Après le raz de marée Titanic et avant la probable houle suscitée par En pleine tempête (à l’affiche le 9 août 2000), Trop tard se positionne comme l’outsider plus qu’acceptable d’un sous-genre en pleine expansion : le film de naufrage. Cette production Paulo Branco n’a -on s’en serait douté- que peu de choses à voir avec les blockbusters dont il partage, à première vue, la thématique. Il est, à ce titre, saisissant de constater à quel point Jose Nascimento, le réalisateur, s’est détourné de tout effet de spectacle, des écueils de la grandiloquence et du tapage. Tout d’abord, son naufrage est microscopique : quatre pêcheurs se retrouvent piégés dans les eaux du Tage, à marée basse. Aucune emphase dans ces prémices. Au contraire, le metteur en scène joue subtilement de la quiétude de l’élément aquatique. Les naufragés peuvent se déplacer, voient les côtes lisboètes au loin mais sont prisonniers du plus familier des ennemis, le fleuve qui les fait vivre et dont ils tirent leur identité, menace stagnante et figée.
Nul besoin d’une armée de figurants pour dépeindre le désespoir, José Nascimento s’attache dès le départ à des problèmes humains et relationnels en filmant au plus près la détresse. Celle qui s’extériorise sur les visages, dans la violence des échanges verbaux, se lit sur les corps transis de froid, détrempés, à la lisière du renoncement. Le metteur en scène fait le choix du dépouillement contre le lyrisme, l’esprit de fresque et l’émotion facile. Les personnages rugueux de Trop tard ne sont guère aimables ; leur âpreté, leur lâcheté, leur effroi expriment d’autant mieux la peur de la mort, l’humanité de cette peur dans ce qu’elle contient de trivial aussi bien que de métaphysique.
Si passée son audacieuse première demi-heure, paradoxal huis clos en espace ouvert, le film se dirige vers une issue attendue et perd de sa rigueur lorsqu’il met pied à terre, sa force initiale ne s’estompe pas totalement et se répercute sur d’autres scènes, plus espacées. Ces moments -telle la découverte d’un cadavre figé sur un îlot- laissent supposer l’émergence d’un véritable cinéaste avec lequel il semblerait désormais falloir compter.