Retour dans les forêts vert-bleu et les brumes grisâtres : bienvenue dans le troisième volet de la saga Twilight. Après avoir cru un temps Bella morte dans le deuxième épisode, Edward cette fois officialisera une demande en mariage que Bella n’accepte pas tant que l’amour charnel n’est pas consommé. Pendant ce temps, le volcanique Jacob n’en finit pas de brûler d’amour pour Bella tandis qu’une menace plane sur eux : une armée de vampire se constitue peu à peu à Seattle afin de tuer Bella. Dans le petit monde Twilight, les choses bougent mais changent peu. Comme dans un mythe, les êtres se transforment mais les passions restent les mêmes, intactes, immuables, indestructibles. Qu’apporte David Slade, réalisateur de 30 jours de nuit, à la suite de cette saga puritaine ? Bof, pas grand chose.
Il manque à Slade ce talent qui consiste à filmer le sexe sans le filmer, à figurer le point de rupture où le désir ardent et la non consommation de ce désir conduisent à une sorte de flottement voluptueux, ce que réussissait par éclats le premier épisode. Slade n’était déjà pas très à l’aise avec ces moments de latence dans son 30 jours de nuit, culte chez certains, mais qui ne nous avait pas vraiment convaincu en dépit d’une magnifique scène d’ouverture. Il y a quelque chose chez lui de plus brutal et âcre (belle ouverture, là encore) qui le rend davantage inspiré dans les scènes d’action (encore que le combat avec Victoria soit assez pauvrement filmé). Les scènes romantiques sont invariablement cadrées en gros plans et en longue focale et font parfois, curieusement, ressembler le film à du pur soap opera. Ce dispositif un peu répétitif permet néanmoins d’isoler un temps les tourtereaux du monde qui les entoure et des affres guerriers, et c’est finalement ce qu’il y a de plus beau dans cette saga : cette sorte de clivage entre la brutalité d’un film d’action qui extériorise la violence et le romantisme fleur bleue, autiste et maladif d’un roman à l’eau de rose. Un cinéaste aussi à l’aise dans les deux registres aurait sans doute été plus à sa place – on pense à certains Carpenter, ou à un Guillermo del Toro qui sait rendre le romantisme macabre et l’action poétique.
Il n’en reste pas moins que le film contient de très belles séquences clivées. La plus belle est celle où Edward et Jacob protègent Bella, endormie et frigorifiée dans une tente, sur les hauteurs d’une montagne enneigée. La friction entre le chaud et le froid, les pulsions sexuelles et le romantisme glacé, la ligne claire d’un récit simpliste et la complexité des sentiments, tout cela atteint presque à une sorte de perfection étrange qui rappelle certains films muets alpestres (la deuxième partie de La Roue d’Abel Gance par exemple) où les passions trouvent un théâtre idéal pour s’incarner et jouxtent le mythe. Bien sûr tout cela reste assez timoré, pris dans le corset un peu étouffant du blockbuster formaté pour ne jamais choquer ou remuer le public adolescent visé. Mais cette séquence est à elle seule un concentré de ce qu’il y a de plus émouvant dans la saga, le terrible désarroi adolescent face aux atermoiements du coeur et de la chair.