À l’annonce de la mort de leur père, deux frères (Laurent Lafitte et Vincent Macaigne) partent pour un road-trip jusqu’au lieu de l’enterrement, où les attend une jeune femme inconnue (Ludivine Sagnier) qui prétend être leur demie-soeur. Plutôt qu’un deuil, le voyage offrira une succession de découvertes sur le père, rouvrant pour les frères quelques vieilles blessures d’enfance.Dans Tristesse Club, le gâteau du petit grain de folie et des failles intimes est méticuleusement découpé et distribué en parts égales. C’est tout le problème d’un film un peu trop soigneux, qui donne le sentiment d’appliquer à la lettre des leçons apprises en atelier de scénario : seconds rôles bigarrés qui sont autant de clefs pour le périple, background minutieux, narration saupoudrée de coups de théâtre. Une fausse demi-soeur, une vieille Porsche, un lac et ses secrets, un père pas vraiment mort, un jeu de piste : à dérouler ainsi la recette du film, la bande-annonce était déjà très révélatrice de ce sentiment que le scénario a été écrit sous la contrainte d’intégrer à l’écriture ces ingrédients nombreux, que Mariette peine finalement à lier entre eux.
Et de fait, il ne reste pas grand chose d’autre, au sortir du film, que ce catalogue d’ingrédients, tant il lui manque un univers suffisamment solide pour animer cette bonbonnière à gadgets. En cela, le principal décor (la maison d’enfance des frères) est à l’image du film : un grand lieu vide rempli de reliques farfelues. Le souci vient de ce que la mise en scène ne parvient jamais vraiment à faire vivre ce scénario très soigneux – toute en doux travellings et en plans larges, elle finit par aplatir tout jusqu’à faire ressembler le décor aux pages du scénario. D’autant que, soucieux d’être une bonne « comédie romantique », Tristesse Club s’enferre dans une recherche paralysante de la bonne mesure : un peu triste, un peu rigolo, un peu gris, un peu rose, comme son titre et son affiche. Cette demi-teinte généralisée, cette recherche du dosage parfait finit par neutraliser un à un tous les effets. La « bromance » pulvérise l’amertume familiale, la douceur de Vincent Macaigne annule la hargne de Laurent Lafitte – avec, pour parfaire l’équilibre, placée au milieu, cette figure molle, totalement désincarnée que joue Ludivine Sagnier. En résulte une chronique douce-amère où les nobles ambitions de dépoussiérage de la comédie française restent lettre morte, trop brimées par des précautions auteuristes qui empêchent le film de basculer réellement du côté de la comédie ou du drame. À trop chercher ce moyen terme et à réconcilier bonne facture de cinéma d’auteur et ambition populaire, Tristesse Club finit par s’échouer une sorte de no man’s land qui ne fait ni rire ni pleurer.