Un agent du Mossad mis sur la touche après le suicide de sa femme se voit confier par son père une mission de seconde zone. Il doit approcher un touriste allemand dont le grand père, un haut dignitaire nazi, serait encore planqué en Amérique latine. De deux choses l’une. Soit Eytan Fox se la joue Marathon man, soit il taquine les idées reçues pour en faire une petite mécanique veberienne. Pas d’entre deux, ni de consensus mou : ce troisième long métrage bondit du point A au point B avec l’efficacité comme seul point de mire. A l’instar de ses contemporains israéliens, dont le dernier en date, Ra’anan Alexandrowicz et son énergisant Voyage de James à Jérusalem, Eytan Fox est un carthésien dynamique. Pas aussi malin qu’il le faudrait, il s’empare de sujet de société pour les recracher aussi sec en rythmiques de comédies.
Du Mossad aux skinheads des bas fonds de Berlin, le film transforme chaque figure sociale en canevas de série télé : pas la fonction, mais tous de la famille. Entre le kibboutz, les agents secrets, la bourgeoisie berlinoise, les homos et hétéros, le film s’amuse à communautariser chaque individu. Systématique, l’exercice prend l’allure d’un tour de force jovial et léger qui emporte tout sur son passage. Fox opère un mouvement surdramatiseur qui dans le même temps dédramatise. Il commence par montrer une opération secrète avec une froidure de thriller politique, puis se réchauffe instantanément en assénant une trivialité au bord de la farce (le retour du grand père, passage littéralement estomaquant). Cette binarité, c’est exactement le film : une suite d’équations mathématiques, du chaud et du froid, une alternance saccadée ou rien ne se mélange vraiment.
D’où une bêtise diffuse, ou plutôt une absence totale de réflexion. Fox croît trop aux archétypes pour les manier finement. Pour lui, Juifs et Allemands, même combat (la tolérance), même cliché (machisme chez l’un, blondeur pour l’autre), même façon de prendre la température d’un pays (le tourisme). Le film dérape toujours, mais pas dangereusement tant le scénario ne se départit jamais de cet idéal progressiste trottinant, mi-parents d’élèves mi-guide du routard. L’essentiel finalement pour le réalisateur qui n’aime rien moins que de filmer des duos contrastés à poil sur la Mer Morte (d’où le titre) ou capter l’étonnement d’un barbouze pour les homos. Franchement impossible de râler devant un tel spectacle tâcheronné comme tant d’autres mais boosté par un déterminisme aussi bienveillant. On ne marchera pas sur l’eau, mais on peut toujours rêver.