Annoncé comme la sensation du festival de Cannes 2005 -à mi-chemin disait-on entre Sam Peckinpah et Clint Eastwood-, Trois enterrements débarque avec une aura de film-culte en devenir. Quand on connaît l’oeuvre d’acteur plutôt médiocre de Tommy Lee Jones, difficile néanmoins de croire qu’un tel fils prodigue du nanar d’action (Piège en haute mer, Blown away, Men in black) puisse se muer en cinéaste très passionnant. Confirmation dès refroidi le plat sauce paillettes de Cannes : de Peckinpah ou de Huston, cinéastes machos obsédés par le Vieux Sud, Tommy n’a que la façade burinée et brûlée par le soleil du Texas et du Mexique. Le reste, le film, n’est qu’un pâle simulacre de western, sorte de chronique pubesque d’un fait divers aussi passionnant que le script moyen d’un Hollywood night.
Un vieux contremaître décide de rendre justice au pauvre petit Mexicain qu’un méchant policier a assassiné par mégarde. Il déterre le corps et force le policier, fourbe blanc-bec, à le traîner jusqu’à sa ville natale, au fin fond du désert mexicain. La rapport tellement évident à Peckinpah, qui tient dans la reprise du thème du transport d’un cadavre (une tête, pour être précis) à travers le Mexique d’Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia, n’atteint évidemment pas la cheville de son modèle (ou source ?). Incapable de dépasser le stade d’un picaresque clipeux, le bon vieux Tommy s’en remet à des bouchages de trous purs et simples : piqûre de serpent à sonnette, pause chez des Mexicains sympatoches, leçons de vie entre le vieux patriarche et le jeune blanc-bec (sûrement le côté Clint Eastwood du film). Le cinémascope autant que la construction en trois parties, pour rien du tout bien sûr, ne sont qu’une façade de plus pour amplifier l’effet esbroufe indie du film.
Reste des grands espaces filmés comme un horizon infini et sauvage (le côté métaphysique discount du film) et cette manière pour l’acteur cinéaste de montrer, dans chaque détail, que cet univers (le Sud, les bières au coin du feu, le bétail, les femmes) est un univers qu’il connaît bien. Reste surtout un film creux comme une baudruche, plombé par une fin de mauvais téléfilm et par une prétention à la stylisation qui ne parvient même pas à atteindre le sens de l’efficacité roublarde d’un James Mangold ou d’un Ron Howard. Pas de quoi s’énerver tant le sujet se boit comme du petit lait, tant cette déclaration d’amour au Mexique demeure plus touchante que ratée, mais néanmoins la tristesse de constater qu’il faut que le western aille bien mal pour que l’on voie dans pareille inoffensive entourloupe l’héritage du grand Peckinpah.