L’édition collector de la trilogie Indiana Jones est un monstre. D’abord, revoir les films d’un seul trait : le premier, le plus beau, le second, le plus noir, le troisième, le plus pépère mais pas forcément le moins sympathique. Difficile au fond de juger chacun des opus selon des critères précis tant le plaisir de la réédition est celui, avant tout, d’offrir une continuité et de redonner à la vision des films une apparence de bloc incompressible et sans aucune altérité. Le mouvement du serial, qui est la sève profonde du projet Indiana Jones, trouve alors son plein rendement. Passé le plaisir simple de la révision des films, vient ensuite celui, plus baroque et désorganisé, du bonus et des prolongements en forme de friandises techniques (making of, documents d’époque) et pédagogiques (un par un, chaque département ou secret de l’un des films, des effets spéciaux à la musique, des cascades aux origines du mythe, est passé au peigne fin).
Sur ce plan, l’édition est un modèle de sophistication et d’équilibre. On pourrait presque, à première vue, trouver trop propre le DVD spécial bonus, tant l’esprit foutoir de nombreux autres (un peu de tout, n’importe comment) est ici réorganisé à la manière d’un véritable livre virtuel, en grandes parties et chapitres parcimonieux. Les documentaires thématiques sont d’une profondeur assez vertigineuse, mais peinent évidemment à sortir de l’hagiographie ou du cérémonial un rien obséquieux. La plus grosse surprise vient de la partie purement » making of » (un pour chaque film), qui, par la richesse des documents et archives proposés, tient du trésor absolu. Chaque making of est une caverne d’Ali Baba emplie de pépites venues directement de la mine Lucasfilm : extraits de storyboard ou de script, bouts d’essai, révélations de truquage, scènes inédites et entretiens s’y succèdent en une guirlande de gâteries prodigieuses.
Du plus inutile (Indiana est à l’origine le nom du chien de George Lucas) au plus jouissif (Tom Selleck en Indiana Jones lors des essais de casting, retenu mais finalement empêché par le début de la série Magnum), chaque information, chaque document présentés réactivent la magie luxuriante de la trilogie et renforcent inéluctablement son pouvoir de fascination. On y apprend, entre autres, que le scénario du second épisode fut élaboré à partir des scènes restées en suspend et non retenues des Aventuriers de l’Arche perdue. On y voit enfin Lucas avouer qu’il aurait confié à Spielberg la réalisation des films dans le seul but de ne pas se frotter à la scène des 7 000 serpents des Aventuriers. Pour quiconque a grandi au rythme et à la musique de chacun des épisodes, des origines incandescentes en 1980 et dans l’attente du quatrième épisode promis pour bientôt, plus qu’un intouchable coffret : un monument.