux auteurs talentueux font régulièrement leur apparition. Un peu comme le cinéma taiwanais, on se retrouve en territoire connu et on se laisse d’autant plus facilement aller aux charmes stylistiques et thématiques de ces cinématographies éloignées. Mais, passée cette phase extatique, force est de reconnaître qu’Un temps pour l’ivresse des chevaux, Caméra d’or à Cannes cette année, est tout simplement un grand film.
Des enfants kurdes se retrouvent orphelins à la suite de la mort de leur père et sont mis sous la coupe de leur oncle. Madi, l’un des garçons, souffre d’une grave maladie dont le seul remède proviendrait d’une hospitalisation en Irak. Son frère Nezhad accumule les petits boulots pour tenter de financer cette opération. Hélas, sans grand succès. L’oncle décide alors de marier la plus grande des sœurs à un Irakien qui leur promet de sauver Madi. Mais cela se fait sans l’accord de Nezhad… Les enfants sont encore à l’honneur dans le cinéma iranien. Au point d’en être l’une de ses caractéristiques principales, voire un genre à part entière -genre créé par le maître Kiarostami lors de son passage à l’Institut pour le développement intellectuel des enfants et adolescents.
Parce que le réalisateur est d’origine kurde, certains ont eu vite fait de taxer le film de politique, comme si cela était nécessairement une tare. Or, si le contexte du film est clairement défini (nous sommes à la frontière irano-irakienne et la principale activité des personnages consiste à faire du trafic de contrebande), la dénonciation sociale qu’il évoque est loin de contaminer entièrement la structure du film. Sa dynamique est avant tout générée par un sentiment de perte (le père, la sœur qui se marie, la cargaison des trafiquants qui dévale les montagnes…) qui se généralise progressivement. Ce travail de deuil graduel conditionne alors l’urgence : sauver l’enfant. Un espace enneigé, baigné d’une lumière magnifique, et savamment composé par un cinéaste soucieux de créer un univers à la mesure de l’espoir de ses personnages. Il est difficile toutefois de parler d’émotion, mais plutôt d’une douce sérénité qui échappe au fatalisme. Le constat d’un monde que seuls les enfants peuvent encore modifier et l’innocence comme principe politique, voilà un beau programme.